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La littérature sur les systèmes : approches déterminées et indéterminées

Chapitre 2 : Revue de la littérature : Les projets indéterminés

1. La littérature sur les systèmes : approches déterminées et indéterminées

Le terme de projet indéterminé a pour origine la littérature sur la systémique (Yeo 1993).

Opposée à la vision réductionniste de Descartes, la systémique propose de résoudre les problèmes en considérant le système au sein duquel ils se forment plutôt qu’en les isolants. Cette philosophie a émergé en biologie dans les années 50 (Von Bertalanffy 1973), et a depuis permis des développement dans des domaines scientifiques variés.

Deux paradigmes distincts existent au sein de la systémique.

Le premier paradigme qualifié de « déterminé » repose sur la vision que la réalité est formée d’un ensemble de systèmes que l’on peut analyser et transformer à l’aide de méthodes quantitatives. Les qualificatifs fréquemment associés à ce paradigme sont « rationaliste », « positiviste » et « quantitatif » (Pollack 2006). Une littérature importante sur la gestion des projets s’est notamment développée à partir de l’analyse et de l’ingénierie des systèmes. Ces

champs de littérature interdisciplinaires s’intéressent respectivement à définir une solution pour un problème et à étudier comment mettre en œuvre cette solution (Yeo 1993, Crawford et Pollack 2004). Ces approches objectivistes s’appuient sur des méthodes quantitatives pour planifier, programmer et contrôler l’exécution des projets (Martin 2000).

Le second paradigme qualifié d’« indéterminé » (« soft » en anglais) est basé sur la vision d’un monde complexe dont l’approche systémique peut constituer un processus d’investigation. Les systèmes ne constituent alors plus le réel mais la représentation qui en est faite par les observateurs pour l’appréhender (Checkland 1999). Les systèmes sont souvent qualifiés d’indéterminés lorsque les méthodes quantitatives se révèlent peu appropriées pour les résoudre.

Les approches indéterminées de la systémique sont qualifiées d’ « interprétatives » et souvent associés à des méthodes qualitatives plus à même de rendre compte de la complexité du réel étudié (Pollack 2006). Les méthodes employées dans ce cadre mettent l’accent sur l’intersubjectivité de la construction de la connaissance (Midgley 2000). La méthodologie des systèmes indéterminés développée par l’université de Lancaster propose une approche cyclique de résolution des problèmes grâce à la comparaison de la réalité à des modèles conceptuels des systèmes (Checkland 1999). Cette approche a été mise au point afin de traiter des problèmes indéterminés (dont la définition était partielle ou défaillante) et a permis à l’équipe de Lancaster d’accompagner le développement d’organisations publiques et privées. C’est une approche de recherche action très développée au Royaume-Uni qui s’écarte du courant dominant inspiré par les approches liées au paradigme déterminé de la systémique (ingénierie des systèmes notamment).

Les premières applications des approches indéterminées des systèmes à la gestion de projet remontent au début des années 1990, le travail de Yeo (1993) s’est basé sur la méthodologie développée à Lancaster (Soft System Methodology -SSM) pour étudier la complémentarité entre approches déterminées et indéterminées pour la gestion de projet. Il démontre que les pratiques historiques de gestion de projet basées sur des techniques quantitatives pour la

planification des projets échouent parfois, les coûts de certains projets dépassant largement les prévisions (jusqu’à 500% du coût prévu). Les causes de ces surcoûts sont connues :

- Les changements qu’ils soient consécutif à des décisions internes (stratégie) ou externes (liées à l’environnement du projet)

- Les facteurs humains : relations et culture, interfèrent dans la réalisation du projet.

Au-delà des approches classiques de gestion des risques, les approches indéterminées basées sur la participation des acteurs et leur capacité d’apprentissage permettent selon Yeo de favoriser l’adaptabilité nécessaire pour surmonter les difficultés rencontrées dans la gestion de projet.

Depuis ces premiers travaux, des chercheurs se sont attelés à étudier les apports respectifs des différentes approches des systèmes pour la gestion de projet. Pollack et Crawford ont publié de nombreux articles sur cette thématique qui témoignent d’un travail de synthèse important des influences de la systémique sur l’émergence de nouvelles pratiques en gestion de projet.

Ces auteurs s’attachent à dépasser une vision réductrice des paradigmes déterminé et indéterminé comme le recours à des méthodes respectivement quantitatives et qualitatives. Pollack (2006) démontre que les approches philosophiques de ces paradigmes sont irréconciliables : la première considérant la réalité comme un ensemble de systèmes tandis que la seconde réfute cette vision et considère les systèmes comme une méthode d’investigation de cette réalité. Cependant, il insiste pour renier la vision en « silo » de ces paradigmes qui les sépare de façon irrémédiable.

Il démontre que les méthodes et outils employés dans le cadre de ces deux philosophies peuvent se recouper et que l’approche philosophique ne doit pas condamner à priori certaines méthodes d’action.

Cette vision est partagée par Forrester (1994) qui a grandement contribué à la systémique en développant la dynamique des systèmes, qui vise à étudier l’évolution des systèmes dans le

temps. Du point de vue philosophique, Forrester est partisan d’une approche déterminée et refuse de mettre en doute l’existence de systèmes réels, critiquant vivement l’approche SSM qui manque selon lui d’un cadre d’analyse congruent avec la réalité. Il défend cependant, l’intérêt des méthodes indéterminées pour la dynamique des systèmes et notamment de la recherche opérationnelle.

Approches indéterminées

Approches déterminées

Organisation

Une organisation est formée d’un ensemble de discours, de cultures, de groupes, de relations ; chaque organisation a un/des but(s) parfois

ambigus

Une organisation est un système qui poursuit des objectifs déterminés

SSM (Checkland 1999)

Projets

Ingénierie des systèmes Dynamique des systèmes (Forrester 1994)

Méthodes de gestion de projets basées sur des techniques quantitatives de planification,

réalisation et contrôle

Surcoûts et échecs dus aux : - Objectifs peu clairs et/ou

quantifiables

- Changements internes et externes - Facteurs humains

Analyse des systèmes

Yeo (1993) : intérêt pour des méthodes qualitatives basées sur

l’apprentissage et le débat

Nécessité d’une approche indéterminée de la gestion de projets en complément de l’approche classique Philosophie Méthodologie Méthodes et outils Résultats