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Méthodes et outils de gestion pour les projets indéterminés

Chapitre 2 : Revue de la littérature : Les projets indéterminés

3. Méthodes et outils de gestion pour les projets indéterminés

La littérature sur la gestion des projets indéterminés n’est pas aussi structurée que la littérature sur les approches classiques car elle a été développée plus récemment. A ce jour, la littérature propose peu de méthodes et d’outils appropriés aux projets identifiés comme indéterminés. Nous avons donc entrepris de compléter la littérature sur les projets indéterminés par les études nombreuses portant sur des projets indéterminés mais qui ne se réfèrent pas explicitement à cette dénomination. Pour ce faire nous avons identifié que les caractéristiques des projets étudiés les classent comme indéterminés selon la définition établie par Crawford et Pollack que nous avons choisie de conserver pour nos travaux.

L’ambigüité, la complexité et l’incertitude portant sur les différentes dimensions des projets sont des caractéristiques de plus en plus fréquemment traitées par la littérature sur la gestion de projet et de nombreux articles apportent des contributions sur les méthodes et les outils appropriés (Thomas et Mengel 2008). Notre travail permet de regrouper sous une bannière unique, celle des projets indéterminés, les apports de la littérature sur les méthodes et les outils susceptibles de traiter les problématiques propres à ces projets et d’étoffer le travail de Pollack (2007) .

Ainsi, Pich, Loch et Meyer (2002) qui se penchent sur les projets ambigus, incertains et complexes proposent des méthodes de gestion de projet alternatives au méthodes classiques, qu’ils qualifient d’ « instructionnistes ». Ces méthodes relèvent soit de l’apprentissage soit de la sélection. L’apprentissage est favorisé durant la planification, la réalisation et le contrôle du projet et constitue un objectif à part entière du projet. La sélection met en concurrence différentes solutions, les incitations sont promises aux acteurs engagés dans la solution sélectionnée. Ahern, Leavy et Byrne (2014) mentionnent également l’importance de cet apprentissage qui nécessite un partage d’information entre les parties prenantes. Tous s’accordent sur la nécessité d’une planification progressive et itérative, suivie d’une coordination en vue d’un intérêt commun et des relations de long terme avec les parties prenantes du projet.

Arnaboldi, Azzone et Savoldelli (2004), évoquent les problématiques liées à la présence de parties prenantes nombreuses, aux objectifs différents. Ils conseillent sur la base d’une expérience dans le secteur public, de favoriser la participation de tous les acteurs à la définition du projet en utilisant des outils de gestion afin de favoriser une information neutre lors des négociations pour la sélection du (des) objectif(s) du projet. Ils suggèrent qu’une communication continue entre les parties prenantes est nécessaire qu’elle soit formelle ou informelle. Les éléments pouvant favoriser le partage d’information sont donc précieux (rapports, réunions). Enfin, la définition d’indicateurs de contrôle partagés par les parties prenantes est indispensable à l’évaluation du projet.

Les études portant sur les projets de développement sociaux montrent une grande perméabilité de ces projets aux contextes politiques, environnementaux et humains ainsi qu’un nombre important de parties prenantes et des objectifs ambigus. Au-delà des méthodes classiques de gestion des risques, la coopération des parties prenantes dans la planification et la réalisation du projet apparaît indispensable à la réussite de ce dernier (Ahsan et Gunawan 2010). L’évaluation de la performance de ces projets ne doit pas être limitée à des mesures quantitatives des éléments de qualité, coût, délais mais doit être complétée par des mesures qualitatives portant sur l’efficience de l’utilisation des ressources et la satisfaction des parties prenantes notamment (Toor et Ogunlana 2010).

Nous présentons dans des tableaux ci-dessous une synthèse des méthodes proposées pour la gestion du projet qui peut être décomposée en deux processus : la planification puis la coordination et l’incitation en vue de la réalisation (Pich, Loch et Meyer 2002). Nous différentions les approches classiques de celles appliquées à des projets indéterminés. Ce choix de présentation a pour vocation de faciliter l’identification des différences et des similitudes entre les approches, et ne suggère pas leur exclusivité mutuelle. La littérature a en effet insisté sur la complémentarité des outils et méthodes préconisés par les deux approches (Yeo 1993, Pollack 2006).

Tableau 3 – Synthèse des méthodes et outils proposes pour la gestion de projet en fonction de l’approche considérée

Processus Approches classiques Approches appliqués aux projets indéterminés

Planification

Contenu du projet : objectifs

et solutions Les commanditaires du projet définissent des cibles claires, mesurables et précises pour les bénéfices du projet(Chih et Zwikael 2014)

Alternatives multiples faisant l’objet d’une négociation entre les acteurs(Diallo et Thuillier 2004, Crawford et Bryce 2003)

Qualité Rapport coût-bénéfice, étalonnage Planification progressive et itérative basée sur le partage d’information entre les parties prenantes.

La planification vise à structurer le problème, les solutions ne sont pas connues à priori (Crawford et Pollack 2004, Pich, Loch et Meyer 2002, Ahern, Leavy et Byrne 2014)

Coût Identification des ressources nécessaires à

chaque tâche et des coûts associés

Délais Recherche du chemin critique : PERT, CPM

(Lockyer 1969) et des marges disponibles (Leach 1999)

Risques Gestion des risques (Conrow 2003) : liste des risques identifiés, introduction de probabilités dans les programmes GERT (Pritsker 1966), étude de scénarios(Schwartz 1991) et modèles de décision dynamiques(Brucker et al. 1999) Approvisionnement Planifier les besoins en approvisionnement

extérieurs et les contrats

nécessaires(Committee 2008)

Ressources humaines Organigramme et définition des rôles des

acteurs du projet(Committee 2008) Participation de toutes les parties prenantes à la planification(Ahsan et Gunawan 2010)

Communication Nombre de canaux de communication et choix

des technologies de

communication(Committee 2008)

Communication continue encouragée qu’elle soit formelle ou informelle afin de partager l’information entre toutes les parties prenantes nécessaire à la planification du projet (Arnaboldi, Azzone et Savoldelli 2004) Evaluation du projet Analyse des résultats obtenus par rapport aux

cibles fixées (essentiellement quantitatives). Les paramètres qualité, coût, délais sont souvent essentiels à l’évaluation du projet.(Committee 2008)

Mesures qualitatives et quantitatives.

L’ensemble des parties prenantes participe à l’évaluation du projet.

Les apprentissages font partie des résultats du projet

et incitation Qualité, Coûts, Délais,

Approvisionnements Coordination et incitations selon l’organisation hiérarchique du travail et ses aspects financiers (Pich, Loch et Meyer 2002)

l’évolution du projet (planification et réalisation sont réalisées en parallèle).

La coordination est permise par la communication continue.

Les parties prenantes doivent être incitées à participer au but commun. Les mécanismes d’incitation sont peu clairs.(Pollack 2007) Risques Gestion des risques : identification de cibles

conditionnelles et contrats ; ajustement mutuels (Committee 2008)

Ressources humaines Incitations financières et organisationnelles à coopérer et à atteindre les objectifs communs(Committee 2008)

Gouvernance (Crawford et Helm 2009)

Communication Réunions et suivi de la diffusion de l’information par rapport au plan établi(Committee 2008)

Communication continue entre les acteurs (Crawford et al. 2003, Pollack 2007)

Pour résumer, la planification recommandée pour les projets indéterminés est un processus collectif, itératif et progressif tout au long du projet. Elle suppose une communication étroite entre les parties, support à un partage d’information nécessaire à la réalisation du projet. Elle permet de déterminer l’objet du projet, qui devient un objectif commun à l’ensemble des parties prenantes. Elle doit être accompagnée d’une forme d’incitation, que la littérature évoque peu.

La littérature sur les projets indéterminés recommande de développer une gestion de projet adaptée aux caractéristiques de ces projets, les principales recommandations sont une implication forte des acteurs dans l’ensemble des phases du projet et une planification du projet qui favorise l’émergence de solutions adaptées quelles que soient les évolutions du projet en termes d’objectifs, de contexte ou de ressources.

Conclusion de la partie 1 : Problématique de la thèse

Dans cette première partie de la thèse, nous avons choisi d’exposer les questionnements pratiques qui nous ont conduits à produire la réflexion théorique essentielle de la thèse.

Ces questionnements nous ont été soumis par la Direction centrale du Service de Santé des Armées, qui voit la gestion de ces hôpitaux critiquée par la Cour des Comptes. Cette dernière a établi un déficit comptable important pour les neuf HIA. Certaines solutions pour réduire le déficit affiché ont rapidement été mises en place par le service comme le déploiement d’une comptabilité analytique hospitalière détaillée ou un meilleur enregistrement des activités réalisées au profit de la défense et de la santé publique.

Cependant, l’organisation des HIA diffère fortement de celle de leurs homologues civils, ce qui implique une productivité hospitalière inférieure. Dans le cadre de la T2A, cette faible productivité, favorise le maintien d’un déficit comptable pour les HIA. La question financière est donc intrinsèquement liée à des problématiques organisationnelles. La direction centrale a souhaité que nous nous penchions sur l’étude de l’organisation des OPEX dans les HIA, jusque là envisagée seulement sous un angle militaire afin de connaître les impacts de ces missions essentielles des HIA sur leur production de soins et de fait sur leurs ressources financières issues de la T2A.

Le terme d’opération, consacré dans le secteur de la défense, peut masquer à un observateur éloigné la réelle nature de ces missions : il s’agit en réalité de projets à part entière. Les caractéristiques de ces projets (variabilité des ressources disponibles, contexte et indétermination de l’objectif), contribuent à les classer dans la catégorie émergente des projets indéterminés. Une littérature, inspirée du paradigme indéterminé de la systémique, s’est développée sur la gestion de tels projets, pour lesquels les méthodes classiques ne semblent pas garantir la performance en termes de qualité, coût et délais.

Les principales recommendations qui émergent de cette littérature sont d’assurer une planification flexible des projets permettant d’assurer adéquation des moyens et des

ressources aux évolutions des objectifs et du contexte du projet. Pour se faire, une forte implication des parties prenantes (membre de l’équipe projet, bénéficiaires, commanditaires, population civile) semble essentielle, cet engagement souvent constaté dans les exemples de projets indéterminés réussis est cependant peu analysé. L’analyse de cette littérature relativement récente et encore peu structurée, nous a permis de formuler la problématique théorique de la thèse : Quelle place pour l’engagement des acteurs et la flexibilité de la planification dans la gestion des projets indéterminés ?

Nous nous proposons de répondre à cette problématique grâce à nos observations de terrain menées dans les HIA et à une analyse théorique sur les notions de planification flexible et d’engagement.

Partie 2 : La simulation, un outil d’observation de la planification et de