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PARTIE 2 CADRE THEORIQUE

II. T RAVAILLER L ’ ECRIT AVEC UN RESEAU SOCIAL EN CLASSE DE FLE

3. Socialisation des écrits

La notion de socialisation des écrits fait référence à deux idées distinctes : d’une part, « le fait de concevoir un dispositif où l’enseignant ne soit pas le seul destinataire des textes (comme dans la pédagogie Freinet ou les ateliers d’écriture) » ; d’autre part, « dans le cadre d’Internet, le fait que les écrits se trouvent diffusés dans un environnement qui leur donne sens et qui permet des rétroactions de la part des internautes » (Mangenot & Soubrié, 2014, p. 89).

Ces deux dimensions de la socialisation des écrits se trouvent rassemblées lorsque des apprenants participent à- et publient sur- un réseau social en ligne, et c’est ce qui rend ce type de site particulièrement intéressant pour travailler l’écrit en langue étrangère. Sur ce type de site, l’écrit repose sur l’attente implicite d’une lecture, voire d’une réaction de la part des autres membres (notamment lorsqu’il est partagé dans certains espaces comme le forum ou le chat, voir Partie 3, I.3.1 pour une présentation détaillée du Rézo Lumière). Il est alors « social » dans la mesure où il s’agit d’une production tournée vers l’extérieur, qui s’adresse à tous, et à laquelle les autres sont invités à réagir.

La socialisation des écrits via le partage des textes sur un espace en ligne public n’est pas sans conséquences : « l’implication sociale liée au fait d’écrire dans une sphère publique électronique est connue pour impacter d’une façon positive et constructive la production des apprenants de langue » (Abraham & Williams, 2009, cités par Blattner et Lomicka, 2012, p.13, notre traduction). Plusieurs facteurs explicatifs peuvent être avancés.

En premier lieu, le fait que la production d’une tâche soit adressée à un public plus large que le seul enseignant donne un sens supplémentaire à la tâche pour les apprenants (Dejean-Thircuir & Nissen, 2013, p. 6). Conole et Alevizou notent ainsi que « la création d’une audience pour des apprenants peut être motivante à plusieurs égards : en leur fournissant un

21 Par exemple les éléments caractéristiques d’une discussion par clavardage, d’échanges sur un forum, de rédaction d’un billet de blog ou d’un courriel, de participation à un site social thématique – cuisine, cinéma, etc.

espace pour montrer leurs apprentissages et comme mécanisme leur permettant d’obtenir un feedback » de la part d’un public qui dépasse le seul enseignant (Conole & Alevizou, 2010, p. 17, notre traduction). Les écrits n’étant plus destinés uniquement à l’enseignant, les textes produits n’ont plus seulement vocation à être corrigés par ce dernier, mais bien à être lus, voire commentés par d’autres, qu’il s’agisse de camarades de classe ou d’autres membres du site (apprenants, autres enseignants, anciens étudiants22). Si la qualité et la correction de la langue restent très importantes, elles ne priment plus complètement sur le message transmis : les écrits sont aussi examinés sous l’angle de leur contenu et des idées qu’ils développent. La production écrite en langue étrangère acquiert de ce fait une nouvelle dimension pour l’apprenant qui, laissant derrière lui son étiquette d’élève, devient un acteur social à part entière avec des opinions, des connaissances, des informations à partager. Dès lors, la langue redevient un vecteur de communication pour échanger des idées, et non plus le thème central de l’apprentissage comme c’est souvent le cas lorsque l’on étudie une langue étrangère.

En outre, en redonnant du sens aux textes produits, la publication des productions des apprenants sur le web motive les apprenants et les incite à s’appliquer davantage pour écrire. Citant une recherche d’Ollivier (2007), Mangenot souligne ainsi que « la perspective d’être publié sur un site connu provoque une forte motivation et un plus grand souci de correction chez les étudiants » (Mangenot, 2013, p. 6). Ollivier et Puren rappellent de leur côté que « cela incite à plus de rigueur dans la recherche et la construction du savoir, mais aussi dans la formulation de celui-ci et la qualité de la langue utilisée […]. On retrouve des effets proches du « learning by teaching » (Ollivier et Puren, 2011, p. 46). De ce fait, aussi bien sur le fond que sur la forme, l’apprenant porte souvent plus d’attention à ce qu’il écrit quand il publie son texte en ligne que lorsque sa production reste dans le strict cadre de la classe.

En encourageant la socialisation et l’apprentissage vicariant, en faisant sortir les productions des murs de la classe et en rendant possibles les interactions autour des textes produits, le recours à un réseau social peut donc permettre de donner un nouvel élan à la pratique de l’écrit par les apprenants, y compris dans un cadre pédagogique.

22Une “Infolettre du Rézo” a été mise en place pendant le stage pour informer chaque mois tous les membres de l’actualité du site. Elle a entre autres pour objet de susciter la curiosité des anciens apprenants et enseignants du CIEF qui sont toujours membres du Rézo en leur permettant de découvrir sur un seul support tout ce qui se fait sur le Rézo et d’y réagir en commentant ou en participant ; des activités à réaliser sur le site pour écrire et échanger en français sont également suggérées. Suite à la diffusion des premières « Infolettres », certains anciens élèves sont revenus sur le site pour lire des textes et chatter en français. A titre d’illustration, voici les premiers numéros : infolettre n°1 (http://eepurl.com/b0H7yn) et infolettre n°2 (http://eepurl.com/b4787D).

Ces considérations théoriques sur les réseaux sociaux et leur intérêt pédagogique pour travailler l’écrit en FLE posées, il s’agit maintenant de s’interroger sur la méthode concrète à mettre en œuvre pour exploiter au mieux le site dans le respect des contraintes du terrain et des objectifs fixés par l’institution lors de la commande de stage et, ainsi que d’expliciter les choix qui ont été fait.

La partie suivante rend compte de la démarche méthodologique adoptée pour déterminer un dispositif d’exploitation adapté au contexte qui permette de tirer parti des différents atouts d’un réseau socio-pédagogique comme le Rézo Lumière présentés ici pour développer les compétences écrites des apprenants du CIEF ; elle propose notamment un retour sur les étapes de définition du dispositif ainsi qu’un point sur les différentes données rassemblées et sur la façon dont celles-ci ont influencé l’exploitation pédagogique du Rézo Lumière qui est finalement proposée.

Partie 3

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