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2. HYPOTHÈSE ET OBJECTIFS DE RECHERCHE

2.1. EXPOSITION À L’ACIDE VALPROIQUE : UN MODÈLE RECONNU POUR L’ÉTUDE DES

2.2.7. Action des phtalates et PBDEs sur le développement cérébral: hormones thyroïdiennes, testostérone,

2.2.7.1. Les PBDEs agissent sur l’homéostasie thyroïdienne

Les PBDEs sont des perturbateurs thyroïdiens reconnus (CDC, 2009a; WHO/PCS/EDC/02.2, 2009). La similitude de leur structure avec les hormones thyroïdiennes, notamment la thyroxine (ou T4) est d’ailleurs frappante.

L’importance des hormones thyroïdiennes dans le développement cérébral a été initialement démontré via l’observation d’enfants atteints de crétinisme neurologique caractérisé par un retard mental sévère, du mutisme, une surdité, et une hypotonie associée à des déficits des activités motrices. Le crétinisme est la forme la plus sévère d’hypothyroïdie congénital. Bien que nécessaire à son développement, l’embryon ne produit aucune hormones thyroïdiennes et est totalement dépendant de l’apport maternel (Moog et al., 2015). La production fœtale d’hormones thyroïdiennes ne commence que vers la 14e semaine

de grossesse mais la production ne couvre pas totalement les besoins du fœtus qui est toujours fortement dépendant de l’apport maternel (Contempré et al., 1993).

L’exposition aux PBDEs est associée à des changements des niveaux d’hormones thyroïdiennes dans la circulation maternelle et dans le sang de cordon (voir pour revue (Costa et al., 2014). Cette altération des niveaux d’hormones thyroïdiennes dans la circulation maternelle a notamment été observée au 1e trimestre de grossesse, avec une diminution des niveaux totaux de T3 et T4 maternels lorsque l’embryon est totalement dépendant des niveaux d’hormones maternelles (Abdelouahab et al., 2013). Ces données sont également cohérentes avec les modèles animaux où des diminutions des niveaux d’hormones thyroïdiennes ont également été observées après une exposition à différents congénères de PBDEs (dont le BDE-47 et le BDE-99) (voir pour revue (Costa et al., 2014). Les mécanismes d’action des PBDEs sont encore largement inconnus. Plusieurs hypothèses sont étudiées concernant le potentiel des PBDEs d’interférer avec le métabolisme et le transport des hormones thyroïdiennes. Les PBDEs pourraient également avoir une action directe sur les récepteurs des hormones thyroïdiennes (voir pour revue Costa et al., 2014).

2.2.7.2. Les PBDEs et les phtalates agissent sur l’homéostasie des hormones sexuelles

Les phtalates ont principalement été étudiés pour leurs implications dans la santé reproductive, notamment masculine et ont donc été associés à une diminution de la qualité du sperme, à la cryptorchidie, à la puberté précoce, au cancer de testicule (voir pour revue Lyche et al., 2009; Martino-Andrade & Chahoud, 2010). Les phtalates sont des perturbateurs endocriniens reconnus pour avoir des actions oestrogéniques, anti-oestrogéniques, et anti- androgéniques selon les composés et les doses étudiées in vitro (CDC, 2009a; WHO/PCS/EDC/02.2, 2009). Les PBDEs, comme les phtalates, sont associés également à une diminution de la qualité du sperme (voir pour revues (Czerska, Zieliński, Kamińska, & Ligocka, 2013; Linares, Bellés, & Domingo, 2015).

Comme nous l’avons déjà mentionné dans le premier chapitre d’introduction, les hormones sexuelles jouent un rôle clé dans le développement cérébral fœtal, notamment un rôle organisationnel et structurel à l’origine du processus de « masculinisation », à l’origine des différences comportementales entre mâles et femelles (Peper & Koolschijn, 2012). La testostérone et l’œstradiol sont les deux hormones clés de ce processus. L’enzyme aromatase est un élément clé de l’homéostasie des hormones sexuelles puisqu’elle convertit la testostérone en œstradiol directement dans les cellules nerveuses et gliales (Montelli et al., 2012). Il existe d’importantes différences d’expression et d’activité de cette enzyme selon le sexe, selon les zones cérébrales, et surtout selon les périodes développementales, et ceci est particulièrement visible à la période critique de différenciation sexuelle du cerveau (Vizziano-Cantonnet et al., 2011). Comme nous l’avons déjà vu il existe un pic caractéristique de testostérone fœtale entre la fin du 1e trimestre et début du 2e trimestre chez les mâles responsable de ces différences cérébrales entre mâles et femelles. Ceci signifie que les cerveaux masculins sont beaucoup plus dépendant à l’activité de la voie testostérone / aromatase que les cerveaux féminins qui ne sont pas soumis à cette importante production de testostérone (Schwarz & McCarthy, 2008).

Figure 19. Différentiation sexuelle du cerveau (figure tirée avec autorisation de Puts, Jordan, & Breedlove, 2006). (a) cerveau masculin : voie testostérone – aromatase qui promeut l’expression de gènes responsable d’action organisationnelles et structurelles à l’origine de la masculinisation du cerveau. (b) cerveau féminin : l’alpha-fetoprotéine permet de délivrer l’œstrogène à certaines cellules spécifiques, et (c) permet de bloquer dans la majorité cas le passage de l’œstrogène dans les cellules nerveuses et gliales, ce qui limite l’expression de certains gènes permettant de mettre en place la féminisation du cerveau.

Or, il a été démontré que les PBDEs et phtalates pouvaient inhiber la production de testostérone fœtale (Fisher, Macpherson, Marchetti, & Sharpe, 2003; Parks et al., 2000; Zimmer et al., 2011). De plus, ils sont capables d’altérer l’activité enzymatique de l’aromatase de façon non-monotonique (Cantón, Scholten, Marsh, de Jong, & van den Berg, 2008); (Grande et al., 2007). Les PBDEs et les phtalates seraient donc capables de réduire la disponibilité de la testostérone dans les cellules neurales et gliales durant des périodes critiques de développement cérébral, notamment pendant la phase de masculinisation du cerveau.

2.2.7.3. Les PBDEs et les phtalates agissent sur la régulation épigénétique

Les interactions entre l’épigénome et les perturbateurs endocriniens sont d’autant plus complexes à caractériser du fait que les perturbateurs endocrinien ont un profil doses-réponse

non-monotonique, avec des effets à faible ou fortes doses qui peuvent changer d’intensité mais également de sens (Vandenberg et al., 2012). La grande majorité des études qui se sont intéressées aux effets épigénétiques des perturbateurs endocriniens se sont concentrées sur les effets sur la méthylation de l’ADN.

L'expression d'un gène dépend (en plus des modifications des histones vues précédemment) de l’état de méthylation de celui-ci. Il s’agit de la méthylation de cytosine en 5-méthylcytosine des paires de base C-G. Cette méthylation permet de réguler l'expression génique car (i) une faible méthylation se traduit le plus souvent par une forte expression du gène alors que (ii) une forte méthylation inactive le gène. Cependant il existe des exemples où une forte méthylation d’un gène n'a pas de répercussions sur son niveau d'expression (Kovalchuk & Kovalchuk, 2012).

Deux études épidémiologiques ont montré une association entre une augmentation de l’exposition au PBDEs (dont BDE-47 et 99) et une diminution de la méthylation de l’ADN dans le sang de cordon, dans sa globalité pour l’étude sur la cohorte CHAMACOS (Huen et al., 2014), et sur le promoteur TNFα, un gène pro-inflammatoire (Dao, Hong, Wang, & Tang, 2015). Dans les modèles animaux, il a été montré qu’une exposition au BDE-47 entrainait une diminution globale de la méthylation de l’ADN dans le cerveau qui persiste à l’âge adulte (Woods et al., 2012). Récemment, il a aussi été montré qu’une faible exposition au BDE-47 chez le rat influençait la méthylation du cytochrome mitochondrial c-oxydase (Mt-co2) et de gènes liés à la fonction cérébrale (Bdnf et Nr3c1) (Byun et al., 2015). Ces quatre études suggèrent donc que l’exposition aux PBDEs, et notamment au BDE-47, peut affecter les fonctions cellulaires en perturbant la régulation d’expression génique via une altération de la méthylation de l’ADN.

Plusieurs études épidémiologiques ont pu corréler une augmentation des concentrations urinaires de métabolites de phtalate avec des défauts de méthylation du gène IGF2 et LINE-1 dans le tissu placentaire (LaRocca, Binder, McElrath, & Michels, 2014; Y. Zhao et al., 2015). Dans les modèles animaux, l’exposition aux phtalates a également montré des effets sur la méthylation de l’ADN. L’exposition in utero au DBP a provoqué une hypométhylation du gène c-myc dans le foie chez le rat (Kostka, Urbanek-Olejnik, & Wiadrowska, 2010). L’exposition au DEHP a également entrainé à la fois une

hypométhylation et une hyperméthylation selon les gènes étudiés dans plusieurs études de la même équipe, et cela même à très faible dose (Martinez-Arguelles & Papadopoulos, 2016). Des données in vivo viennent également confirmées le potentiel des phtalates à altérer le niveau de la méthylation de l’ADN (hypo- comme hyper-méthylation selon les doses et les gènes étudiés) (Hsieh, Tsai, Hsu, Kuo, Lee, Chai, Wang, et al., 2012; Kang & Lee, 2005). Finalement en plus des effets sur la méthylation, plusieurs études in vivo ont montré que l’expression ou l’activité de plusieurs enzymes modifiant les histones (notamment les HDACs) étaient perturbés par une exposition aux phtalates (Guida et al., 2014; Hsieh, Tsai, Hsu, Kuo, Lee, Chai, Hou, et al., 2012).