• Aucun résultat trouvé

groupe devant la justice

B. Situations sociales et engagement milicien

Les situations sociales des accusés tiennent une place importante dans leurs discours et les j ifica i n mi e en e de an la j ice le d fen e. En effe , n mb e acc mettent au service de la défense leur appartenance sociale et économique. La Milice est perçue dans les représentations dével e a c de l Occ a i n e la i e de celle-ci, en sortie de guerre, comme « le refuge de tous les repris de justice et de tous les hors-la- loi. »43. C n ai emen d a e gani a i n de c llab a i n, la Milice e e ai ain i fai e

remarquée par la délinquance de ses membres et leur manque de moralité et leur appartenance à des milieux sociaux pauvres. Face à ces représentations dominantes, les miliciens et miliciennes construisent leur discours sur leur trahison44. Ces discours, présentés devant la

j ice de l a i n, d fini en le cad e de la e ce i n de la ahi n milicienne e de ca e de l engagemen dan ce e ie a ic li e de la c llab a i n.

a. Professions et secteurs professionnels : la Milice, une organisation plébéienne45 ?

La e i n de fe i n e e c e l Occ a i n e centrale pour étudier la composition sociale du groupe étudiée. Les membres de la Milice sont représentés comme des

43 FABRE, Marc-André, Dans les prisons de la Milice : un mois au château des Brosses, Vichy, Wallon, 1944,

p. 109.

44 SCARFONE, Dominique, (dir.), De la trahison, Paris, PUF, 1999, 166 p.

45 BENE, Krisztián, La collaboration militaire française dans la Seconde guerre mondiale, Talmont-Saint-

180

individus de conditions sociales plutôt défavorisées, issus des classes modestes de la société. L de de fe i n et l anal e an i a i e permettent de s in e ge ce imaginaires en les comparant avec les résultats apportés par le corpus étudié. La situation ciale an e n fac e d engagemen dan l gani a i n milicienne e d adh i n la propagande vichyste de la révolution nationale, il est important de mettre cela en parallèle avec la réalité sociale de notre corpus.

Les miliciennes « ne remplissent pas de fonctions professionnelles très spécialisées »46,

dans leur majorité. De femme d c n e e cen a de fe i n, soit 15 % d en e elles. Celles qui en exercent, ce sont effectivement des professions non spécialisées et peu m n e e l n e e men i nn e : sténodactylo, bonne à tout faire, secrétaire, employées de bureau, serveuse ; et des professions sociales telles que infirmière et assistante ciale. Ain i, cela c nfi me e le milicienne n n a de i a i n fe i nnelle a rémunérations et à la stabilité très avantageuses. Cependant, cela doit être mis en relation avec la fe i nnali a i n g n ale de femme la m me i de e l de de le a sociaux47. Ce chiff e am nen in e ge de mani e l gl bale a i a i n

fe i nnelle de l ensemble des membres composant notre corpus. Le tableau ci-dessous illustre la répartition des professions des 113 membres du corpus en fonction des secteurs d ac i i e a ec cha e ec e la a e celle-ci représente dans la composition totale.

46 GOUEFFON, Jean, « La c de j ice d O l an (1944-1945) », Revue d histoire de la Deuxi me guerre

mondiale et des conflits contemporains, n° 130, 1983, p. 51-64, p. 51-52.

47 FAUROUX, Camille, « Le li i e d a ail f minin l Occ a i n », Travail, Genre et Sociétés,

n° 42, 2019, p. 147-163 ; MARUANI, Margaret, MERON, Monique, Un siècle de travail des femmes en

181

Fig. 13 R a i i n a ec e d ac i i fe i nnelle, en pourcentage.

Ainsi, ce tableau illustre une nette domination du secteur tertiaire i il e en e 48 % des membres du corpus. Le secteur secondaire regroupe quant à lui 28 % des individus étudiés. Ainsi, ces deux secteurs comprennent à eux deux 76 % de l en emble de milicien e miliciennes du corpus. Différentes activités professionnelles ressortent particulièrement de ces de ec e d ac i i . En effet, au sein même de cette catégorie tertiaire, nous pouvons constater une dominance d em l dan des domaines administratifs : rédacteur de ministère, secrétaire, employé de bureau, fondé de pouvoir, comptable (3), journaliste, c mmi d agen de change. Dans ce secteur tertiaire, il y a également des métiers de type « commerciaux » mais en moindre importance (coiffeur, garçon de café, aide cuisinier).

A côté de ces professions, nous retrouvons dans le secteur secondaire, des professions issues des d maine de l ind ie, la m cani e, l a i ana , en b ef de fe i n davantage manuelles, soit m canicien, encad e , man e, echnicien, f ai e , manutentionnaire, forgeron. Certais ouvriers ont pu se laisser tenter par une propagande milicienne qui cherchait à travers un discours social à attirer dans ses rangs des adhérents issus des milieux ouvriers. En effet, dans un article du journal Combats, abordant la question du recrutement dans les différentes catégories professionnelles, Darnand insiste sur l im ance de a i an , ie e a an dan l gani a i n.

Notre ambition est de montrer aux ouvriers et aux paysans l effroyable malheur auquel ils seraient réduits si nous n arrivions pas à préserver la France du péril bolchévique. Alors qu ils sont tentés par ce communisme ( ), nous voulons les entrainer derrière nous pour la

0 10 20 30 40 50 60

182

réalisation d une révolution communautaire dont ils doivent tre les premiers artisans avant d en tre les premiers bénéficiaires48.

Ainsi, cet appel reflétant la propagande sociale révolutionnaire de la Milice et visant di ec emen le milie ie , e le ec e d ac i i ec ndai e, e e li e le f e présence dans le groupe étudié. Ce a el el e d ne l n d a i e a ein de la Milice des catégories de la population majoritairement engagées dans les mouvements résistants. En effe , c mme il l e ime dan ce a icle, le ie aien da an age a i a le c mm ni me e aien en e in e i dan la R i ance. Afin d la gi le recrutement milicien, Darnand vise directement des catégories de la population et axent la propagande autour de la question sociale et professionnelle. Enfin, le secteur primaire parait quant à lui sous-représenté par rapport à la répartition nationale49. Cette sous-représentation est liée à la

d minance de ne baine dan l de de l igine g g a hi e de ce indi id . Les professions exercées par les miliciens de notre corpus mais également des adhérents en général sont principalement et généralement peu lucratives50. En effet, ces adhérents

volontaires parmi lesquels ne rentrent pas en compte les franc-gardes et la direction de l gani a i n milicienne appartiennent le plus souvent à des catégories sociales peu fa i e . Ain i, bien il aien maj i ai ement une profession, les miliciens du corpus exercent des professions peu stables et peu lucratives.

Enfin, les derniers individus composant le corpus sont soit étudiant (7), soit sans profession (4), soit la profession était inconnue et non mentionnée dans le dossier de la cour de justice (9). Pour les premiers, ils sont tous nés entre 1920 et 1928 et appartiennent donc a ca g ie d ad le cen e je ne ad l e d finie a mi le g n a i n en e dan le corpus. Sur les 33 membres du corpus nés entre 1920 et 1928 : sept sont donc étudiants et pour quatre les professions sont inconnues. Cependant, tous les autres (21) exercent une fe i n. Ain i, le g n a i n de je ne ad l e e d ad le cen engag dan la collaboration et membres du corpus sont plutôt insérées dans la vie active et dans des milieux professionnels. La ca g ie d dian comporte e d inf ma i n l engagemen dan la Milice et reflète que très peu la catégorie des jeunes adultes, majoritaires dans le corpus. Ainsi, il est plus in e an de l die en f nc i n de l a a enance g n a i nnelle de la

48 Combats, « Réaction et révolution » par Joseph Darnand.

49 ALARY, Éric, L'Histoire des paysans français, Paris, Perrin, 2016, 384 p.

50 BUTLER, M., J.-C., DELAPORTE, R., « La collaboration dans la préfecture régionale de Rennes », Revue

183

profession pour celles et ceux qui en ont, en f nc i n d a d dian . Le c an plutôt professionnalisé, les jeunes adultes ont pour beaucoup déjà une activité professionnelle. Ce ablea gl bal de la i a i n fe i nnelle de acc d a a enance la Milice me majoritairement en avant une professionnalisation de ces derniers, mais au sein de professions peu rémunérées. De ce fait, ces situations in able n ili e a c de l a i n, d nne a a i cha g e d j gemen , de a g men a i nnel l engagemen .

b. Des mobiles répondant à la situation sociale des accusés ?

La situation sociale des 113 individus composant notre corpus est mobilisée au cours de l en e e d c , n ammen afin de end e c m e de m if d engagemen dan la ie de la c llab a i n. Ain i, l de de lien en e igine ciale e m bile j ifian l engagemen dan la Milice le de l men e inen , d a an l e, d embl e, le liens entre ces deux informations ressortent et les accusés puisent dans différents éléments liés à leur expérience socio-générationnelle, ou encore leurs expériences professionnelles, au cours de leurs interrogatoires. Ces éléments sont réutilisés dans le but de justifier l a a enance la Milice, el n de ai nnemen e lan a i nnel e visant à rendre leur engagement presque indépendant de leur propre idéologie et de leur propre volonté. Ces m bile n d nc d nn fai e de a all le en e l adh i n e la i a i n ciale d a a enance. En effe , adh e la Milice e e me e d b eni ne fe i n e n statut social auquel aspirent certains adhérents qui ne parvenaient pas à disposer de cela autrement. Les liens entre engagement milicien et situation sociale sont très fréquents dans les discours donnés par les miliciens au cours des différents interrogatoires auxquels ils répondent en sortie de guerre.

Le fai d a i ne mauvaise situation professionnelle ou économique peut servir de j ifica i n l d n j gemen engagemen a ein de la Milice. Ce endan , a mi le indi id le d ie cifie il e aien a ch mage a c de l Occ a i n, a c n n a ili ce ch mage c mme m bile d adh i n la Milice ( i ec i n (1), i négation (2), i a de m bile cifi ). A l in e e, celle e ce i n cifi dan le m bile d adh i n le fai d adh e en ai n d ne i a i n de chômeur » ou pour le « revenu n aien a nécessairement identifiés dans leur dossier de jugement comme étant sans activité professionnelle. Ce ain e endi en le fai de e engag ni emen

184

le gain financie e e i d ne i a i n cai e : i il aien a ch mage ne gagnaien a ffi ammen d a gen i e c n enablemen , il e n lai en e a l engagemen dan la Milice, an a an a age n id l gie. Raymond Paupardin affirme à ce sujet : « sans travail, afin de pouvoir vivre je me suis engagé à la Milice rue Le Peletier comme franc-garde ». Il agi al d n engagemen à intérêt financier, présenté comme opportuniste, qui « touche davantage les basses classes de la société »51.

Pour les membres de ces catégories sociales, cette justification peut être facilement mise à profit au cours du jugement, sans pour autant que cela contribue nécessairement à diminuer la sentence finale. Ainsi, un individu du corpus déclare par exemple : « au mois de mai 1944, j ai adh la Milice le c n eil d n ami, e an ain i e d a ail. 52. Mais, le

fai de i e de e en de l engagemen a ein de la Milice e galemen ili a la j ice c mme mani e d inc imine da an age n acc . Ain i, on le retrouve également dan ce ca l acc di a i adh ni emen e e ce n ac i i fe i nnelle : « me an an em l i je me nai e la milice l n m ff i n e d in ec e la documentation en raison de mon activi c den e dan le e i n j i e . Il agi ai en effe dan ce e d en e la m ali e le an c den de n ea adhérents. »53. La i a i n fe i nnelle l ili a i n d n e e li a e en

permet aux adhérents de justifier de façon rationnelle leur engagement. Les possibilités c niai e ffe e a la Milice a aien e en ne m i a i n l engagemen de memb e , e l n e e a c de en e men e a la lice a de l l i n des trains de vie de certains suspects. En effet, le a i de l a i n j gen négativement ces changements de niveau de vie e cela e a ch a ec l engagemen milicien.

A ce engagemen a in aj e a f i ne a e a iable im an e dan le discours de justification des accusés cherchant à amenuiser la valeur de leur adhésion : le principe de dévouement, voire de sacrifice, pour le bien de sa famille. Cela reprend une image traditionnelle et genrée qui veut que le père de famille prenne en charge financièrement sa femme et ses enfants. Ce d emen ien lace dan le je e l id l gie de la R l i n nationale, de « ed nne l h mme n a i de e e d , de l i e e le a ail

51 GIOLITTO, Pierre, Histoire de la Milice, op. cit., p. 161. 52 AN, Z/6/83 : dossier n° 1267.

185

nourricier, tout en honorant en lui une fonction militaire déchue »54. Puisque la situation de

cet homme ne lui permettait pas de prendre en charge sa famille, il n aurait a e d a e ch i e de engage dans la Milice, où il pouvait obtenir un meilleur revenu, le franc-garde pouvant, en moyenne, gagner 2 500 francs par mois55. L engagemen e me al d ne a

de e e i ili e , e d a e a de nd e a e igence d n e e de famille dévoué. L a ec c niai e ne ffi a dan le m bile, mai aj a d emen a famille, l engagemen end ai l de en . Ainsi, le milicien Emile Thibaud, engagé volontaire dans la franc-garde, donne au cours de son interrogatoire, le mobile suivant : « si je suis rentré dan ce m emen c ai n i ma e i e fille ca je n a ai a de a ail à ce moment. ( ) Je eg e e m n ge e e j ai acc m li n j de cafa d 56. Ainsi, son cas

ill e d ne a la agande milicienne fa i an le ec emen de ce ce cle i de milieux plus populaires, davantage attirés par l a gen , e -mêmes ou pour leur famille ; mai a i cela me en a an la ili a i n a c de l a i n de ce e a i nali li e l engagemen me e en a an l ab ence d id l gie en fa e de la Milice. En e, n le retrouve également dans ce type de discours : « j ai c n a le STO a i travailler en Allemagne. Ne voulant pas quitter ma mère alors souffrante et depuis décédée j ai c i en mai 1944 n engagemen dan la milice ». Dan n ca l en e c ncl finalemen il a été poussé à rentrer dans cette organisation par sa mère e il est d n ca ac e facilemen infl en able »57. A l i e de a c m a i n, il e c ndamn

cinq ans de travaux forcés, à la confiscation de ses biens et reçoit la sanction de dégradation nationale. L id e de dévouement pour ses proches est alors perçue comme une influence néfaste, et ce discours ne permet pas de minimiser les faits devant la justice.

Un dernier élément particulièrement présent dans les représentations construites sur les milicien , e galemen ili en j ice, la j ifica i n a l aband n de a en e la li de de l acc . Une ma ai e i a i n familiale, de a en ab en , ne ma ai e éducation sont ainsi des éléments liés aux situations sociales de certains accusés, qui font le choix de justifier leur adhésion à la Milice par ces motifs. Julien Laracine, accusé d a a enance la Milice, affi me a c de n in e ga i e d 14 e emb e 1945 e « de i l ge de 13 an ( )e a en (l) n aband nn »58. Il met ceci en avant pour justifier

il e ai de na e b anlable e ne end a la leine e n abili de n adh i n la

54 CAPDEVILA, Luc, « La e », op. cit., p. 104. 55 AZEMA, Jean-Pierre, « La Milice », op. cit., p. 98. 56 AN, Z/6/64 : dossier n° 1026.

57 AN, Z/6/106 : dossier n° 1557. 58 AN, Z/6/126 : dossier n° 1792.

186

Milice. L engagemen en fa e de la c llab a i n a a en e ai ne f me de e anche sociale et ces discours connus par les autorités judiciaires, sont réutilisés par les accusés eux- m me e d d ane d ne a ie de le fa e . Le di c a de l aband n familial iennen inci alemen d acc d cla , enan de c ches les plus modestes de la ci , i n ce ain d j c ndamn , el l acc Ren M in i a ai d j été condamné pour vols et qui affirme dans ses interrogatoires avoir été abandonné par sa famille e lac dan de famille d acc eil59. Les m if cia a a ai en c mme l n de

principaux éléments réutilisés par les accusés, des accusés principalement issus de classes basses ou du moins se présentant comme tels.

Ain i, ce e anal e a ill l im ance dan le di c de acc d a a enance la Milice, de la sollicitation de leur situation professionnelle et sociale pour justifier leur engagement, tout en négligeant les aspects idéologiques et la croyance en la propagande milicienne dans cet engagement, qui ne serait que le r l a d ne a i nali c n mi e. Cependant, les situations sociales des adhérents de l gani a i n e ce c efl e, démontrent de i i n en e le ega d l engagemen milicien e le diff en e de collaboration auxquels ont adh ce 113 acc d a a enance la Milice. En e, en faisant face à leurs crimes de trahison et de collaboration, ces derniers utilisent une rhétorique a ic li e i e c nf n e la a le de in ance de l a i n, e qui leur permet d e ercer la défense de leurs sentiments patriotiques et nationaux.

C. De e gage e a ega d e gage e , e c e e c e e face