• Aucun résultat trouvé

5. DISCUSSION

5.3. IMPLICATIONS ET PERSPECTIVES DE CE TRAVAIL DANS LA COMPRÉHENSION DES

5.3.1. Le spectre autistique : une hétérogénéité clinique due à une

hétérogénéité de causes

Comme présenté dans l’introduction, il est important de garder à l’esprit que les TSA présentent une très grande variabilité phénotypique de symptômes et de sévérité qui est sûrement révélatrice d’une très grande variabilité étiologique puisqu’il ne s’agit non pas d’une pathologie unique mais bien d’un spectre. D’un bout à l’autre du spectre autistique, il est donc probable qu’il existe également un spectre étiologique où différents facteurs sont à associer entre eux pour obtenir une multitude de combinaisons possibles : les facteurs environnementaux, les fenêtres de susceptibilité développementales impactées, les susceptibilités génétiques, les mécanismes impliqués… Ce travail a permis de mettre en évidence différentes expositions environnementales in utero qui ont abouti au développement de traits autistiques chez le rongeur, avec des spécificités propres à chacune. Bien que les modèles précliniques soient soumis à plusieurs limitations comme discuté précédemment, nos résultats vont dans le même sens qu’un certain nombre d’évidences scientifiques (épidémiologiques et précliniques). Cela permet d’alimenter un certain nombre d’hypothèses étiologiques biologiquement plausibles et renforcent le plaidoyer scientifique pour aborder la recherche étiologique des TSA par sous-groupes.

5.3.2. Les interactions gène-environnement pour la pathophysiologie

des TSA : le rôle de l’épigénome

Les interactions gènes-environnement sont devenues un sujet de grand intérêt dans la recherche des causes des TSA ces dernières années (Y. S. Kim & Leventhal, 2015). Cependant, les mécanismes d’interactions et même la potentielle bidirectionnalité de cette relation gènes-environnement restent largement inexpliqués. En effet deux modèles d’interactions existent. Dans un premier modèle, une susceptibilité génétique va être aggravée par certaines expositions environnementales, ce qui va aboutir à des modifications

fonctionnelles à l’origine de la pathophysiologie des TSA. Dans un deuxième modèle, c’est les susceptibilités génétiques qui prédisposent à un effet aggravant de ces mêmes expositions environnementales. Cette bidirectionnalité pourrait également expliquer à la fois la diversité des phénotypes observés, tout comme la diversité des facteurs de risque déjà mis en cause dans l’étiologie des TSA (Matelski & Van de Water, 2016). Ces deux facteurs (le génome et l’environnement), lorsqu’ils convergent pour déréguler les mêmes voies de signalisation de processus fondamentaux (comme la méthylation de l’ADN par exemple), pendant des fenêtres de développement critique, peuvent créer une combinaison de conditions nécessaires pour altérer le neurodéveloppement, et provoquer le développement de TSA (Stamou, Streifel, Goines, & Lein, 2013).

Plusieurs niveaux d’évidences scientifiques convergent vers le rôle d’intermédiaire que pourrait jouer l’épigénome dans les interactions gènes- environnement. L’épigénome peut agir comme médiateur des facteurs de risque environnementaux, spécialement pendant les phases de développement où les processus de régulation épigénétique s’installent. Des perturbations précoces des régulations épigénétiques peuvent avoir des conséquences à très long terme sur l’expression génique et le comportement, et, par conséquent, fournir un mécanisme plausible par lequel les facteurs environnementaux convergent sur les mutations génétiques existantes pour déterminer le risque et la gravité des TSA (Keil & Lein, 2016). Notre travail vient s’inscrire dans cette continuité et vient renforcer l’hypothèse du rôle de l’environnement dans l’étiologie des TSA. Grâce à notre modèle préclinique d’altération périconceptionnelle du métabolisme monocarboné qui développe des traits autistiques, nous venons également renforcer l’hypothèse du rôle primordial des régulations épigénétiques très tôt dans le développement dans l’étiologie des TSA.

5.3.4. Vers une prévention ciblée des TSA ?

La malléabilité de l’épigénome est à la fois (i) un point négatif : cela peut augmenter la susceptibilité aux effets neurotoxiques de divers facteurs environnementaux; et (ii) un point positif : sa malléabilité ouvre la perspective d’interventions thérapeutiques. Cependant,

la nature dynamique de l’épigénome suggère aussi que (i) chaque individu possède une combinaison unique de marqueurs épigénétiques impliqués selon les expositions environnementales qui (ii) interagissent avec une combinaison unique de susceptibilités génétiques propres à chaque individu (Keil & Lein, 2016). Ceci rend l’approche thérapeutique d’autant plus compliqué à envisager. Le rétablissement de dérégulations épigénétiques est déjà difficile en soi et toute stratégie thérapeutique donnée pour les TSA dans leur globalité se manifesterait par une réponse de la population encore une fois très hétérogène.

D’où l’importance et la nécessité de s’intéresser à des facteurs de risque potentiellement modifiables afin de pouvoir mettre en place des stratégies de prévention (i) universelle, comme plaider pour la réduction de l’exposition aux perturbateurs endocriniens, et (ii) ciblée, par exemple promouvoir le dépistage des altérations du métabolisme monocarboné dans les familles avec antécédents de TSA, et proposer une supplémentation en acide folique augmentée lors d’une future grossesse. L’utilisation de probiotiques pourrait également se révéler intéressante à étudier puisque chez les animaux, il a été démontré que la prise de probiotiques après une altération du microbiote intestinal avait permis de renverser les altérations comportementales auparavant observés (T. Wang et al., 2015).

Ce projet contribue à l’identification de facteurs de risque évitables dans le développement des TSA et ouvre des perspectives aux bénéfices sociétaux importants. En venant soutenir un niveau d’évidences scientifiques majoritairement épidémiologiques, nous apportons pour la première fois des données expérimentales qui viennent supporter ces associations. Si les liens de causalité sont vérifiés et admis par consensus scientifique, alors ce projet aura participé de manière significative à influencer de futures initiatives de recherche et nous l’espérons des prises de position de politique de santé publique pour diminuer l’incidence et/ou la sévérité des symptômes des TSA.