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La pollution chimique de l’air intérieur : de la genèse aux effets sanitaires

I.3 Évaluation de l’exposition domestique aux polluants chi miques

I.3.1 Méthodes d’évaluation de l’exposition domestique

L’évaluation de la contamination en polluants chimiques du milieu intérieur, en tenant compte de la distribution des polluants dans le temps et dans l’espace, est une phase clé pour estimer l’exposition des individus aux polluants. Afin de dresser un état de la qualité de l’air intérieur et caractériser la pollution, des investigations environnementales sont menées.

L’évaluation de l’exposition est une composante fondamentale dans les études épidémiologiques environnementales. Dans les études à large échelle, les campagnes de mesures sont souvent limitées à des sous-échantillons d’effectif réduit en raison du coût et des problèmes techniques de métrologie. Des modèles prédictifs ont été développés comme substituts efficaces en termes de coûts, mais leur utilisation reste limitée à la pollution de l’air extérieur. Des modèles prédictifs d’exposition, tels que les modèles de type Land-Use regression (LUR)[88,89]sont par exemple utilisés dans les cohortes

pour caractériser l’exposition individuelle à la pollution atmosphérique des sujets résidant en zones urbaines[90–92]. Pour l’air intérieur, le questionnaire reste l’outil de recueil de données le plus

largement employé en épidémiologie. Dans ce contexte, après une brève description de l’approche par questionnaire, les campagnes de mesurages conduites dans les logements dans le but de documenter la qualité de l’air intérieur seront développées avec leurs modalités d’échantillonnage et d’analyse. Les niveaux retrouvés dans les logements seront donnés à la fin de cette partie.

I.3.1.1 Évaluation par questionnaire

Afin d’évaluer l’exposition aux polluants chimiques, les items des questionnaires portent sur la présence de sources de polluants dans le logement et non sur la quantification des niveaux de polluants.

Modalités d’administration

Pour caractériser l’environnement intérieur, les questionnaires sont largement employés dans les études épidémiologiques, ils peuvent être couplés ou non à des campagnes de mesurages. Les modalités d’administration diffèrent selon les équipes, les questionnaires peuvent être auto- administrés[93–95], adressés par voie postale[96]ou complétés par un enquêteur lors d’une visite à

domicile[97].

Informations recueillies

L’évaluation de l’exposition à la FTE par questionnaire est certainement l’approche la plus fréquemment employée. Elle est généralement prise en compte de façon qualitative ; il s’agit de savoir si des personnes fument au domicile et la quantité de cigarettes consommées au domicile peut aussi être précisée[93,94,96,98].

Les modalités de chauffage et/ou de cuisson des aliments peuvent être demandées ; il s’agit surtout 27

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de connaître le type d’énergie utilisé (gaz ou autre)[98].

L’ameublement, les revêtements intérieurs au(x) sol(s) et au(x) mur(s) peuvent être documentés avec plus ou moins de détails : type de revêtement (linoléum, peinture, moquette, etc.)[93,97]et

éventuellement son ancienneté[95,96].

La réalisation de travaux de rénovation[93]peut aussi être renseignée[99].

I.3.1.2 Évaluation par des campagnes de mesurages

Les investigations en milieu domestique se sont multipliées ces dernières années pour caractéri- ser la pollution chimique intérieure et pour quantifier les niveaux. Ces études sont réparties sur plusieurs continents : Afrique, Amérique du Nord, Asie, Europe et Océanie.

Modalités d’étude

Le nombre de domiciles étudiés varie considérablement, de 2[100]à près de 3 300 logements[101].

Dans cette dernière étude, réalisée en Éthiopie, seul un polluant, en l’occurence le NO2 a été

mesuré. Dans les pays industrialisés, davantage de composés sont dosés simultanément et le nombre de logements enquêtés est plus réduit, dépassant rarement 200[3,4,47,48,100,102–152]. Toutefois, ce

nombre peut être dépassé en rassemblant les données de plusieurs études. Ainsi, en rassemblant les données des investigations environnementales menées dans le cadre des deux cohortes, LISA (Life

style Immune System Allergy) et LARS, 1 499 logements ont été visités dans l’étude de Rewagen

et coll.[153].

Selon les études, les modalités d’échantillonnage et d’analyse employées varient. Les prélè- vements d’air sont uniques[4,47,48,104,105,109,110,113–118,121,123–126,130,132–135,140–142,145,146,148,151–171] ou

répétés[3,100–103,105,106,108,111,112,119,120,122,127–129,131,136–138,143,144,147,150,169,172–176] au cours de la pé-

riode d’étude. Des prélèvements d’air à 4 reprises afin de couvrir l’ensemble des saisons[3,111,143]ou à

deux reprises, l’une en saison froide et l’autre en saison chaude peuvent être réalisés[102,105,127,136–138]

[144,161,177]. Pour les COV, jusqu’à six campagnes de mesurages ont été organisées sur une année

pour documenter leurs niveaux[103].

Prélèvement et dosage

Les polluants sont collectés à l’aide de capteurs le plus fréquemment, passifs et parfois, actifs, disposés dans les pièces échantillonnées pendant une durée définie. Des analyseurs de gaz à lecture directe peuvent aussi être employés[163,170].

Modalités de prélèvement

L’exposition aux polluants est évaluée à l’aide de prélèvements d’air réalisés à l’intérieur des lo- caux et sont parfois couplés à des mesurages extérieurs[100,105,111,115–117,125–127,132,136,145,152,155,160,173]

[164,166,178]. Dans les logements, si un seul prélèvement est effectué, il est fait préférentiellement dans

la pièce où les habitants passent le plus de temps : la chambre[4,111,116,130,132,133,153,164,165,168,174]

[104,110,127,138,140,143,155,166,171,179–182]ou le salon[4,100,105,111,114,117,119,120,127,132–134,138–140,142,147,150,152]

[155,157,164,165,174,183,184]. La cuisine et le bureau sont parfois ajoutés comme sites de mesure[4,121,133]

[136,140]. Pour l’étude conduite dans les quartiers pauvres du Bangladesh, la pièce échantillonnée

est un espace qui sert de chambre et de cuisine[124]. Le choix de la pièce échantillonnée peut être

en relation avec la localisation du système de chauffage et/ou de cuisson[47]. Ainsi, le prélèvement

du NO2 est souvent réalisé dans la cuisine[105,109,110,125,127,143,147,149,152,166,173].

Prélèvements passifs

L’échantillonnage passif est basé sur les propriétés de diffusion moléculaire des gaz. Les molécules de gaz sont collectées sur un matériau adsorbant ou sur un filtre imprégné d’un réactif chimique. La nicotine est recueillie sur un filtre placé sur une cassette de prélèvement d’air en polystyrène. Le NO2 est quand à lui recueilli sur des supports imbibés de triéthanolamine, sur

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tubes[48,105,110,127,140,149,152,155,160,166,171,183](ex : Passam) ou sur badges[101,104,114,125,126,134,143,145,173]

[182,184–186](ex : Ogawa, Radiello, etc.). Des badges constitués d’un bloc absorbant de charbon qui

capture des vapeurs organiques (3MTMOVM–Organic Vapor Monitor[102,130,153,158,167,168]ou ORSA

de Dräger[121]) sont utilisés pour piéger les COV. Pour les aldéhydes, les capteurs passifs utilisés

sont des cartouches de silice ou d’acier inoxydable imprégnées de 2,4-dinitrophénylhydrazyne (DNPH)[111,187]ou de bisulfate de sodium[161].

La durée d’échantillonnage peut varier de quelques heures : huit heures[128,138], vingt-quatre

heures[101,114,116,117,124,125,129,131,136,137,140,142,165,174,186], à plusieurs jours : deux[102,108,126,134,143,147,149]

[160,166,169,176], trois[4,104,107,180], quatre[109,111,173,187], sept jours[105,110,112,114,115,120,127,141,145,146,154,155]

[161,164,171,175,179,182,185] , voire plusieurs semaines : deux semaines[121,152,157,166,178,184], trois se-

maines[48], quatre semaines[130,146,153,167,168,183]et même dix semaines[181].

Prélèvements actifs

L’autre technique d’échantillonnage, utilisée de façon moins fréquente, est l’échantillonnage

actif[47,100,106,108,113,119,123,126,132,133,135,136,144,148,150,151,156,159,162,176]qui consiste par pompage à as-

pirer l’air à analyser au travers d’une cartouche contenant un support adsorbant ou imprégné d’un réactif ou au travers de filtres neutres ou imprégnés.

Pour la nicotine, la pompe aspire l’air au travers d’une membrane fixée sur une cassette, celle-ci contient deux filtres en série : le premier collecte les particules et le second sera traité pour récupérer la nicotine dans la phase vapeur.

Le NO2 a été collecté sur filtre à l’aide d’une pompe d’un débit de 1 L.min-1pendant une durée

de six heures[162]. Les tubes Tenax R TA[136](composé d’un polymère poreux à base d’oxyde de

2,6-diphénylène) ou Tenax R GR (composite comportant 30 % de carbone graphitisé)[159]sont en

général employés pour les COV. Les débits de prélèvement varient entre 0,02 et 1 L.min-1et la

durée d’échantillonnage de 30 minutes[119,136]à quarante-huit heures[108,126,156].

Pour les aldéhydes, le débit de la pompe varie généralement de 0,1 L.min-1à 1 L.min-1[47,100,113,119,126]

[150], un débit plus élevé de 3 à 6,1 L.min-1sur une durée de prélèvement de vingt à quatre-vingt-dix

minutes a précédemment été utilisé dans l’étude strabourgeoise[132]. La durée de prélèvement pour

les aldéhydes oscille généralement entre vingt minutes et trois heures[78,100,119,132,150,188], pouvant

parfois atteindre vingt-quatre heures[47,113,133,144] ou quarante-huit heures[126,156,176].

Modalités d’extraction et d’analyse

Suite à l’échantillonnage, les composés sont analysés en différé en laboratoire.

La nicotine récoltée sur le filtre est recueillie par un processus de désorption puis analysée par CG. Le NO2 est dosé par spectrophotométrie[127,134,145,152,160,173,182,184] ou chromatographie io-

nique[114,155,185]. Les COV sont analysés dans la majorité des études par CG/SM. Dans certaines

études la CG est couplée à un détecteur à ionisation de flamme (DIF)[135,139,157]ou à un détecteur

à absorption électronique (ECD)[153,168]. L’étude suédoise a quantifié les COV recueillis dans la

poussière par CG et spectrophotométrie dans l’ultraviolet (UV)[163]. Pour les aldéhydes, l’ex-

traction des cartouches de prélèvement se fait, dans la plupart des études, dans de l’acétonitrile (ACN). Les aldéhydes sont ensuite séparés et quantifiés par chromatographie liquide haute perfor- mance (CLHP) avec une détection dans l’UV[4,100,113,114,116,117,132,133,136,138,150,164,165,174,181,187,189].

D’autres auteurs utilisent des supports de silice imprégnés de triéthanolamine ; les aldéhydes sont ensuite extraits dans de l’eau et dosés en spectrophotométrie dans l’UV[115,140]. Le formaldéhyde

peut encore être dosé en utilisant une méthode de spectroscopie basée sur la réaction entre le formaldéhyde et l’acétylacétone[190]. Enfin dans d’autres études, les méthodes d’extraction et

d’analyse des échantillons ne sont pas précisées[47,78,111,119,138,188].

Les résultats des prélèvements d’air sont ensuite exprimés en µg du composé dosé par m3d’air

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