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2.2 La construction romane

2.2.2 Les traces liées au fonctionnement du chantier de construction

2.2.2.4 Les signes lapidaires

2.2.2.4.1 Les marques de repérage de l’hémicycle

Des marques de repérage ont été identifiées sur le mur d’abside (UM 2), à la transition entre l’hé- micycle du banc presbytéral et le plan heptagonal des lancettes49 (fig. 3). Ces marques désignent les

travées et pans de l’abside par les sept premières lettres de l’alphabet, soit A à G du nord au sud50.

Elles apparaissent sur deux assises superposées : la corniche saillante couronnant le niveau inférieur et la base de l’appui taluté des baies :

» De plan semi-circulaire, la corniche est composée de longs blocs de choin moulurés de plan concave. Dans huit de ces blocs sont sculptés les tailloirs en ressaut des grands pilastres qui scandent l’arcature de baies géminées.

Chaque section de corniche comprise entre deux tailloirs, et donc chaque travée, n’est marquée que d’une seule lettre, et ce quel que soit le nombre de blocs (deux ou trois) qui la composent. Gravée sur la face supérieure de la corniche, cette marque est approximativement centrée dans les pans A à F, et déportée dans le quart ouest dans le pan G (fig. 124, 125 et 126).

» Les appuis talutés des sept lancettes sont composés de hauts blocs moulurés encastrés dans l’embrasure de chacune des baies. À chaque pan correspondent un (pans A, E et F) ou deux (pans B, C, D et G) blocs moulurés, dont la longueur et le tracé s’adaptent à ceux de l’ébrasement qu’ils occupent.

Tous ces blocs (excepté celui au nord du pan C) portent, gravée sur leur face supérieure, la lettre désignant le pan (ill. 37 et 38 ; fig. 127 à 134).

49. La présence de quelques-unes de ces marques avait déjà été signalée et commentée par Nicolas Reveyron (Reveyron 2005, p. 97). 50. Nous avons repris ce système d’identification pour notre propre numérotation des UM.

ill. 37. Abside, travée F (UM 2), appui des lancettes, marque lapidaire d’identification «F» sur le lit d’attente du bloc inférieur mouluré ouest.

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Nous serions tentés d’interpréter ces marques comme celles d’un repérage réalisé en cours de chantier, entre deux phases de travaux successives, celle de l’édification du banc presbytéral d’une part et celle du montage des lancettes d’autre part. La présence d’une seule marque par section de corniche pour- rait coïncider avec une gravure sur des blocs déjà assemblés, et donc un repérage des travées postérieur au montage. Chaque lettre de l’assise inférieure correspondrait ainsi à une indication de positionne- ment, destinée non pas au bloc qui la porte, mais à ceux à venir. A contrario, chaque bloc d’appui, précisément façonné pour s’ajuster à un emplacement prédéfini, aurait été marqué en atelier de la lettre du pan auquel il était destiné.

Au cours de l’étude de l’enveloppe extérieure du chevet, cinq marques situées dans les écoinçons laté- raux de l’arcature aveugle qui surmonte les lancettes ont été reliées à un système semblable de repérage alphabétique (Reveyron 2005, p. 97-98). Ces marques ne reprennent cependant pas exactement la même organisation, et les blocs ainsi gravés appartiennent aux seuls trois premiers pans nord, associant un « A » au pan A, un « A » et un « B » au pan B, et un « B » et un « D » au pan C.

Dans un même registre, cette fois au sein des parements intérieurs et au sommet des piédroits des lancettes (UC 2.1), deux marques apparaissent sur les lits d’attente des tailloirs de deux chapiteaux recevant les arcs brisés :

» un « B » (fig. 135) au nord du pan C, répondant donc au « B » du pan C observé au même aplomb à l’extérieur,

» ce qui pourrait correspondre à la moitié visible51 d’un « E » ou d’un « F » (fig. 136) au sud du pan

E (UM 2E, ES VI.10).

Le repérage alphabétique observé en partie basse de l’hémicycle pourrait donc avoir été décliné dans les parties hautes, mais selon une logique articulée autour des trumeaux, deux lettres identiques se répétant de part et d’autre. Les piédroits ouest des baies A et G en auraient alors été exclus, l’analyse de la mise en œuvre des lancettes ayant déjà démontré la différenciation dont ils ont fait l’objet, du fait du phasage propre à cette partie de la construction.

51. La marque semble en partie masquée par le bloc de sommier qui repose sur le tailloir.

ill. 38. Abside, travée G (UM 2), appui des lancettes marque lapidaire d’identification «G» sur le lit d’attente du bloc inférieur mouluré est.

2.2.2.4.2 Les autres signes lapidaires

En-dehors des marques de repérage précédemment décrites, les signes lapidaires associés au chantier roman peuvent se classer en deux groupes ; ceux, fréquents, à relier à la mise en œuvre du triforium et ceux, rares, gravées sur les blocs de choin.

Le triforium apparaît en effet comme une zone de transition entre les élévations inférieures proprement romanes et celles du clair-étage appartenant aux premières manifestations du gothique (fig. 4 et 72). L’emploi du calcaire de Lucenay y devient largement prédominant : dans la coursière, dans l’appui mou- luré et le couvrement de l’arcature, et au sein du parement qui le surmonte, où il est associé à un calcaire tendre (fig. 34 à 36). Les marques se répartissent sur l’ensemble de ces éléments, bien qu’en moindre proportion sur l’appui mouluré du mur-bahut (fig. 10 et 11). Le répertoire formel demeure restreint, même si aux diverses marques correspondent différentes techniques de réalisation. Le mur de la coursière présente un grand nombre de « M » incisés (dits aussi griffés) (ill. 39 ; fig. 137), de « I » à l’antique – c’est- à-dire une capitale romaine à la gravure biseautée (fig. 138), ainsi que de pi et de petits angles aigus à gravure simple (fig. 139). Les mêmes marques apparaissent sur le couvrement de l’arcature (y compris les tailloirs) et le parement qui le surmonte. La majuscule romane « A » à la gravure biseautée, les capitales romaines « S » (fig. 140) et « T » (fig. 141) à la gravure simple, ainsi qu’une sorte de « h » minuscule à gravure biseautée s’y joignent très ponctuellement. Enfin, trois marques appartenant au même répertoire formel apparaissent au revers de trois supports en choin de l’arcature du triforium, visibles uniquement donc depuis la coursière : le « A » à l’arrière du bloc inférieur entre les travées 2C/2D, et la capitale romaine « P » à deux reprises, à l’arrière du bloc de support inférieur entre les travées 2D/2E et à l’arrière du pilastre central de la travée 2E. L’ensemble présente une parfaite correspondance avec ce qui a pu être observé sur les élévations extérieures au niveau de l’arcature aveugle (Reveyron 1995, p. 160).

Outre les trois lettres gravées sur les supports du triforium, deux autres signes seulement apparaissent sur les élévations en choin du sanctuaire, dont la finition polie s’avère de fait peu compatible avec ce type de marquage. Ces deux signes appartiennent au répertoire figuratif :

» Le premier est une feuille polylobée d’une réalisation particulièrement soignée, gravée à l’angle inférieur gauche de l’orthostate ouest de la travée orientale du mur sud de la chapelle Notre-Dame- du-Haut-Don (UM 4B) (fig. 142). Ce signe a été utilisé à deux autres reprises au moins dans les

ill. 39. Chœur, travée A nord (UM 1), triforium, parement supérieur entre les deux arcatures ouest, sommier des deux arcs, marque lapidaire «M» à l’envers.

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élévations extérieures du sanctuaire roman, sur le pan A de l’abside (Reveyron 1995, p. 160) et sur le contrefort du mur nord de la chapelle Saint-Pierre (fig. 143).

» Le second signe est une clef gravée sur le gradin oriental de la niche monumentale de la chapelle Saint-Pierre (fig. 144) ; le symbole semble ainsi avoir été choisi en relation avec le vocable du lieu.