• Aucun résultat trouvé

La pollution chimique de l’air intérieur : de la genèse aux effets sanitaires

I.1 Qualité de l’air intérieur

I.2.1 Sources dans l’air intérieur

I.2.1.1 Sources continues

Les sources continues sont les matériaux de construction, de décoration et d’isolation. Les composés émis par ces sources sont principalement les aldéhydes notamment le formaldéhyde et les COV.

Matériaux de construction et d’ameublement Matériaux d’isolation

L’isolation avec des mousses à base d’urée-formol a longtemps représenté une source importante de formaldéhyde. Ces mousses étaient très répandues dans les années 70 pour l’isolation par injection dans les murs et cloisons. Depuis, les taux d’émissions en formaldéhyde sont en baisse, notamment en raison d’une réglementation plus stricte liée à l’usage de ces mousses. Ainsi, le décret n◦88-693 du 6 mai 1988 a réglementé l’utilisation des mousses urée-formol dans les locaux

à usage d’habitation ou destinés à une occupation humaine permanente ou semi-permanente[27].

L’arrêté, pris pour son application, limite à 0,2 ppm (250 µg.m-3) la variation maximale de la

concentration en formaldéhyde dans chaque pièce, après application d’un procédé urée-formol.

Produits dérivés du bois

Le formaldéhyde est souvent associé aux produits dérivés du bois. Il se retrouve dans les résines aminoplastes3 (mélamine-formol, urée-formol, et mélamine-urée-formol), phénoplastes

(phénol-formol), acétals ou polyacétals (polyoxyméthylène et copolymères) pour ses propriétés de liant assurant la cohésion entre les différents éléments. Les matériaux concernés sont les panneaux contreplaqués, stratifiés, les panneaux de fibres de bois, de lamelles minces, longues et orientées, les panneaux de particules surfacés mélaminés.

Lors de l’évaluation des émissions de formaldéhyde des panneaux agglomérés et de fibres à densité moyenne (Medium Density Fiberboard, MDF) dans différentes chambres pendant plusieurs mois, à compter de 7 jours après leur fabrication, les facteurs d’émissions pour le formaldéhyde s’établissaient après quelques semaines entre 300 et 400 µg.m-2.h-1et après 6 à 10 mois, entre 80

et 240 µg.m-2.h-1[28]. Par ailleurs, le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) a été

mandaté par l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail (AFSSET, devenue en 2010, l’Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail, Anses) pour réaliser des tests d’émission de formaldéhyde pour certains produits de construction, les émissions étant très variables d’un produit à l’autre. Le parquet contrecollé en

3. Résine synthétique thermodurcissable.

I.2.1. Sources dans l’air intérieur 13

chêne fini verni, le panneau de particules surfacé mélaminé sur toutes les faces ou avec un placage bois présentent des facteurs d’émission élevés (Tableau II)[29].

Tableau II – Facteurs d’émission du formaldéhyde des matériaux de construction, d’après l’AFSSET[29]

Matériaux à 1 jourFacteur d’émission (µg.mà 3 jours à 28 jours-2.h-1)

Parquet en chêne massif brut 3,6 < LQ < LQ

Parquet contrecollé en chêne fini verni 122,8 101,6 75,1

Panneau de particules avec placage bois 98 82 81,6

Panneau de particules surfacé mélaminé

sur toutes les faces 153,6 130 103,2

LQ : limite de quantification

L’Union européenne a établi des normes d’essais pour le classement de produits finaux à base de bois collés (parquets contrecollés, bois lamellé collé, bois reconstitué et poutres en « I ») selon leur émission de formaldéhyde (marquage CE réglementaire). La norme NF EN 312 définit les valeurs des exigences à respecter pour un certain nombre de caractéristiques, et les normes d’essais correspondantes[30,31]. Ainsi, si le niveau de formaldéhyde dégagé est inférieur à 125 µg.m-3, le

panneau est classé E1, sinon il est classé E2. Ce classement a été repris pour d’autres produits tels que les dalles de plafond et les revêtements de sol.

Peintures

Une grande variété de peintures est commercialisée. Les peintures synthétiques, fabriquées à partir d’hydrocarbures (benzène, toluène, xylènes) utilisés comme solvant[32], regroupent les

peintures à l’huile (glycérophtaliques), les « peintures à l’eau » (acryliques ou latex) et les peintures alkydes en émulsion. Ce dernier type de peinture est un hybride des deux précédentes. Les émissions des aldéhydes débutent dans les 8 heures suivant l’application, lorsque la peinture est sèche, alors que la plupart des aromatiques et des alcanes ont déjà été émis (Tableau III)[33].

Tableau III – Facteurs d’émission des composés chimiques dans les peintures à base de solvants organiques (à 23 ◦C, taux de renouvellement d’air : 1,0 h-1, humidité relative : 50 %), d’après

Brown[33]

Composé chimique à 8 heuresFacteur d’émission (µg.mà 1 jour à 3 jours-2.hà 14 jours-1)

Hexanal 680 11 000 1 600 120 Toluène < 100 16 4 < 2 Éthylbenzène 140 < 18 < 8 < 2 1,2,4-triméthylbenzène 13 000 46 10 2 o,m,p-xylènes 2 600 < 30 4 < 2 Décane 24 000 38 8 < 2 Undécane 110 000 460 12 < 2

Les émissions des aldéhydes, notamment l’hexanal (non présent dans la peinture initialement), sont liées à l’oxydation par l’oxygène de l’air des esters d’acides gras insaturés présents dans les peintures, après leur application sur le substrat, pendant la période de séchage. Chang et Guo[34]

ont évalué le profil des émissions de trois peintures alkydes en chambre expérimentale (Figure 6). Les niveaux en hexanal sont relativement faibles les premières heures pour atteindre un pic, pouvant dépasser les 2 mg.g-1, au bout d’une dizaine d’heures d’application, puis la décroissance

des émissions se prolonge sur une centaine d’heures. Le pentanal est aussi émis par ces peintures. Selon certains auteurs, l’odeur qui persiste pendant des semaines après l’application proviendrait des aldéhydes émis, dont l’hexanal.

14 Émission et sources des composés chimiques 0 2 4 6 8 10 12 0 20 40 60 80 100 120 140 160 180 200 C o n c e n tr a ti o n e n h e x a n a l (m g /m 3)

Temps écoulé (heures)

Peinture 1

Peinture 2

Peinture 3

Figure 6 – Niveaux d’émission d’hexanal de trois peintures alkydes en fonction du temps écoulé après application, d’après Chang et Guo[34]

tendent à remplacer celles à base de solvant. Les émissions sont, tant en termes de composés émis qu’en terme de quantités émises, variables d’un produit à l’autre. Parmi quatre peintures à l’eau testées dans des conditions expérimentales identiques, l’une d’entre elles émettait des

m,p-xylènes, avec un facteur d’émission à 8 heures de 42 µg.m-2.h-1 et < 12 µg.m-2.h-1, après

1 jour et < 2 µg.m-2.h-1, après 3 jours. Certaines peintures, étiquetées comme étant à « faible

COV », émettent certes moins de COV que les peintures conventionnelles mais, des quantités non négligeables d’aldéhydes (formaldéhyde, acétaldéhyde, propionaldéhyde et benzaldéhyde) d’après les résultats d’études menées en chambres expérimentales[35,36]. Les émissions se produisent en

trois étapes : une « bouffée » initiale de désintégration instantanée, une phase de désintégration rapide et une phase de désintégration plus lente. La désintégration lente dure plus de 300 heures après l’application[36]. Le formaldéhyde est présent dans les peintures latex, pour ses propriétés

biocides. En effet, sa forte propension à interargir avec les protéines et d’autres molécules conduit à la formation de ponts crosslink qui peuvent nuire aux fonctions essentielles des micro-organismes et ainsi les éliminer. Le remplacement ou la suppression du biocide (non précisé) contenu dans la peinture a entraîné une baisse de 55,3 % des émissions de formaldéhyde[36].

Pour les peintures « naturelles », par opposition aux peintures synthétiques, très peu de données d’émission sont disponibles. Les émissions de deux peintures ont été évaluées, l’une à l’huile d’orange et l’autre à la caséine. La première présente une forte décroissance des taux d’émission des alcanes (C7–C10), le facteur d’émission passe de 70 000 µg.m-2.h-1, 2 heures après

l’application à 1 000 µg.m-2.h-1, 8 heures après et devient inférieur à 2 µg.m-2.h-1, après 14 jours.

Quant à la peinture à la caséine, si elle n’émet pas d’odeur à l’application, elle en émet 8 heures après avec la libération des aldéhydes : les facteurs d’émission du formaldéhyde et d’hexanal sont respectivement de 98 µg.m-2.h-1et 38 µg.m-2.h-1, après 8 heures d’application, 140 µg.m-2.h-1et

64 µg.m-2.h-1, après 1 jour, 60 µg.m-2.h-1et 620 µg.m-2.h-1après 3 jours, et enfin 20 µg.m-2.h-1et

110 µg.m-2.h-1à 6 jours[33].

Revêtements textiles

Les moquettes et certains modèles de tapis et de nattes peuvent émettre des COV et des aldéhydes, à partir du support formant l’entoilage (dossier ou envers) et des traitements de teinture

I.2.1. Sources dans l’air intérieur 15

ou de surface subis en fin de fabrication. Selon les variétés de moquette, les émissions peuvent être très variables[37,38]. Les émissions de plusieurs variétés de moquettes (laine, synthétique, mixte)

ont été étudiées dans des petites chambres expérimentales (de 0,28 à 0,45 m3). Les émissions des

hydrocarbures aromatiques sont faibles, les niveaux maximum en benzène et toluène observés sont respectivement de 4,6 µg.m-3 et 8,6 µg.m-3. L’éthylbenzène, les xylènes et le styrène sont

détectés dans peu de cas et à des niveaux faibles ; les niveaux de styrène les plus élevés sont de 11 µg.m-3. Les émissions en toluène et styrène des revêtements composés d’un revers en mousse de

copolymère SBR (styrène butadiène rubber) sont maximales dans la première heure et diminuent rapidement pour être inférieures à 2 % dans les 60 heures[39]. Pour les composés carbonylés, les

niveaux maximum sont obtenus pour le formaldéhyde (24 µg.m-3). L’émission de cet aldéhyde

serait dû aux colles qui lient les fibres entre elles et au support. L’acétaldéhyde peut aussi être émis, le niveau maximum obtenu étant de 14 µg.m-3[37].

Vernis et vitrification

Les vernis sont aussi une source de formaldéhyde. L’Agence américaine de la protection environnementale (U.S. EPA) a étudié les émissions de trois vernis. Des quantités détectables de formaldéhyde plus de 720 heures après application ont été observées, l’un d’entre eux émet- tait 170 µg.m-2.h-1 après 2 762 heures[40]. Des émissions peuvent toujours être détectées après

3 300 heures, soit une demi-année après l’application du vernis[41]. Par ailleurs, l’émission cumula-

tive de formaldéhyde correspondrait à environ 700–800 % de la quantité libre de formaldéhyde présente dans le vernis suite à l’application, suggérant ainsi qu’une certaine quantité de formaldé- hyde a été formée pendant le durcissement. Les émissions de produits de finition de revêtement au sol ont aussi été évaluées en conditions typiques (à 23 ◦C, pour une humidité relative de

50 %, et un taux de renouvellement d’air de 1,0 h-1)[42]. La couche de fond, la plus interne, émet-

tait 1 050 000 µg.m-2.h-1 de formaldéhyde après application et 10 800 µg.m-2.h-1, 24 heures plus

tard. Pour la couche la plus externe, les taux étaient respectivement de 421 000 µg.m-2.h-1 et

4 660 µg.m-2.h-1.

Colles et adhésifs

À partir des adhésifs et des colles utilisés pour les revêtements, des émissions en toluène, styrène, benzène, éthylbenzène, m-xylène et o-xylène ainsi qu’en aldéhydes (formaldéhyde) ont été documentées (Tableau IV) .

Tableau IV – Facteurs d’émission du formaldéhyde à partir de colles, d’après l’AFSSET[29]

Produits à 1 jourFacteur d’émission (µg.mà 3 jours à 28 jours-2.h-1)

Colle à carrelage 1 97 > 143,2 38,6

Colle à carrelage 2 > 920 > 920 204,7

Colle murale 1 1,5 0,8 0,1

Colle murale 2 246,1 26,1 0,8

Colle revêtement de sol 1 < 0,4 < 0,4 1,4

Colle revêtement de sol 2 5,9 9,5 9,5

Les émissions dépendent à la fois du matériau lui-même et du substrat. Après 28 jours d’expé- rimentation en chambre, un des adhésifs testés émet toujours de l’hexanal à une concentration de 15 µg.m-3. Pour le linoléum et le polychlorure de vinyle (PVC), aucune différence d’émission entre

les matériaux seuls et la structure complète (matériau et substrat) n’est obtenue alors que pour les moquettes, les émissions de la structure assemblée (moquette et adhésif) sont plus faibles que celles de l’adhésif seul mais supérieures aux émissions de la moquette seule. Ainsi, les émissions des structures (matériau et adhésif) ne sont pas une simple addition des émissions mais une émission de la structure dans son ensemble[38].

16 Émission et sources des composés chimiques

Livres neufs, journaux et magazines

Les résines aminoplastes telles que les résines urée-formaldéhyde ou phénol-formaldéhyde sont utilisées dans l’industrie papetière pour augmenter la résistance du papier à l’humidité ou pour la plastification et l’imprégnation du papier. Les livres neufs ou magazines ont une odeur caractéristique liée aux émissions de composés chimiques. Ainsi, en plaçant le livre (couverture en PVC) d’un écolier en chambre expérimentale, des émissions en hydrocarbures aromatiques ont été rapportées[43]. Le toluène, l’hexanal et les hydrocarbures aliphatiques sont les principaux composés

émis par les journaux et magazines placés dans un dessicateur. Les émissions d’un numéro de la revue Indoor air étaient de 335 µg.m-3pour le formaldéhyde, 15 µg.m-2pour l’hexanal, 123 µg.m-2

pour le toluène et enfin inférieures à 10 µg.m-2pour les aliphatiques (C

7–C11)[43].

Les sources d’émission continues sont en relation avec le cadre de vie ; l’Homme fait rentrer des matériaux dans son logement et ceux-ci inertes, vont émettre des composés chimiques au fil du temps. Les sources discontinues sont plus liées au mode de vie ; les émissions varient en fonction des activités humaines.