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5. DISCUSSION

5.2. LES TESTS COMPORTEMENTAUX DANS LES MODÈLES PRÉCLINIQUES : BESOIN DE

5.2.3. La transférabilité des données entre préclinique et clinique

Le but d’un travail comme celui présenté ici est de pouvoir apporter des données qui seront transférable à la clinique, notamment dans un but de prévention dans notre cas.

La première difficulté lorsque l’on aborde la transférabilité des données porte sur la comparabilité du développement cérébral pré- et néo-natal des rongeurs par rapport aux humains. Les rongeurs sont les espèces les plus fréquemment utilisées dans les modèles expérimentaux de neurodéveloppement, et plus particulièrement le rat (Romijn, Hofman, & Gramsbergen, 1991). Or il existe des différences reconnues dans la maturation cérébrale des rongeurs et des humains et il faut pouvoir déterminer des points d’équivalence dans le développement cérébral qui permettront d’envisager une translation des connaissances, et remettre dans un contexte clinique les données expérimentales obtenues. Le raton nait à un stade relativement précoce de maturation, le rendant très utile pour étudier

les effets directs de manipulations expérimentales ayant lieu tôt dans le développement cérébral (Auvin & Pressler, 2013). Différents critères sont utilisés pour comparer le degré de maturation cérébrale d’une espèce à l’autre telle que la croissance cérébrale, la neurogénèse, la synaptogénèse… Par exemple, la neurogénèse embryonnaire d’un cerveau de rat à 18 jours de gestation correspond à celle des semaines 8-9 de gestation chez l’humain, et déjà trois jours plus tard, à 21 jours de gestation, elle correspond aux semaines 15-16 (Bayer, Altman, Russo, & Zhang, 1993). Toutefois l’état de neurogénèse peut également considérablement varier selon les régions cérébrales observées, accentuant le défi de comparer le développement entre espèces. Il faut également noter que la majorité de la migration neuronale et astrocytaire se termine vers la 20e semaine de gestation chez l’humain alors que ce processus se déroule essentiellement entre le 19e et le 21e jour de gestation chez le rat (Raedler, Raedler, & Feldhaus, 1980). D’autres paramètres sont à considérer telles que les mesures fonctionnelles pour évaluer le développement post-natal comme c’est le cas par exemple pour l’acquisition de la marche. Les habilités de locomotion chez le rat se développent durant les premières semaines de vie. Le raton commence à être capable de ramper grâce à une traction de ses membres avant qui lui permet de relever son torse et sa tête à partir du 3e ou 4e jour de vie, avec un pic vers le 7e jour. Ce n’est qu’à partir des jours 8-10 que le raton est capable de dégager complètement son abdomen du sol, et vers les jours 12-13, le raton pourra marcher en supportant tout son poids sur ses membres pour que finalement l’action de ramper disparaisse totalement au profit de la marche vers le 15e jour de vie (Wood, Beyer, & Cappon, 2003). L’acquisition de la marche chez l’enfant, vers l’âge de 13 mois, mets bien évidemment plus de temps. Un enfant est capable de soutenir son poids debout sur ses pieds vers l’âge de 24-28 semaines si quelqu’un lui tient les mains, et peut se déplacer, en se tenant sur du mobilier par exemple vers 48 semaines (Wood et al., 2003). En utilisant ces types de critères, et bien d’autres (maturité du système visuel, auditif, acquisition de reflexes…), il est aujourd’hui communément admis que le développement cérébral d’un raton d’environ 12 jours de vie, correspond environ à celui d’un nouveau-né humain à terme (Romijn et al., 1991). Nous pouvons donc dire que l’ensemble des expositions que nous avons étudiées sont à comparer avec des expositions prénatales plus ou moins précoces chez l’humain. Dans le cas de notre exposition aux perturbateurs

endocriniens, bien que nous ayons continués l’exposition jusqu’au 4e jour de vie des ratons, cela correspondrait avec une exposition du 1e et 2e trimestre de grossesse chez l’humain.

L’ensemble de ces points de discussion permet de mettre en exergue la difficulté de reproductibilité des données d’une étude à l’autre, notamment dans le domaine du neurodéveloppement et du comportement. Il est important de développer un débat sur les bonnes pratiques de laboratoires dans l’étude des modèles précliniques comportementaux. Il serait également intéressant d’avoir des descriptions plus détaillées des tests et protocoles mis en place dans les études (familiarisation, éclairage, fréquence des manipulations de l’animal) afin d’avoir conscience des limitations de chaque étude. De plus, il faut rappeler qu’il est important de toujours adapter l’analyse des données à la nature de la pathologie étudiée. En effet, toutes les études employant des tests de comportement n’ont pas le même but (toxicologie, pharmacologie…) ni ne portent sur les mêmes pathologies (schizophrénie, maladie de Parkinson…), dès lors, bien qu’un test soit validé dans un domaine d’étude, son interprétation ou son analyse ne sera pas forcément valide dans un autre domaine. De plus l’absence de données et de protocoles standards sur les périodes de familiarisation, l’âge auquel réalisé les tests, le temps de repos, l’éclairage de l’appareil de test, peuvent avoir une très grande influence sur les données et limiter leur reproductibilité. Or, dans le domaine de la science, la reproductibilité des résultats est indispensable à l’obtention de consensus scientifiques. Un consensus scientifique est atteint lorsque nous disposons du niveau d’évidences nécessaires, et ce niveau d’évidence sera atteint grâce à une reproductibilité des résultats. Ce n’est qu’une fois que ce consensus scientifique sera atteint, que les mesures de prévention adéquates pourront être décidées.

5.3. Implications et perspectives de ce travail dans la