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LA MAISON FAMILIALE

Dans le document Les bamakois diplômés de Paris (Page 94-133)

CHAPITRE 2 : LA CONSTRUCTION D’UNE RELATION

2. LA MAISON FAMILIALE

Pourquoi la maison familiale ? Parce que « là-bas, tout passe par la famille,

tout est fait pour la famille. Mais ça, c’est la base même de notre société ». Pas un

enquêté ne viendrait ici contredire les propos de Mamadou recueillis à Paris. Dans un autre contexte, Seydou Badian Kouyaté, ancien Premier ministre malien et écrivain, déclarait à une assemblée d’élèves de l’école privée Moribougou : « Respect,

solidarité et considération de la famille ; si la famille va mal, rien ne va. Garçons et filles, faites attention, la famille est sacrée. Si vous vous révoltez contre vos parents, vous n’irez pas au paradis. […] Une famille unie, c’est la clé1 ».

À bien des égards, la maison familiale est au cœur des représentations des

Bamakois-parisiens. Elle désigne d’abord tout un monde de souvenirs qui se

rapporte à leur enfance et à leur jeunesse. Mamadou aime à se rappeler les cadeaux que lui offrait son père pour Noël. Papus se remémore les heures passées à faire ses devoirs sous le contrôle assidu de sa mère. Daouda, lui, évoque avec nostalgie les groupes de discussion organisés devant son domicile et autour du thé. Comme l’écrivent si bien David Lepoutre et Isabelle Cannodt : « À la bourse des valeurs mémorielles, la maison d’origine est cotée très haut2 ».

Mais l’espace de la maison, c’est aussi le lieu de vie familial, le lieu où les enquêtés ont incorporé les normes et les valeurs de leur famille. C’est à l’intérieur du champ familial – pour reprendre la terminologie de Pierre Bourdieu - que les acteurs ont en grande partie appris à devenir des êtres sociaux, à se comporter en société. Et cet héritage ne s’efface pas en traversant la Méditerranée.

Que représente la famille pour la génération de mes interlocuteurs ? Quels sont les traits essentiels qui structurent les relations familiales à Bamako ? De quelles familles parle-t-on ? C’est à cette série de questions que je vais tenter de répondre maintenant.

1 Conférence donnée par Seydou Badian Kouyaté dans l’école Moribougou à laquelle j’ai assisté.

Journal de terrain, Bamako, le 6.12.2007.

2

David Lepoutre et Isabelle Cannoodt, Souvenirs de familles immigrées, Paris, Odile Jacob, 2005, p. 157.

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2.1

La socialisation familiale

A. La hiérarchie familiale

Il me faut commencer l’analyse par quelques remarques générales. Dans les sociétés ouest-africaines, la famille est à ce point centrale qu’elle en vient à définir la conception que les acteurs se font de la personne. La qualité d’un individu est bien plus marquée par l’aisance avec laquelle il se situe dans le corps familial que par la manière avec laquelle il affirme son individualité1. Ce point est primordial et mérite quelques éclaircissements.

L’organisation de la vie familiale, envisagée ici sous un angle normatif2, s’appuie sur un système cyclique très hiérarchisé. La distribution des rôles au sein du groupe de parenté dépend largement de l'âge et du sexe de ses membres. Homme ou femme, aîné ou cadet, tous sont prédisposés à occuper la place qui leur est destinée. Cette stratification a ses raisons d’être : sécuriser la vie quotidienne, assurer la continuité entre les générations, transmettre les diverses espèces de capital possédées. En ce sens, la famille est une unité sociale forte qui repose sur de puissants mécanismes d’intégration et de reproduction. Ce sont précisément ces mécanismes qui fondent la particularité des familles au Mali et, dans une certaine mesure, celle des familles ouest-africaines.

C’est à travers le fonctionnement des rapports de genre et de séniorité que se dessine la hiérarchie familiale, ce qu’illustre l’extrait d’entretien ci-dessous :

« L’homme, c'est l’aîné social. Dans toutes les familles africaines, l'homme est un aîné social. La femme et les enfants sont des cadets sociaux… Mais qui ont un rôle à jouer dans la société aussi prépondérant que celui du papa. Donc, la femme a dû prendre maintes décisions. Mais c'est le papa qui l’annonce et quand c'est lui qui l'annonce, ça vient de lui. Je n'ai jamais dit à

1 Jacques Barou, « Familles, enfants et scolarité chez les enfants immigrés en France. » Migrants

formation, n°91, Décembre, 1992, pp. 12-23.

2 J’insiste sur la perspective « normative » choisie pour appuyer la démonstration qui suit ; deux

raisons à cela. La première raison est qu’il existe toujours un écart entre le modèle normatif des conduites familiales et ce que les acteurs en font. La seconde raison renvoie aux effets de la relation d’enquête. Puisque j’étais étranger aux règles qui gouvernent les familles en Afrique de l’Ouest, mes interlocuteurs m’ont bien souvent livrés leur vision de ce que doit être la famille. C’est pourquoi je nuancerai leurs propos à partir des observations menées au sein des résidences familiales à Bamako.

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mon père : “Tu as tort“. Papa avait toujours raison. Chaque fois nous disions : “oui papa, tu as raison“. Nous lui disions après : “Ce que tu as dit est juste,

mais tu ne penses pas qu'il faudrait aussi faire ça ou ça...“. Il regarde, il prend

son temps, “Oui, d'accord“. Mais ça sort de sa bouche. C'est papa qui l'a dit. Et moi, je ne serai jamais papa devant mon papa. C'est pourquoi, nos enfants en profitent quand grand-père il est là. On peut dire que papa est redevenu enfant. Parce que quand le grand-père est là, on est tous redevenu enfants. On est ses cinq enfants. [...] Tu as remarqué, dans les langues africaines, on n’a pas la notion de l'oncle ou de la tante. Quelqu'un qui partage mon espace qui n’est pas mon père, s'il est plus âgé que mon père, je l’appelle “papa grand“ ; s’il est moins âgé que mon père, je l’appelle “papa petit“ ; pareil pour maman, c’est “maman grande“ ou “maman petite“. Ici, depuis l'immigration, les enfants résument ça à “tonton“. » Amadou1.

Amadou donne ici plusieurs indices sur la façon dont les relations familiales se structurent. Pour lui, la hiérarchie des rangs est claire : aux échelons supérieurs se trouvent les hommes et aux échelons inférieurs, les femmes et les enfants. On voit d’emblée apparaître un thème classique de la sociologie de la famille qui est celui de la différenciation genrée. À cette différenciation correspond « une distribution inégale des droits et des privilèges, des devoirs et des responsabilités, des valeurs sociales et des privations, du pouvoir social et des influences2 ».

Le statut d’homme et le statut de femme, auquel on accède pleinement en devenant père ou mère, sont à leur tour divisés en classe d’âge : les aînés et les cadets d’un côté, les aînées et les cadettes de l’autre. Comme le souligne Amadou, ce système de parenté classificatoire est soutenu par un système d’appellation qui désigne la situation relative des uns et des autres3.

1 Amadou occupe une place singulière dans l’investigation parce qu’il est extérieur au groupe

d’interconnaissance formé par les personnages de cette enquête. Rencontré en 2004, il était à ce moment l’un des responsables de l’association Afrique Conseil à Paris. Titulaire d’un diplôme en biologie cellulaire obtenu à Bamako (bac +5), il est contraint de quitter le Mali pour des raisons qu’il a souhaité garder secrètes : « Considère-moi comme un expatrié ». Toujours est-il qu’Amadou poursuit avec les autres membres de l’association un double objectif : aider les migrants « africains » dans leurs itinéraires migratoires (apprentissage de la langue française, soutien psychologique, aide administrative) et se rendre visible aux yeux des « accueillants ». Aussi, le rôle d’Amadou est-il « d’intervenir auprès de tous les organismes ou toutes les personnes qui veulent en savoir plus sur la

culture africaine ».

2 Pitirim Aleksandrovich Sorokin, Social mobility,New York, Harper and Brother, 1927 ; réedition sous

le titre de Social and cultural Mobility, Glencloe, The Free Press, 1959, p.11.

3

Mais « l’identité d’appellation ne signifie pas identité absolue des attitudes. […] Elle fournit le cadre à l’intérieur duquel l’individu se meut avec aisance ». Louis-Vincent Thomas, « Généralité sur l'ethnologie négro-africaine », Encyclopédie de la Pléiade, Vol 1, Paris, Gallimard, 1972, p. 255.

96 Cette double hiérarchisation – par genre et par âge - se retrouve dans les pratiques les plus quotidiennes de la vie sociale, notamment celles qui ont trait au repas.

B. Le sens du repas

« Manger » est une pratique singulière qui allie de façon éclairante l'organisation de la famille et les représentations qui y sont liées. Sa puissance symbolique est telle, qu'elle est intrinsèquement liée à la définition que les enquêtés donnent de la famille :

« Donc, qui est de la famille ? C'est toute personne qui partage notre espace de vie. Partager l’espace de vie, c'est “avec qui je mange“, “avec qui je cause“, “avec qui je suis tout le temps“. La communauté, ce n’est pas autre chose : ça veut dire que les gens “mangent ensemble“, qu'ils se reconnaissent comme “les gens qui mangent ensemble“. Ces gens-là, il y a soutien, il y a une entraide entre les membres de la communauté. Donc, quand il y a des gens qui ont eu des problèmes ou qu’ils ne se sont pas bien entendus, ils ne peuvent pas manger ensemble. Manger ensemble, avec quelqu’un avec qui on ne s’entend pas bien, c’est au fond les tuer dans la culture africaine. Dans la tradition, quand il y a un différend, les sages se réunissent et ils doivent tout arranger pour que vous partagiez un même verre d'eau et là, c’est la réconciliation. Vous redevenez frères. […] Si tu vas dans une famille africaine, on ne va pas t'appeler par ton prénom. Chez nous, c'est prohibé qu'un cadet t’appelle par ton prénom ou que ta femme t’appelle par ton nom. Si un ami africain te présente comme son frère, ne sois pas étonné, pour la simple raison que vous partagez le même espace. Ça, c'est la communauté. » Amadou.

Dans cet extrait, la série d’associations faite par Amadou pour qualifier la famille est très révélatrice. Au premier rang de celles-ci, la famille se présente comme une « communauté ». En font partie, ceux et celles qui partagent de manière prolongée le même « espace de vie1 », ceux et celles qui « mangent ensemble ».Pour Amadou ou les autres personnages de l’enquête, « manger » n’est ni un acte anodin,

1 Ici, Amadou offre une vision globale des familles africaines indépendamment de l’opposition

urbain/rural qui les caractérisent pourtant. Ma connaissance très restreinte de l’Afrique des villages me contraint de limiter les propos d’Amadou aux résidences familiales bamakoises dans lesquelles il m’a été possible de mener l’enquête.

97 ni un acte individuel. Au contraire, il est un acte fédérateur, le symbole de l’« être ensemble », de la « fraternité » et du « soutien ».

Cela rappelle que la famille est « un nœud de solidarités organiques et imbriquées1» ; solidarités qui ne se limitent pas aux seuls membres de la parentèle. Coumba fournit un exemple de cette « parenté fictive2» :

David : « tu as fait quoi ce matin avant de venir au travail ?

Coumba : Ce matin, j’ai fait le petit-déjeuner pour toute la famille, on est

cinq.

David : C’est une petite famille…

Coumba : Une petite famille oui. Maintenant, je peux dire six parce que j’ai

une servante.

David : Une servante ?

Coumba : Owo [oui], une bonne. Elle vit à la maison, elle dort à la

maison... [silence] Chez nous, même le voisin est un cousin. Quand il y a un mariage, il partage tout, quand il y a un décès, il partage tout, malheur, bonheur, tout, tout, tout. Ton voisin au Mali, tu ne peux pas dire que c'est ton voisin, tu es obligé de dire que c'est ton frère3. »

« Vivre ensemble » et « manger ensemble » signifie faire partie d’une seule et même famille. Cela renforce l’idée de « communauté familiale » en donnant à ses propres acteurs le sentiment d’appartenir à un même groupe social ; c’est faire

comme si chacun des membres avait dans les veines le même sang ; c'est aussi agir

avec tous selon les règles de parenté4.

Comment se déroule concrètement le repas ? Que peuvent nous apprendre les manières de manger dans la structuration des rapports familiaux ?

C. La mise en scène du genre

1 Olivier Schwartz, Le monde privé des Ouvriers, Paris, PUF, 1990, p. 22.

2 Expression notamment employée par Claude Lévi-Strauss dans Parole Donnée, Paris, Plon, 1984. 3 Âgée de 50 ans, cette mère de famille est la responsable administrative de l’école publique de

Korofina à Bamako – quartier à l’est de la ville. Lors d’une visite dans cet établissement, elle a accepté de réaliser un court entretien (25 min). Ce dernier s’est axé sur le déroulement de sa journée de travail.

4 Les ménages maliens sont en majorité de grande taille. Ceux qui comptent cinq personnes et plus

sont considérés comme des familles élargies et représentent 93,9% des ménages. Ministère du Développement Social de la Solidarité et des Personnes âgées, Observatoire du Développement Humain Durable et de la Lutte contre la Pauvreté au Mali (ODHD/LCPM), Profil de pauvreté du Mali

2001, Bamako, 2006, p. 31. La taille des familles des enquêtés est variable. Par exemple, pour les

familles de Mamadou, Yaya et Papus, plus de huit personnes vivent sous le même toit. Pour Ladji, Jules et Beidi, leurs familles sont davantage de type nucléaire.

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[Bamako, le 2.12.2007] Il est 20h. On dîne à heure fixe chez les D..

Comme c’est souvent le cas dans les résidences bamakoises, le repas se passe dans la cour. Deux cercles distincts se forment : les femmes ont pris place au fond de la cour, près de la cuisine ; les hommes, eux, se sont installés du côté de la porte d’entrée. C’est une habitude de la maison et j’ai le sentiment d’être le seul à y prêter attention.

La distribution des places assises au moment du repas ne doit rien au hasard : il reproduit l’ordre familial. Dans la géographie de la cour, la cuisine est exactement à l’opposé du seuil de la maison. Elle est, de ce point de vue, l’endroit le plus éloigné du monde extérieur. Mais la distance qui sépare la cuisine du seuil de la maison est aussi celle qui sépare les hommes des femmes.

Un trait essentiel, qui n’a rien de spécifique à la famille D., est que la femme est investie d’une autorité entière pour tout ce qui concerne la cuisine. « Il faut des circonstances tout à fait exceptionnelles, anormales, pour qu’un homme y soit contraint. Il peut s’agir d’un homme seul, sans épouse, ni filles, cette solitude étant déjà l’indice d’une anomalie sociale, le signe d’une individualité sans doute peu recommandable1 ». Il peut également s’agir d’un homme en situation d’immigration ; ce dont témoigne Coumba à propos de son fils aîné résidant en France :

David : « Et ton fils, il est où ?

Coumba : Mon fils ? Il est à Paris avec ma sœur là-bas. Ils vivent ensemble

et ça va, un peu… C’est un garçon, il n’est jamais à la maison… juste pour venir dormir.

David : Ah d’accord… il ne participe pas trop à la vie de la maison.

Coumba : Si, normalement, le week-end, c’est lui qui fait le ménage hein ! Il

fait le ménage ! Pendant le week-end, il prépare comme une femme. Tu sais, à Paris, il n’y a pas de question d’hommes ou de femmes pour la cuisine

[rires].

David :Parce qu’ici, tu dirais que c’est les femmes qui s’occupent des tâches

ménagères ?

Coumba : Owo (oui), les hommes s’y refusent catégoriquement. David : Il n’y a pas un homme qui s’occupe de la maison ?

Coumba : Hein ? Ici ? Moi je ne suis pas tombée sur un comme ça d’abord.

Parce que moi, mon mari… Même pour faire son café, tu chauffes l’eau, tu

1 Gérard Dumestre, « De l’alimentation au Mali », Cahiers d’études africaines, vol. 36, n°44, 1996,

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mets ça dans un récipient, tu mets ça dans un thermos, tu prépares la table, tu fais tout… Quand il vient à la table, il te demande de lui verser son café. Donc, c’est autre chose. Ça c’est faire le café seulement ! […] Après, il quitte la maison et il ne revient que le soir. »

De façon plus générale, les activités domestiques sont des activités féminines réservées : laver le linge, veiller à la propreté des lieux, assurer le quotidien. C’est la raison pour laquelle Coumba a engagé une « bonne ». Le temps pris par son activité salariée est un temps qu’elle ne passe pas à s’occuper du bon ordre de la maison1. Coumba a bien essayé d’affairer son fils cadet à l’entretien du domicile, en vain :

« Je voulais qu’il nettoie le salon, juste le salon, pendant que moi je travaillais. Ça aurait fait des économies… Je l’ai privé de la télévision, je l’ai privé de son ballon…. Il ne voulait pas… Mais c’est un garçon, il est fait pour être dehors. » Coumba.

Les hommes sont façonnés pour l’extérieur, pour le monde du dehors, telle est la raison sociale invoquée par Coumba pour expliquer les réticences de son fils à exécuter certaines tâches ménagères ; et puis, « que diraient ses copains ? Que c’est

une femme ». L’opposition femme d’intérieur/homme d’extérieur n’est pas sans

rappeler les analyses de Pierre Bourdieu à propos des maisons kabyles : « L’homme est la lampe du dehors, la femme la lampe du dedans2».

La frontière entre les deux mondes se concrétise un peu plus avec le seuil de la maison.

[Bamako, le 30.10.2007] Cela fait quelques jours que je me promène

dans les rues d’Hamdallaye, quartier d’enfance de Mamadou et de ses frères rencontrés à Paris. Durant ces promenades diurnes, il est une chose qui m’étonne toujours : quelle que soit l’heure de la journée, les portes des maisons demeurent ouvertes. Cela me permet d’entrevoir une partie des cours intérieures. De la rue à la maison, il n’y a qu’un pas. « Mais ça, c’est

l’hospitalité malienne », me commente-t-on régulièrement. « Si tu as faim,

1 « Lorsqu’une épouse exerce une activité rémunérée, l’unité domestique tend à être plus nombreuse ;

ces personnes supplémentaires rendent possible la profession de l’épouse ». Claudine Vidal, « L’artisanat féminin et la restauration populaire à Abidjan », Femmes et pratiques alimentaires, ORSTORM, 1985, p. 554. Notons également que cette main d’œuvre domestique, nommée « bonnes » à Bamako, est essentiellement constituée de jeune migrantes d’origine rurale.

2 Pierre Bourdieu, « Trois études d’ethnologie Kabyle », Pierre Bourdieu, Esquisse d’une théorie de la

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soif, ou si tu veux aller aux toilettes, tu seras toujours le bienvenu », me dit-

on ailleurs. C’est avec la tombée de la nuit que les portes des maisons se ferment.

La porte ouverte est un signe de « générosité » – une valeur cotée très haut au Mali dont j’aurais l’occasion de reparler. Elle est aussi un accès direct à l’intérieur de la maison, une invitation tacite à entrer, que l’on soit étranger, ami ou membre de la famille – du moins le dit-on. Ainsi, quelques-unes des activités biologiques du jour – manger, boire, faire ses besoins – peuvent être accomplies « chez le voisin ». Par exemple, la famille D. anticipe quotidiennement la visite imprévue d’une personne souhaitant se nourrir :

[Bamako, le 15-11-2007] Prêt à déjeuner, Mamadou découvre le récipient

principal, remplit de riz. Il en ôte, à la main, quelques poignées qu’il place sur le couvercle. J’en ignore la raison et le questionne à ce propos. Mamadou m’explique que ce riz est destiné aux « gens qui passeront dans l’après-midi

et qui veulent manger. Le riz du midi reste blanc, c’est pour prouver qu’il est

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