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La sexualité relationnelle et la mise en couple comme éléments de discontinuité dans les usages de la pornographie

Certains enquêtés font référence à leur mise en couple ou simplement au fait d’avoir une sexualité relationnelle régulière, comme un élément de discontinuité dans leurs usages de la pornographie. Céline (23 ans), Victor (24 ans) et Sébastien (21 ans) font tous trois état d’une diminution de leurs usages de la pornographie dans les moments où ils sont en couple. Cependant, les raisons qu’ils invoquent ne

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La catégorie « Sleep assault » (littéralement « agression pendant le sommeil ») correspond, sur les sites de streaming pornographique, à des vidéos scénarisées de « réveil » par un rapport sexuel. Cette pratique renvoie à la question du consentement des rapports sexuels et à la manière dont ce consentement doit ou non être explicitement signifié (ce qui n’est pas le cas dans le cas d’un tel « réveil »), certaines vidéos mettant par ailleurs explicitement en scène l’absence de consentement.

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La catégorie « Deepthroat » (ou « gorge profonde ») consiste en des fellations durant lesquels le pénis est entièrement introduit dans la gorge du ou de la partenaire.

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Les « sex wars » désignent une prise de position radicale au sein du féminisme à propos de la pornographie, perçue par certaines féministes comme « participant de manière univoque d’une dynamique de contrôle des hommes sur le corps des femmes » (Vörös, 2015b, p. 7). Au-delà de ce positionnement théorique, les féministes opposées à la pornographie ont participé à des luttes politiques pour l’interdiction de la pornographie (notamment au sein de la commission Meese, durant la présidence de Ronald Reagan, en 1985). Le courant féministe et queer « pro-sexe » s’est constituée en réaction à cette problématisation féministe de la pornographie, à travers la défense des travailleurs et travailleuses du sexe et la valorisation d’une pornographie féministe.

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sont pas les mêmes. Céline, qui vit avec son copain depuis peu dans un appartement, explique ne pas être « au même niveau » du point de vue de sa sexualité : lui a peu d’expérience, alors qu’elle a découvert sa sexualité adolescente et s’est construit une sexualité individuelle « autonome ». Elle dit continuer à avoir besoin de regarder de la pornographie, de manière distincte de sa sexualité relationnelle. Cependant, elle explique qu’au début de sa relation (et c’est moins le cas aujourd’hui), la question s’est posée, pour elle, d’arrêter d’en regarder, tant elle avait intériorisé l’image du « couple parfait », qui n’a de sexualité que relationnelle et où aucun des membres du couple ne développe ses fantasmes indépendamment de l’autre.

« À un moment je me suis dit c’est peut-être pas bien de regarder du porno en même temps d’avoir un copain machin, je me posais pas mal de questions sur le couple.

- Sur le fait que t’aies des fantasmes toi qui soient autres que… ?

– Qu’est-ce qui se fait, enfin… ? Je suis toujours à me poser des questions un peu morales : “Est-ce que c’est bien de faire ci ou de faire ça ? De penser ci ou ça si t’as un copain ? Qu’est-ce que le couple parfait devrait être ?” Alors voilà, j’avais beaucoup de questions. Et du coup j’avais arrêté après avec mon copain. Mais ouais, au lycée, j’avais une grosse consommation de porno. Et là toujours, mais plus tranquille quoi. » (Céline, 23 ans.)

Du côté des garçons, Victor et Sébastien, le lien entre sexualité relationnelle et usages de la pornographie est davantage décrit sous l’angle des besoins. Pour Sébastien (21 ans), qui dit regarder des contenus pornographiques de manière très irrégulière, le fait d’avoir recours à ces contenus est un substitut de sexualité relationnelle : « Ça va dépendre de la solitude, ça va dépendre, beh, si ça fait longtemps, ça va dépendre si j’en ai envie. Enfin c’est plutôt rare. » Cependant, explique-t-il, le besoin de se masturber lorsqu’il a, de son point de vue, « peu » de rapports sexuels implique de regarder des contenus pornographiques (il n’envisage pas de masturbation sans visionnage de séquences pornographiques). Victor raconte comment sa consommation de pornographie a diminué au fil des années, en lien avec le fait de s’épanouir dans une sexualité relationnelle (il a son premier rapport sexuel à 16 ans, et explique avoir commencé à moins regarder de pornographie à partir de ce moment-là) :

« Je pense qu’au collège, pendant les périodes scolaires, ça pouvait m’arriver d’aller [regarder des contenus pornographiques] une ou deux fois dans la semaine. Pendant les vacances, je pouvais peut-être y aller tous les deux jours ou trois jours. Et après lycée, beaucoup moins, genre j’y allais peut-être une fois par mois, j’avais… Comment dire ?... plus vraiment besoin de ça. Et jusqu’à maintenant j’y vais plus quoi, enfin ça doit faire longtemps que j’ai pas été voir. Vraiment c’est beaucoup moins quoi. On va dire si j’y suis allé l’année dernière ça devait être deux ou trois fois, à un moment de libre comme ça, mais c’est tout quoi, sinon très peu. Surtout au collège quoi. Collège, début lycée, Ok, mais après non quoi. […] J’ai plus vraiment besoin de ça, et surtout que ayant eu après plusieurs partenaires, quand je regarde une vidéo pornographique ça va pas me faire penser à ce que c’est qu’un vrai rapport sexuel. Une vidéo je me dis, mais non, ça s’est jamais passé comme ça. Enfin la mise en scène c’est quand même pas assez réaliste pour moi. » (Victor, 24 ans.)

Dans son cas, on voit la sexualité relationnelle venir « supplanter » la sexualité représentée dans la pornographie, ainsi que l’absence de « besoin » sexuel en dehors des rapports sexuels avec ses partenaires. Ce discours fait écho à celui d’autres enquêtés, qui invitent à relativiser la norme masculine souvent relayée d’un « besoin » sexuel masculin supérieur à celui des femmes dans le couple hétérosexuel, et donc de la nécessité d’une consommation de pornographie (Willie et al., 2018). De manière générale, cette thématique du « besoin » de pornographie, souvent associée à la masculinité, est peu apparue durant l’enquête, hormis dans les propos de certaines consommatrices, expliquant que contrairement à l’idée selon laquelle seuls les hommes en ont « besoin », elles aussi cherchent à regarder ce type de contenu. On voit que l’articulation entre usages de pornographie et sexualité relationnelle et/ou mise en couple s’actualise de manière diverse chez les enquêtés, amenant parfois

à une reconfiguration des usages, voire à un passage d’une sexualité solitaire marquée par la pornographie à une sexualité relationnelle autosuffisante.

À l’inverse, Lucie, 21 ans, qui a découvert la pornographie à 18 ans par le biais d’un partenaire sexuel, décrit le développement d’un rapport à la sexualité via Internet « autonome », indépendant des rencontres et de sa sexualité relationnelle. Voici son portrait, qui introduit des éléments relatifs au partage et à l’exposition de soi (thématiques traitées dans la seconde partie).

PORTRAIT :

LUCIE, SOLIDARITE COMMUNAUTAIRE ET USAGES SEXUELS D’INTERNET A LA FIN DE

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