• Aucun résultat trouvé

1.3. Résoudre la composition chimique de l’aérosol organique

1.3.2. Approche globale en temps réel

1.3.2.2. Source apportionment par l’AMS

De par la nature même des données collectées par l’AMS – abondance de fragments issus de l’ionisation par impact électronique de l’ensemble des molécules constituant l’aérosol organique – les facteurs résolus dans les études PMF-AMS renvoient globalement plus à une typologie d’aérosol qu’à une source en particulier. Néanmoins, ces informations ont très largement contribué à reconsidérer significativement les modèles conceptuels associés aux notions de fractions primaires et secondaires.

A partir de données AMS collectées à Pittsburg durant deux semaines en 2002, Zhang et al. (2005) ont pour la première fois déconvolué l’aérosol organique selon deux typologies d’aérosol distinctes : l’Hydrocarbon Organic Aerosol (HOA) et l’Oxygenated Organic Aerosol (OOA). Le HOA qui traduit une typologie d’aérosol hydrocarboné, riche en alcanes et en alcènes, est caractérisé par les fragments m/z 41 (C3H5+), m/z 43 (C3H7+), m/z 55 (C4H7+), m/z 57 (C4H9+), et m/z 69 (C5H9+). D’abord utilisé comme un analogue de POA, plusieurs études (Crippa et al., 2013, Petit et al., 2014, DeWitt et al., 2015, Bozzetti et al., 2017) ont mis en évidence la corrélation du facteur HOA avec le monoxyde de carbone (CO), les NOx, le BC, reflétant ainsi l’origine véhiculaire de ce facteur, au moins dans les environnements urbains. L’OOA caractérisé par les fragments m/z 43 (C2H3O+) et m/z 44 (CO2+, C2H4O+) reflète la fraction oxydée de l’OA et est assimilée au SOA. L’évolution temporelle du facteur OOA est directement corrélée à l’activité photochimique ou bien encore à des espèces secondaires comme le sulfate. L’importance de cette fraction secondaire a été mise en évidence lors de nombreuses études de source apportionment conduites sur une grande variété de sites urbains et ruraux (Zhang et al., 2007) (Figure 1.20). Ainsi la fraction secondaire de l’aérosol organique apparait comme la plus significative, pouvant atteindre parfois jusqu’à 95 % de la masse de l’aérosol organique dans les milieux les plus éloignés des sources d’émissions.

FIGURE 1.20 – Concentrations moyennes (µg.m-3) des facteurs HOA et OOA pour plusieurs sites urbains et ruraux de l’hémisphère Nord. La fraction secondaire peut représenter jusqu’à 95 % de l’OA. (Zhang et al. 2007).

46

On distingue généralement deux sous-fractions de l’OOA (Jimenez et al., 2009) (Figure 1.21) selon leur volatilité et leur rapport O:C (Figure 1.22). Le Low Volatility OOA (LV-OOA), parfois renommé More Oxidized OOA (MO-OOA) dans la littérature, définit une fraction plus âgée de l’aérosol organique oxygéné, le plus souvent issue du transport de masses d’air à l’échelle régionale. Le LV-OOA est associé à des espèces non-volatils avec un rapport O:C élevé (0.7 – 1, Ng et al. 2011) et est généralement très bien corrélé aux sulfates. Le Semi-Volatile OOA (SV-OOA) ou Less Oxidized OOA (LO-(SV-OOA) définit un aérosol dont le degré de vieillissement est moindre. Le rapport O:C est typiquement moins élevé (0.3 – 0.4, Ng et al. 2011). Cette fraction est souvent bien corrélée à des espèces plus volatiles comme le nitrate d’ammonium ou le chlorure d’ammonium, d’où le nom semi-volatile.

FIGURE 1.21 – Composition chimique de la fraction non-réfractaire de l’aérosol submicronique. L’aérosol organique est subdivisé en plusieurs typologies d’aérosol d’après des résultats de source apportionment PMF-AMS. Où HOA est Hydrocarbon Organic Aerosol, OOA est Oxygenated Organic Aerosol, SV-OOA est le Semi-Volatile OOA, et LV-OOA le Low-Volatility Oxygenated Organic Aerosol (Jimenez et al., 2009).

47 FIGURE 1.22 – Représentation des fractions LV-OOA et SV-OOA sur une échelle de volatilité et de degré d’oxydation ainsi que l’évolution modèle du précurseur α-pinène et de ses produits d’oxydation (Jimenez et al., 2009).

Le ratio f44/f43 est habituellement utilisé pour distinguer les deux sous-fractions de l’OOA (Ng et al., 2011) (Figure 1.23) où fx représente la contribution du fragment x à l’organique total (OA). Le LV-OOA est caractérisé par un spectre de masse avec un f44 plus élevé que le f43. En revanche le SV-OOA peut présenter un f43 égal ou supérieur au f44. On notera néanmoins que des variations inhérentes aux instruments ou liées à des artefacts de mesure (Crenn et al., 2015, Pieber et al., 2016) ainsi qu’une concentration élevée de l’OA (Shilling et al., 2009) sont susceptibles de modifier ces rapports.

FIGURE 1.23 - f44 vs f43 pour différentes typologies d’aérosol. Au cours du vieillissement, le f43 tend à

diminuer tandis que le f44 augmente (Ng et al., 2011).

En 2007, Lanz et al. (2007) mettent en évidence pour la première fois dans le milieu ambiant, en plus des facteurs OOA et HOA, un facteur de combustion de biomasse (Biomass

48

Burning Organic Aerosol ou BBOA) ainsi qu’un facteur associé aux émissions liées à la cuisson des aliments (dit cooking). Le facteur BBOA est caractérisé par la présence des fragments m/z 60 (C2H4O2+) et m/z 73 (C3H5O2+) issus de la fragmentation de produits de dégradation de la cellulose. Son identification est généralement supportée par la bonne corrélation avec des traceurs de combustion de biomasse comme le lévoglucosan ou le potassium. A noter que DeCarlo et al. (2010) et Crippa et al. (2013) ont distingué un facteur de combustion de biomasse âgée, très oxydée (BBOA – SOA) ou (OOA – BBOA) du facteur de combustion de biomasse traditionnelle. Ce facteur est caractérisé par la présence des fragments typiques du facteur BBOA et du facteur OOA.

Le facteur associé au cooking (Cooking Organic Aerosol ou COA) est minoritaire dans la publication de Lanz et al. (2007). A Barcelone, en hiver, il est en revanche un facteur significatif et même majoritaire pour ce qui est des émissions primaires (17 % de COA contre 16 % de HOA et 11 % de BBOA) (Mohr et al., 2012). Il est caractérisé par les fragments suivants : m/z 43 (C2H3O+) et 57 (C4H9+, C3H5O+), soit des fragments similaires au facteur HOA ainsi que des fragments oxygénés relatifs aux acides carboxyliques présents dans l’aérosol organique émis par la cuisson et la friture des aliments. Le profil diurne est particulièrement caractéristique (Figure 1.24). Les émissions naturellement augmentent aux heures de repas.

La mise en évidence et l’identification de nouveaux facteurs se sont poursuivies au cours des dernières années. Ainsi ont récemment été isolés un facteur associé aux produits d’oxydation de l’isoprène (isoprene epoxydiols, IEPOX) (Budisulistiorini et al., 2013; Hu et al., 2015), un facteur lié aux émissions industrielles (Industry Related Organic Aerosol, INDOA) (El Haddad et al., 2013, Bozzetti et al., 2017), ou encore un facteur qui traduit un enrichissement en composés azotés (Nitrogen Organic Aerosol, NOA) (Saarikoski et al., 2012; DeWitt et al., 2015).

FIGURE 1.24 – Caractéristiques de quelques facteurs majeurs résolus par PMF sur des données AMS (Zhang et al., 2011).

49