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SOCIALISATIONS EN MILIEU URBAIN

Dans le document Les bamakois diplômés de Paris (Page 80-94)

CHAPITRE 2 : LA CONSTRUCTION D’UNE RELATION

1. SOCIALISATIONS EN MILIEU URBAIN

À quoi ressemble Bamako ? Quel est cet espace urbain dans lequel les enquêtés ont grandi, ce « chez nous » auquel ils font systématiquement référence dans leur discours pour expliquer qui ils sont et ce qu’ils font.

Être « sur place », découvrir la ville par delà le discours des enquêtés et (me) rendre compte des conditions d’existence des citadins, telles ont été les raisons sociologiques de mon séjour dans la capitale malienne. Car c’est à l’intérieur de cet espace social que les Bamakois-parisiens ont d’abord grandi et appris à vivre en société. C’est donc à l’intérieur de cet espace que peut être compris – en partie - la façon dont ils organisent et se représentent leur expérience de migration.

Comment traiter sociologiquement l’origine urbaine de mes interlocuteurs ? Pour apporter des éléments de réponse à cette question, mais aussi pour comprendre la façon dont j’ai abordé la ville de Bamako et ses citadins, il me faut commencer par définir ce que signifie « être bamakois » pour les protagonistes de cette enquête.

1.1 La ville et ses citadins

La référence à la ville est une constante des récits obtenus et renvoie à deux niveaux de réalité. Premièrement, elle désigne l’espace physique dans lequel les enquêtés ont été socialisés, c'est-à-dire l’espace social au sein duquel ils se sont forgés leurs manières de penser et d’agir et qui leur ont été inculquées dès la petite enfance. Deuxièmement, mes interlocuteurs parisiens mobilisent de façon systématique leur origine urbaine pour se différencier des migrants originaires des villages. La catégorie « Bamakois » est donc une catégorie distinctive. C’est sur cette opposition urbain/rural que je vais commencer l’analyse.

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A. Distance spatiale et sociale au Mali des villages

Les enquêtés sont nés à Bamako. Ils sont de la deuxième génération de citadins, voire, pour certains, de la troisième génération. Ils sont donc les petits enfants ou les arrières petits-enfants d’anciens ruraux. Ce fait est important.

Pour mes interlocuteurs, le monde rural leur est largement étranger. Certes, ils ont des membres de leurs familles qui résident dans les villages (des oncles, des tantes, des grands parents). Mais la plupart d’entre eux ne s’y sont rendus que de manière ponctuelle, le plus souvent, pour un évènement :

« Les villages, ça ne me dit rien, il faut voir ça avec nos grands-pères. Moi, je n’y allais qu’une fois par an, et encore pour les grands trucs comme un mariage, un enterrement… Sinon qu’est-ce que j’irai faire là-bas ? »

Ousmane.

Mariage, décès, naissance, ces évènements constituent pour la plupart des enquêtés l’essentiel de leurs contacts avec les villages. Cette faible intensité des relations avec le monde rural marque un éloignement physique qui est aussi perçu comme un éloignement social :

« Il y a ce décalage entre Bamako et les villages en fait. Par exemple, à Bamako, c’est pas la même mentalité. Au village et tout ça, ils sont plutôt ancrés dans la culture, tout ce qui est culture. Mais par contre à Bamako, c’est plus ouvert. Voilà, c’est plus ouvert. Par exemple moi, je n’ai pas reçu un enseignement particulier par rapport à ça. Mon père l’a reçu, lui, il est venu à Bamako. Ce qui fait que, nous, on a pas pu suivre ses pas. […] Parce que… Je dis pas qu’il faut laisser tout ce côté traditionnel mais maintenant on sait que le monde est moderne donc… Qu’on donne aussi… Qu’on donne aussi la possibilité aux uns et aux autres de faire ce qu’ils veulent. Ce n’est pas parce qu’on vient d’une famille griotte qu’on est forcement griot. On peut choisir un autre chemin. […] Par contre, ceux qui sont restés au village, c’est pas pareil. Ils sont… Je peux pas dire que c’est pas bien. C’est la culture. On peut pas dire que c’est pas bien. Mais je me dis que chaque personne peut opter pour ce qu’il veut. » Gaoussou.

Dans cet extrait, on voit bien que l’image de la vie urbaine se construit à travers des distances spatiales dans lesquelles s’affirment des distances sociales. On y

81 observe tout un vocabulaire qui sert à qualifier le monde rural et le monde urbain, à les hiérarchiser : fermé-ouvert, tradition-modernité, contraintes-libertés.

Il faut rappeler ici que Bamako est un produit marqué par la colonisation. La période coloniale a profondément bouleversé le rapport des citadins au monde rural. « Au niveau économique, politique et social la ville et la campagne furent […] étroitement liées l’une à l’autre à l’intérieur de l’armature coloniale et capitaliste. Les villes se mirent à dominer la société et la culture. L’espace urbain était privilégié en tant que l’un des principaux traits de la civilisation dans le nouvel ordre moderne. Avec l’avènement d’États nouveaux, l’établissement d’administration centralisées, le développement d’appareils bureaucratiques, le changement de la nature du marché et l’instauration de formes de propriété – française pour le Mali – dans les zones rurales et urbaines, les villes revêtirent une importance nouvelle 1 ».

« Être bamakois » renvoie avant tout à un sentiment positif d’appartenance au monde urbain et plus spécifiquement à celui de la capitale :

« À Bamako tu as tout : des bars, des boîtes de nuit, des restaurants… Tu peux faire tes sorties le soir, tu as le Grand marché ou tu trouves ce que tu veux… Là-bas, à Bamako… C’est là-bas qu’il y a le gouvernement, que tu trouveras les universités. Mais, les villages, comment dire… Les villages, c’est un peu l’ancien temps.» Daouda.

Bamako, comme dans tous les grands centres urbains, est un réservoir d’opportunités, d’informations et de divertissements. Quel que soit l’interlocuteur considéré, tous insiste sur les qualités fonctionnelles de la capitale malienne. On l’on devine, derrière les mots d’Ousmane, de Gaoussou ou de Daouda, une certaine idéologie de la ville, perçue à la fois comme un lieu central et valorisé.

« La capitale est, sans jeu de mots, […], le lieu du capital, c'est-à-dire le lieu de l’espace physique où se trouvent concentré les pôles positifs de tous les champs et la plupart des agents qui occupent ces positions dominantes : elle ne peut donc être pensée adéquatement que par rapport à la province (et du « provincial ») qui n’est rien d’autre que la privation (toute relative) de la capitale et du capital. Les grandes oppositions sociales objectivées dans l’espace physique (par exemple capitale/province) tendent à se reproduire dans les esprits et dans le langage sous la

82 forme des oppositions constitutives d’un principe de vision et de division, c'est-à-dire en tant que catégorie de perception et d’appréciation ou de structures mentales […]. Plus généralement, les sourdes injonctions et les rappels à l’ordre silencieux des structures de l’espace physique approprié sont une des médiations à travers lesquelles les structures sociales se convertissent progressivement en structures mentales et en systèmes de préférences1 ».

Le « nous citadin » s’oppose au « nous villageois » et suffit à présenter une relative communauté de position par rapport au critère géographique. Pour mes interlocuteurs « panamakois »2, ce principe de distinction ville/village perdure en France et impacte de façon considérable sur leur vision de l’immigration africaine, ce dont témoigne Amadou :

« Donc la question c’est de savoir : l’Africain que j’ai en face de moi, y vient d’où ? D’une grande ville ou d’un milieu rural ? […] Dans le milieu urbain, cela suppose qu’il a déjà baigné dans cette civilisation qu’il allait rencontrer ici et qu’il est moins dépaysé. D’où ce que vous appelez intégration se fera de façon automatique. Donc, il n’aura pas à découvrir, il aura juste à faire la continuation de ce qu’il a toujours appris dans les grandes villes, parce que les grandes villes d’Afrique se sont occidentalisées. […] Moi, je viens de Bamako, c’est une grande ville, j’ai pas été du tout dépaysé en venant ici. Ça donne beaucoup moins de problèmes. Par contre, celui qui vient d’un milieu rural, celui là, il aura plus de problèmes. Non seulement, il ne parle pas votre langue ou il la parle difficilement, alors que nous, on parle votre langue mais on l’a pas apprise ici. On l’a apprise chez nous. Moi, j’ai pas fait mes études ici. […]. Donc je l’ai apprise j’avais 3,4 ans déjà et je suis arrivé ici, je n’ai pas été dépaysé. Tu vois un peu ? » Amadou.

Amadou insiste ici sur l’ « occidentalisation »3 des centres urbains africains et sur les ressources que procure la ville, en particulier en ce qui concerne l’accès à la

1 Pierre Bourdieu, « Effets de lieu », Pierre Bourdieu, La misère du monde, Paris, Seuil, Points, 1993,

p. 254-255.

2 Je rappelle que « panamakois » est la contraction de « paname » et « bamakois ». Cette expression

signale que mes interlocuteurs ont été socialisés à l’intérieur de deux grands espaces urbains : Bamako puis Paris.

3 L’ « occidentalisation » de la ville de Bamako est ici une expression assez floue et ambigüe. Elle peut

désigner plusieurs niveaux de réalité, par exemple : l’impact de la colonisation sur le développement de la capitale malienne, la réorganisation des rapports urbain/rural (autonomisation - relative - des familles urbaines avec les groupes familiaux d’origine restés au village, redéfinition des structures sociales et des systèmes de représentation de type « communautaire »), la modification des conditions d’habitation (statut foncier du sol urbain, espace du logement restreint, segmentation du groupe

83 scolarité. Au couple d’opposition urbain/rural s’ajoute donc un nouvel élément de distinction : le capital scolaire. Et le signe le plus manifeste de cette différenciation - entre urbain scolarisé et villageois non scolarisé - est le niveau de maîtrise de la langue française1. Pour cet interlocuteur, l’origine géographique et le degré de scolarisation (deux éléments clés du capital pré-migratoire) sont non seulement liés mais ils viennent également expliquer l’itinéraire migratoire de la population considérée. Pour les urbains scolarisés, et toujours selon Amadou, la migration s’inscrit dans une logique de continuité à la fois spatiale (passage d’un espace urbain à un autre), sociale (« occidentalisation »des grandes villes d’Afrique) et linguistique (langue française apprise dès les premiers âges de la scolarité). Contrairement aux migrants ruraux non scolarisés, les urbains scolarisés auraient donc bénéficié d’une « socialisation anticipatrice » qui se caractérise par « l’adoption anticipée des valeurs et des normes de la société vers laquelle le migrant se déplace et dans laquelle il peut s’introduire comme dans un nouveau groupe de référence2 ».

À Paris, la frontière entre les migrants originaires des villes et des villages n’est pas uniquement symbolique. Elle est aussi spatiale. C’est ce que Youssouf et moi- même avons découvert lors d’une après-midi d’observation au sein du foyer Bara situé à Montreuil.

[Paris, le 27.05.2007] J’ai rencontré Youssouf à la Sorbonne, à la sortie

d’un cours à propos des « classes sociales en France » […]. Natif de Bamako, Youssouf a choisi de poursuivre ses études à Paris. Il est doctorant en philosophie. Il est aussi en master 2 sociologie. Pour son mémoire, il cherche à identifier les représentations politiques des migrants soninkés au sein du foyer Bara3. « On dit que c’est la deuxième capitale du Mali » me dit-il en riant. Lui faisant par des mes propres recherches auprès des « Bamakois-

familial en plusieurs lieux de résidence), la structuration du marché de l’emploi en ville (basée sur le salariat mais aussi sur les « équivalences diplôme-emploi), etc.

1 Sans anticiper ici sur un point développé ultérieurement, il convient simplement de noter que la

scolarité au Mali se fait entièrement en français.

2 Albert Bastenier, Félice Dasseto, Immigration et espace public : la controverse de l’intégration,

Paris, CIEMI-L’harmattan, 1993, p.207.

3 Les Soninkés désignent ici une ethnie au Mali. Ils sont considérés, (avec les Toucouleurs et les

Mandjaks de Casamance) comme les pionniers de l’immigration africaine en France. Leur migration dans les années 60 correspond surtout à une migration d’hommes seuls, d’origines rurales et non- scolarisés. Les migrations Soninkés sont l’objet du livre de Catherine Quiminal, Gens d'ici, gens

84 diplômés », il m’invite à passer une après midi sur son terrain d’enquête : « Tu rencontreras tout le monde que tu voudras là-bas ». J’accepte sans hésitations.

[…] Youssouf et moi sortons de la station de métro « Marie de Montreuil ». Il est 14h30, il fait chaud. La rue Bara, aux premiers abords, est animée. Au milieu de nombreux épiciers, deux hommes à vélo scandent - au moyen d’un mégaphone fait maison - le « danger Sarko ». Youssouf, ne prêtant aucune attention à cette scène, me précise que venir au foyer un samedi présente un véritable intérêt : « La plupart des gens ont fini leur

semaine de boulot, il y a plus de monde ».

[…] Nous passons sous l’immense porte d’entrée du foyer et là, c’est le brouhaha. La vie, au cœur du 18 rue Bara, est intense. Et pour m’adresser à Youssouf, je suis obligé d’élever la voix. Sous le porche, plusieurs hommes vendent leurs marchandises à même le sol : cigarettes, crèmes, téléphones portables, cassettes audio et vidéos, porte clefs, cacahuètes, viandes, etc.

Deux immenses bennes à ordures occupent près de la moitié de l’unique cour centrale, laquelle est entourée de quatre bâtiments desservant le réfectoire et les chambres. « C’est une ancienne usine de piano, mais c’était il

y a plus de trente ans… Le foyer a officiellement 210 lits, 210 résidents officiellement. Mais ce chiffre peut être facilement doublé » me dit Youssouf.

Grande comme un terrain de tennis, la cour accueille plusieurs ateliers : coiffure, cordonnerie, travail du cuir et du fer, et d’autres activités encore que je n’ai pas réussi à identifier. Je suis le seul blanc.

[…] Nous entrons dans le réfectoire. L’endroit est sombre. Deux longues tables me font face. Sur celles-ci se trouvent des plats cuisinés. Poulets et mafé1 semblent être les plats du jour. « Vous voulez quoi ? » me demande sèchement une grande femme habillée en boubou2. « Rien, merci » ai-je répondu en mettant les deux mains en avant […]. J’appris un peu plus tard que les femmes présentes au réfectoire arrivent à 9 heures du matin. Elles préparent les repas et servent, à la manière d’un « self service », à manger jusqu’à 18 heures. « C’est leur travail - me dit mon interlocuteur – mais elles

n’habitent pas ici. Elle vivent toutes en appartement ».

[…] Youssouf s’oriente vers le fond de la salle. Je le suis et observe, sur ma droite, une dizaine de tables pour six personnes. Des hommes y mangent, que des hommes. Sur ma gauche se trouvent une centaine de casiers cadenassés et entassés sur trois niveaux, lesquels appartiennent aux résidents. « Les casiers sont réservés aux plus anciens » me dira Youssouf plus tard. Nous arrivons à destination : un banc, face à la télévision. Un match de football est diffusé. « On va attendre qu’une conversation

1 Le mafé désigne généralement un ragoût de viande ou de poisson cuisiné dans une sauce à l’arachide. 2 Le boubou est une tunique ample portée en Afrique subsaharienne aussi bien par les hommes que

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s’engage » – me chuchote Youssouf, ce qui advient quelques instants plus

tard. Après quelques minutes de discussions en Bambara avec un inconnu, Yousouf revient vers moi et me dit : « Vient avec nous, on va où il y a des

Bamakois ». À nouveau dans la cour. Je suis un peu en retrait, distrait par

l’ambiance du lieu. Il y a toujours du monde, très peu de femmes, beaucoup d’hommes. Nous empruntons alors un escalier qui donne accès aux chambres du foyer. Comme au réfectoire, l’endroit est sombre et les lumières des couloirs sont allumées. Nous nous arrêtons face à la porte de la chambre n° 9. Au sol, une théière fait son travail à l’aide d’une plaque électrique.

La chambre n°9 n’excède pas 15 m². L’espace y est utilisé au maximum. Immédiatement à gauche de la porte, une armoire ainsi que le premier des quatre lits superposés, fixé le long du mur. Une seconde armoire est calée sur le mur ouest à côté de laquelle se trouve deux autres lits placés de manière perpendiculaire. L’unique fenêtre, au nord (face à la porte), surplombe le radiateur. Ce dernier accueille quelques chaussettes. Le dernier lit est positionné le long du mur est. Deux chaises, une télévision, une pendule, des valises entassées au dessus de deux armoires et quelques vêtements accrochés ici ou là finissent de meubler la pièce. Ainsi, huit personnes vivent au quotidien dans cet espace exclusivement masculin.

Un homme se lève de l’une des deux chaises et m’invite à prendre sa place, ce que je fais. Nous sommes dix dans la chambre n°9 […]. Ce que j’ai pris pour du thé est en fait du café. L’on m’en offre une tasse. J’accepte.

Youssouf me présente à l’assemblée : « c’est un étudiant qui travaille

sur les Bamakois qui vivent à Paris ». Un homme, nommé Hamidou, réagit :

« Tu sais, il n’y a pas de Bamakois ici, il n’y a que des gens qui

viennent des villages, surtout de Kayes1… ou alors, il faut que tu viennes le

midi, à l’heure du repas ».

La conversation suit son cours. Elle est rythmée par les cafés au goût de thé. Nous parlons des élections présidentielles maliennes, de la vie quotidienne au foyer, de l’image « misérabiliste » que les télévisions françaises donnent à voir de l’Afrique, des raisons de la migration, des conditions de travail de ceux qui résident ici, rue Bara…

Après deux ou trois heures de discussion, Youssouf me fait signe qu’il est temps de partir. Il est près de 18 heures. Je me souviens alors qu’Hamidou m’avait signalé qu’à partir de cette heure, « le foyer n’accepte

plus tout le monde. C’est parce que des jeunes étaient venus “ foutre le bordel “. Et puis c’est l’heure où les femmes arrêtent de cuisiner ».

Hamidou, Youssouf et moi quittons donc la chambre n°9. La cour du foyer est toujours aussi animée. Je prends le numéro de téléphone d’Hamidou en lui faisant part de mon souhait de revenir.

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« Tu seras le bienvenu, me dit-il, l’important c’est qu’il y ait des gens qui viennent nous voir, pour qu’il n’y ait plus ces frontières qui nous séparent. »

« Parfois, il ne faut pas aller bien loin pour rencontrer l’Afrique, quelques stations de métro suffisent » m’avait-on dit dans un tout autre contexte. Mais la vie au sein du foyer Bara, s’apparente-t-elle vraiment à la vie africaine ? Dans quelles mesures les conditions d’existence du foyer (insalubrité générale, petitesse des chambres, surpopulation, etc.) permettent-t-elle la reproduction de formes de vie « africaines » ? Quelles sont les formes de sociabilités d’avant la migration qui sont maintenues, réactivées, réadaptées, oubliées ou impossible à pérenniser ? Il faut d’emblée rappeler que ce lieu est un lieu quasi-exclusivement masculin, ce qui exclut la vie de famille. Bref, cette société dans la société pose un millier de questions. Mais ces interrogations n’entrent pas dans le cadre de cette enquête.

[…] Dans le métro, Youssouf et moi revenons sur ce que nous avons vu et entendu durant l’après-midi. Il m’explique alors qu’il a été dans l’obligation de justifier à la fois son identité et la mienne auprès des personnes que nous avons rencontrées. Il me dit encore qu’il a sorti sa carte d’étudiant pour mettre fin à toutes ambiguïtés. Cela a eu pour effet, selon lui, de lui donner le « statut d’intellectuel ». Nos interlocuteurs seraient alors entrés – selon ses propres termes - dans « un processus de dévalorisation ». Enfin, il conclut par cette déclaration :

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