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1. INTRODUCTION

1.3. CINQ FOIS PLUS DE GARÇONS QUE DE FILLES ONT UN TSA MAIS CELA RESTE

1.3.3. Le sexe comme facteur de risque des TSA : le rôle des hormones sexuelles dans le

Très tôt, des différences dans le développement cérébral existent entre les fœtus mâles et femelles, notamment dans le but de générer des comportements reproductifs distincts venu l’âge adulte. Ces différences cérébrales selon le sexe influencent significativement l’anatomie, la biochimie, ainsi que de nombreux processus cognitifs et psychologiques (Loke, Harley, & Lee, 2015). Par exemple, une analyse génomique réalisée sur 137 cerveaux humains adultes post-mortem a montré que 2.5% des gènes étaient exprimés et épissés différemment selon le sexe (Trabzuni et al., 2013). Ces différences anatomiques ou fonctionnelles, entre les hommes et les femmes sains, sont probablement à la base des différences entre les sexes dans la susceptibilité, la progression, la sévérité des symptômes de différentes pathologies neurologiques. Historiquement, ces différences ont été expliquées par une action neuroprotectrice des œstrogènes, notamment contres diverses formes de neurodégénérence et traumatisme. Cependant la compréhension des

mécanismes sous-jacents de cette neuroprotection est loin d’être complète (S. Suzuki, Brown, & Wise, 2006).

Les différences cérébrales observées à l’âge adulte ont donc une origine prénatale. Les influences hormonales diffèrent très tôt dans le développement cérébral entre les fœtus mâles et femelles, notamment de par l’existence d’un pic de testostérone fœtale. Pour les fœtus mâles, ce pic entraîne des effets organisationnels permanents dans le cerveau à l’origine de processus cognitifs et comportementaux typiquement masculin, d’où le terme de masculinisation du cerveau (Wu & Shah, 2011).

Figure 4. Niveaux d'hormones circulant pour le fœtus mâle: présence d'un pic de testostérone entre la 10e et 20e semaine de gestation (figure tirée avec autorisation de Kalat 2006)

Ce processus de masculinisation du cerveau est au cœur de la théorie du cerveau extrêmement masculin (extreme male brain theory) pour les TSA, largement développé par Simon Baron-Cohen (Baron-Cohen, 2002), bien que Hans Asperger l’avait déjà informellement suggérée en 1944 lorsqu’il décrivait la personnalité autistique comme une forme d’intelligence masculine extrême. Il expliquait que l’on retrouve des différences sexuelles typiques dans l’intelligence normale, et que chez l’individu autiste le patron d’intelligence masculine est exagéré à l’extrême (Asperger, 1944).

Selon la théorie développée par Baron-Cohen, la principale contradiction entre les cerveaux masculins et féminins est que le premier est programmé pour comprendre et

construire des systèmes basés sur la logique des règles « si-alors » (SI il se passe tel évènement ALORS la réponse est), c’est ce qu’il appellera un cerveau de systématisation; alors que le cerveau féminin est plutôt programmé pour comprendre les états émotionnels des autres personnes, et pour s’adapter et avoir une réaction appropriée, c’est ce qu’il appellera un cerveau d’empathie. Baron-Cohen propose que les TSA correspondent à une forme de cerveau de systématisation extrême, d’où le nom de théorie du cerveau extrêmement masculin. Il n’est pas clair si la théorie inverse, de cerveau extrêmement féminin, ou d’empathie extrême, pourrait s’appliquer à d’autres pathologies (Teatero & Netley, 2013). Baron-Cohen s’appuie pour documenter cette théorie, entre autre, sur une caractéristique phénotypique représentative de l’exposition fœtale à la testostérone : le ratio de la longueur du deuxième doigt par rapport au quatrième doigt, autrement appelé le ratio 2D:4D. Cette mesure s’est révélée très fiable pour quantifier l’exposition prénatale à la testostérone relativement à l’activité ostrogénique. Des différences dans le ratio 2D:4D sont associées à plusieurs pathologies présentant un sexe-ratio, dont les TSA (Manning & Hill, 2009). Un faible ratio entre l’index et l’annulaire indique une exposition plus importante aux androgènes prénataux, alors qu’un fort ratio 2D:4D indique l’inverse. Les individus ayant un TSA sont fréquemment associés à un faible ratio 2D:4D (Auyeung et al., 2009), supposant donc un important pic de testostérone prénatal, à l’origine d’une hyper-masculinisation du cerveau, et donc des TSA.

En résumé de cette troisième section, nous avons vu que les TSA présentent un important sexe-ratio avec 5 fois plus de garçons que de filles diagnostiqués avec un TSA. Ce résultat retrouvé dans toutes les études épidémiologiques, avec quelques variations selon la gravité des symptômes, sous-entend le rôle fondamental de facteurs biologiques sexuels. Les influences génétiques ne semblent pas être majoritairement à l’origine de ce sexe-ratio, mais les influences hormonales, qui jouent un rôle prépondérant dans le développement cérébral différencié entre les garçons et les filles, pourraient être un facteur important.

Ce premier chapitre de présentation des TSA, nous a permis de constater que la pathophysiologie des TSA reste à ce jour complètement inconnue. Les TSA sont

caractérisés par une grande hétérogénéité clinique très certainement représentative d’une grande diversité de causes possibles.

La contribution génétique des TSA ne peut répondre aux deux faits emblématiques des TSA : l’augmentation drastique de la prévalence, et l’existence d’un sexe-ratio important. À l’inverse, l’exposition à différents facteurs environnementaux pourraient être une explication à ces deux faits. Les manifestations cliniques des TSA variant d’un extrême à l’autre du spectre, il est important d’envisager différents facteurs de risque environnementaux à différents moment de vulnérabilité, qui pourraient altérer le développement cérébral et être à l’origine de phénotypes autistiques différents.

La très grande diversité de : (i) les facteurs environnementaux possibles, (ii) les périodes de vulnérabilité du développement cérébral, (iii) des combinaisons de facteurs possibles, et (iv) des susceptibilités génétiques spécifiques à chaque individu sur lesquels s’ajoutent ces possibles expositions environnementales, serait une explication de l’existence de ce spectre autistique si différent d’un extrême à l’autre.

Nous abordons maintenant le deuxième chapitre d’introduction qui porte sur notre problématique de recherche et les hypothèses et objectifs que nous avons développé pour y répondre.

2. HYPOTHÈSE ET OBJECTIFS DE