• Aucun résultat trouvé

Chapitre 3 : Fondements théoriques

3.2 Les fondements théoriques de l’étude

3.2.2 Le champ théorique de l’apprentissage collaboratif

3.2.2.1 Le socioconstructivisme

La théorie socioconstructiviste de l’apprentissage a pour base le constructivisme de Piaget dont les travaux ont porté sur le développement cognitif de l’individu et qui lie la construction de la connaissance à l’interaction de l’individu avec son environnement constitué d’objets et de phénomènes. Si les travaux de Piaget sont reconnus comme le socle du

69 socioconstructivisme, sa conception en tant que théorie d’apprentissage est tantôt attribuée aux psychologues de « l’école de Genève » dans les années 1970 qui se sont intéressés au rôle des interactions sociales dans le développement cognitif de l’individu (Schneuwly, 2011). Tout en situant la naissance de cette théorie dans les années 1960, Barnier (2002) et Labédie & Amossé (2001) désignent tantôt A.-N. Perret-Clermont (1979), W. Doise, et G. Mugny (1981) de cette école comme précurseurs du socioconstructivisme, tantôt le psychologue russe Léon Vygotsky (1896-1934) dont les travaux s’inscrivent dans la lignée de ceux de Piaget en insistant sur le rôle de l’environnement social dans le développement d'un individu.

Le socioconstructivisme est analysé par une mise en parallèle avec le constructivisme. Né en réaction au béhaviorisme qui réduit l’apprentissage à une réaction du sujet à un stimulus, le constructivisme met l’accent sur le rôle du processus cognitif mis en œuvre par l’individu dans l’acquisition de la connaissance. La connaissance se construit par interaction de l’apprenant avec son environnement. Ainsi, l’apprentissage ne consiste pas en une simple accumulation d’informations, ni ne se résume au mécanisme de traitement de l’information. Il consiste plutôt à donner du sens aux informations reçues par interaction avec son environnement, son milieu social et culturel. Alors, l’apprenant joue un rôle déterminant dans ce processus, dans la mesure où il est acteur principal de cette construction de la connaissance qui s’opère dans son système mental (Henri & Lundgren-Cayrol, 2001). Pour Debon (2006, p.6), il s’agit « d’agir sur le réel pour le transformer » à la différence du behaviorisme où apprendre correspond « à réagir à des stimulations du réel » (p.7).

L’histoire du constructivisme est marquée par Piaget (1896-1980) reconnu comme le père de cette théorie. Dans la perspective de cet auteur, la connaissance est construite par le sujet par interaction avec son milieu de vie. Cet espace de vie, encore appelé environnement est constitué d’objets et de phénomènes. Ce qui signifie que la connaissance est la résultante de l’activité cognitive du sujet qui met en œuvre ses schèmes mentaux. Les nouvelles connaissances agissent ou ont une incidence sur l'existence du sujet qui doit opérer des changements pour s'adapter (Barnier, 2002). L'environnement, le milieu de vie de l’apprenant prend alors une place importante dans la construction de la connaissance, car c’est par interaction du sujet avec cet environnement que les nouvelles connaissances sont élaborées.

Revenant à Piaget, l’apprentissage consiste en une construction cognitive de la réalité. Selon Piaget cité par Legendre (2017), ce processus de construction passe par deux étapes hiérarchisées : l’assimilation et l’accommodation. L’assimilation qui correspond au niveau de

70 la compréhension. Elle consiste pour le sujet à acquérir simplement les connaissances sans modification de leur structure. Elle s’appuie sur les expériences antérieures avec lesquelles, les nouvelles connaissances sont mises en lien (Barnier, 2002). Quant à l’accommodation, elle se situe au niveau de l’apprentissage. Le sujet incorpore les nouvelles connaissances par une restructuration de ses schèmes mentaux existants. Cette réorganisation de la structure vise, selon von Glasersfeld (1994, p.146), à « élaborer des structures cohérentes (des connaissances) et non contradictoires ». L’environnement agit sur le sujet et l’oblige à changer son angle d’appréhension des choses. Lorsque le sujet est confronté à un obstacle, à une nouvelle difficulté, il opère des modifications, une restructuration de ses schèmes mentaux pour s’adapter à la situation nouvelle (Bourgeois, 2011). Le sujet est alors dans un processus continu de recherche d’équilibre entre l’assimilation et l’accommodation. Cette recherche d’équilibre prend également en compte l’environnement, le contexte d’apprentissage de l’apprenant et l’obstacle qu’il cherche à franchir (Barnier, 2002).

Le deuxième auteur à influencer fortement le constructivisme est Bruner. Au-delà du socle commun qu’est la construction de la connaissance par l’apprenant, Bruner soutient en sus que cette construction de la connaissance s’inscrit dans un processus d’adaptation continue de l’apprenant qui s’appuie sur la somme de ses vécus constamment enrichis (Bourgeois, 2011). Les nouvelles connaissances sont construites en s’appuyant sur les acquis antérieurs et renforcent l’expérience du monde de l’apprenant, améliorant ainsi sa capacité d’adaptation au monde ou d’élaboration de nouvelles représentations du monde (Legendre, 2008). Le socle commun à tous les courants constructivistes est le rôle actif accordé à l'apprenant dans le processus de construction de ses connaissances et celui de mentor, de guide dévolu à l'enseignant (Corte, 2010). En formation ouverte et à distance Deschênes et al. (1996) ajoutent le rôle déterminant du contexte d’apprentissage.

Le socioconstructivisme s’appuie sur le principe de la construction de la connaissance, le rôle de l’environnement dans le processus d’apprentissage reconnu par le constructivisme et met l’accent sur la dimension sociale de l’apprentissage. La construction de nouvelles connaissances par l’individu est conditionnée par ses interactions avec les autres. On passe ainsi d’une conception binaire de l’apprentissage se traduisant dans la réalité par l’interaction entre l’individu et la tâche, à une conception ternaire en ajoutant un troisième facteur « l’alter » aux deux autres du binaire (Roux, 2001). Le rôle des interactions sociales dans la construction de nouvelles connaissances réside dans les conflits sociocognitifs qu’elles génèrent et alimentent. Selon Barnier (2002), le concept de conflits sociocognitifs est de Doise & Perret-Clermont. Il

71 découle de la confrontation des représentations des individus engagés dans des interactions sur un sujet. Cette confrontation ou conflit amène les individus dans un premier temps à remettre en cause leurs propres représentations sur le sujet, objet de l’interaction, à les faire évoluer pour aboutir à la construction de nouvelles représentations par le dialogue et la négociation. Il s’agit alors d’un double déséquilibre : le premier inter-individu procède d’un dialogue et d’une négociation sur le sujet avec les autres. Le second est intra-individu. Chaque individu grâce au dialogue et à la négociation reconsidère ses propres représentations sur le sujet en regard de celles des autres (Sébastien, 2001). Par ce principe, la connaissance est construite grâce à l’agir de l’apprenant qui tire profit de l’expérience partagée dans son environnement (Clancey, 1991). Le socioconstructivisme exclut la connaissance comme donnée inerte transférable à un individu par simple mémorisation. L’apprenant est alors au cœur du processus d’apprentissage en tant qu’acteur de la construction de son savoir par interaction avec les artefacts humains présents dans son entourage.

L’apprentissage social dont le père est l’Américain Albert Bandura a tant marqué l’évolution du socioconstructivisme. Née dans les années 1960, la théorie de l’apprentissage social pose la nécessité de prendre en compte les interactions entre trois facteurs clés qui interviennent dans le processus d’apprentissage (Bourgeois, 2011). D’abord, les représentations cognitives du sujet, notamment la perception de son auto efficacité (perception de sa capacité à réussir une tâche donnée), ensuite son comportement et enfin son environnement social. Pour cet auteur, l’apprentissage peut se faire par observation et imitation des autres ou du maître à l’image de l’apprenti qui scrute les gestes de son maître pour les reproduire. Ainsi, valoriser socialement les comportements positifs pour qu’ils servent de modèles à s’approprier par le groupe Bandura (1980) cité par Boudrit (2005) constitue le principe directeur du courant de l’apprentissage social. Dans les années 1970, les néopiagétiens approfondissent leur réflexion sur l’apprentissage social en s’intéressant aux conditions de réussite de ce type d’apprentissage (Bourgeois, 2011). Ils identifient alors trois facteurs. Le premier facteur est celui des caractéristiques des tâches, le deuxième a trait au climat sociorelationnel entre les membres des équipes et enfin la régulation du dispositif.

Dans la pratique, le socioconstructivisme se traduit d’une part, par des situations d’apprentissages proches du réel, et d’autre part par le rôle des deux principaux acteurs que sont les apprenants et les enseignants (Henri & Lundgren-Cayrol, 1998). Les apprenants assument une double responsabilité dans la construction de leurs savoirs qui s’effectue à travers les interactions sociales. Dans ce processus de construction des savoirs, les enseignants deviennent

72 des guides qui orientent et soutiennent les apprenants par des apports au niveau cognitif, métacognitif, socioaffectif et technique. L’apport de cette théorie au niveau de l’apprentissage collaboratif est la reconnaissance à la fois du rôle de l’individu et du groupe dans la construction du savoir et de celui des interactions sociales.

En résumé, le socioconstructivisme reconnaît à la fois l’approche individuelle et collective de la construction de la connaissance. Il met l’accent sur la nature sociale de l’apprentissage. Dans les dispositifs de formation en ligne, le socioconstructivisme se traduit par l’adoption des dispositifs technologiques intégrant des outils facilitant la mise en œuvre d’activités d’apprentissage collectif, l’adoption de méthodes axées sur le travail collectif à travers les activités d’apprentissage et les modalités d’accompagnement des apprenants.

En plus des aspects cognitif et social, le socioconstructivisme aborde le processus de construction de la connaissance aussi sous l’angle culturel, de nature complexe avec un ancrage historique (Legendre, 2008). Nous abordons dans la section suivante, l’aspect culturel à travers l’approche socioculturelle.