• Aucun résultat trouvé

La simulation révèle que l’engagement des personnels hospitaliers influence

Chapitre 4 : La simulation révélatrice des mécanismes de planification et d’engagement

2. La planification des OPEX : entre participation des acteurs et centralisation

3.2. La simulation révèle que l’engagement des personnels hospitaliers influence

La simulation de l’activité chirurgicale a permis de mettre en lumière cette capacité collective à réduire l’impact de la participation des personnels aux missions militaires.

Le cas du maintien d’un nombre d’heures de TVO important en période de forte sollicitation des médecins anesthésistes d’un HIA au premier semestre 2013 est détaillé sur la figure ci- dessous à titre d’exemple. Du fait de leur forte sollicitation en OPEX, le nombre d’heures de travail disponibles pour les anesthésistes de cet hôpital était faible en février et mars 2013. Les anesthésistes étaient alors la ressource critique du bloc opératoire. L’activité opératoire a cependant été plus élevée en réalité que ne le prévoit la simulation comme le montre la figure ci-dessous.

Figure 14 - Compensation de l'impact des départs OPEX

Ce phénomène de compensation résulte d’un travail collectif pour adapter l’organisation aux ressources disponibles : heures supplémentaires, réduction des tâches administratives et

56% 74% 45% 62% 45% 62% Février Mars

Réduction de l'impact des OPEX par

les MAR - Exemple de l'hôpital A

TVO historique en % du TVO Maximal de la période

TVO simulé avec participation aux OPEX en % du TVO Maximum de la période" TVO maximum sur la période en considérant la participation des MAR aux OPEX

d’encadrement à leur minimum, report des congés et de l’ensemble des tâches non prioritaires. Cette énumération n’est pas exhaustive et des études ultérieures pourraient s’intéresser aux méthodes et aux motivations engendrant ce phénomène de compensation. Ce travail nécessite une analyse approfondie des processus menée par l’équipe elle-même (Pascal 2000) afin de les adapter pour améliorer le fonctionnement du service. Cependant, si les contraintes pesant sur les équipes sont trop fortes et prolongées, elles peuvent à terme impacter négativement les conditions de travail des soignants et des médecins (Mainhagu 2010). Ces conséquences négatives de la compensation, peuvent alors à leur tour affecter la qualité et la sécurité des soins. L’allongement des délais de consultation ou de réalisation de tâches administratives qui résultent de telles adaptations peuvent ainsi affecter la qualité du service rendu à la population.

Suite à cette analyse, l’équipe développe une compétence collective à gérer les variations d’effectifs dues à la sollicitation OPEX. Nous utilisons le terme de compétences collectives en faisant référence à la définition de Amherdt (2000) qui les présente comme les compétences spécifiques, résultant des synergies existant entre les compétences personnelles des membres d’une équipe, qui permettent de nouveaux modes d’action. Ces compétences sont de plus en plus évoquées dans la littérature sur l’hôpital (Pascal 2000). Melkonian et Picq (2010) ont montré que les circonstances extrêmes dans lesquelles les militaires français sont amenés à travailler nécessite et favorise le développement de compétences collectives spécifiques. Les personnels des HIA à la fois personnel hospitalier et militaires semblent donc fortement prédisposés à développer de telles compétences.

Ces compétences développées par les équipes leur confèrent une capacité d’adaptation aux variations d’effectifs et donc une forme de résilience. Différentes acceptions de la résilience organisationnelle existent dans la littérature. Nous retenons ici une définition inspirée de la définition du terme en physique des matériaux : la résilience organisationnelle est la capacité d’une organisation à gérer les perturbations et à retrouver ensuite un état stable qui permette d’atteindre les objectifs fixés en terme de production et de sécurité (Tillement, Cholez et

Reverdy 2009). La résilience devient alors une composante de la performance organisationnelle (Hollnagel, Journé et Laroche 2009) qui peut assurer la survie de l’organisation dans un environnement concurrentiel (Mallak 1998a). Les éléments d’adaptation révélés par notre étude sont mis en place pour que l’hôpital continue d’assurer la production de soins prévue : ils constituent à ce titre une composante de la résilience de l’hôpital.

Les conséquences négatives sur les conditions de travail dont témoigne notre étude, posent la question de la résistance psychologique des personnels à ces épisodes. Certains auteurs, plus proches des recherches en psychologie sur la résilience, la définissent d’ailleurs comme la capacité des individus à adopter des comportements adaptatifs positifs face à une situation inhabituelle tout en souffrant d’un stress minimal, capacité particulièrement précieuse à l’hôpital (Mallak 1998b). Cet aspect psychologique de la résilience dépasse le cadre de notre étude.

La résilience mobilise des leviers organisationnels formels et informels (Tillement, Cholez et Reverdy 2009). Dans le cas que nous étudions, les adaptations dont témoignent les personnels relèvent de ces deux aspects. Les chartes de bloc opératoire peuvent mentionner explicitement un mode dégradé de fonctionnement, utilisé lors de périodes de fortes absences (vacances notamment). Ces adaptations formalisées ne sont pas toujours adaptées aux contraintes imposées par les départs en OPEX, les compétences collectives développées par les équipes permettent alors de palier à l’absence de formalisation d’une organisation appropriée lorsque certaines ressources sont limitées. Cette absence de formalisation est reconnue comme un frein potentiel à l’efficience des structures hospitalières civiles (Moisdon 2008), les compétences collectives constituent peut-être un levier pour préserver l’efficience à travers le développement d’une certaine résilience (Weick 1993).

Ainsi, l’existence de compétences collectives acquises en particulier dans le cadre des missions militaires, permet réduire l’impact de ces missions sur la production de soins. Cette compensation n’engendre pas d’augmentation directe des coûts salariaux (les heures

supplémentaires effectuées par les personnels militaires ne sont ni comptabilisées ni payées). Cependant, elle peut engendrer une dégradation des conditions de travail générant un coût social difficile à chiffrer (lié à une augmentation du turnover notamment) qui dépend de la résilience des personnels au sens psychologique du terme.