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Septembre 2014 Deux enfants sont embarqués par la police, une fillette de 6 ans, un garçonnet de 2 ans, et placés dans le même foyer que tous les autres enfants déjà placés Aucun autre reproche que le « simple »

fait d’être à la rue avec leur mère. Les enfants sont très secoués d’être séparés de leurs parents (l’aînée parce

qu’elle a une sœur jumelle qui était absente lors du passage policier; le cadet parce qu’il a été sevré il y a

quelques mois à peine et donc n’a jamais été séparé de sa mère). Les services sociaux expliquent fermement

que le juge ne rendra les enfants que contre l’engagement de rentrer au pays Mais, dans le même temps,

une fois encore, ils constatent que les enfants sont correctement pris en charge par leur famille. Et le juge

finit donc par ordonner la restitution des enfants mais, cette fois, il est clairement indiqué que le retour en

Roumanie est nécessaire. Une allocation est octroyée et, de fait, la famille repart dans les deux jours.

Mineurs en errance ou victime de traite : le déni de protection, par une

approche principalement pénale

A Paris principalement, mais également dans d’autres grandes villes en France (Lille, Bordeaux, Marseille, Lyon), des mineurs contraints à commettre des délits font l’objet d’une forte attention publique, politique, médiatique et judiciaire que l’on peut difficilement caractériser de bienveillante. Leur situation est régulièrement évoquée sans que puisse être compris et donc expliqué ce que recouvrent réellement ces phénomènes, notamment du fait des obstacles qu’ils rencontrent pour accéder à leurs droits en tant que « justiciables ». L’errance des adolescents vivant en bidonvilles est entretenue par les obstacles à la scolarisation. Mais ces enfants « en conflit avec la loi » - qui ne représentent évidemment qu’une minorité des enfants vivant en bidonvilles - n’en restent pas moins invisibles pour les institutions en charge de les protéger, la réponse pénale restant la principale, voire l’unique « solution » pour ces jeunes.

Le bilan de l’année 2014122 de la prise en charge des mineurs isolés étrangers du Service

Territoriale en Milieu Ouvert (STEMO) Paris Centre (Protection Judiciaire de la Jeunesse) estime que le nombre de mineurs roumains déférés est stable depuis près de 5 ans, s’établissant à 200 enfants (chiffre confirmé par les services d’identification de la Police pour Paris, ces mineurs « travaillant » dans la capitale mais vivant généralement en Ile-De-France). Le nombre de déferrements est quant à lui supérieur, du fait notamment de la répétition des délits commis. Ce taux de « réitération » pourrait passer pour ce que l’on appelle communément la « récidive », s’il ne se conjuguait pas avec d’autres éléments révélant la vulnérabilité de ces enfants. Le bilan note ainsi que 50% des mineurs roumains vus par le service sont des jeunes filles (dans la délinquance « classique », le pourcentage de filles sur Paris est d’environ 3,5 %). L’impossibilité d’entrer en relation avec les parents est également pointée par l’association Hors la Rue qui rencontre ces enfants quotidiennement dans la rue. Hors la Rue note également la décorrélation entre les sommes générées par certains vols (le vol aux distributeurs de billets par exemple) et l’état physique, psychologique et sanitaire des adolescents (âgés majoritairement de 13 à 16 ans). On peut ajouter à cela la mise en

122 « Prise en charge des mineurs isolés étrangers STEMO Paris Centre, bilan de l’année 2014 - extraits pour communication externe », direction territoriale de la Protection Judiciaire de la Jeunesse, juillet 2014

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pour les enfants en danger

œuvre de stratégies pour échapper aux procédures judiciaires (âge déclaré de moins de 13 ans, refus de livrer les empreintes, discours stéréotypés sur la présence ou non de la famille). Le bilan du STEMO rapporte également de nombreuses incarcérations, pour des peines courtes mais qui se cumulent parfois. Ainsi selon le rapport «les vols commis conduisent souvent à de petites peines, 15 jours, un mois, mais qui s’additionnent pour former de longs mois d’incarcération (...). Cette situation reste liée pour l’essentiel à l’utilisation d’alias par les jeunes, le non respect des obligations judiciaires, la répétition des présentations et le choix de la procédure de jugement à délais rapprochés avec exécution provisoire systématique. Les mineurs se retrouvent ainsi en situation d’exécuter des peines fermes cumulées de 4 à 5 mois d’emprisonnement à 13 ou 14 ans. Ce phénomène est sans équivalent chez les mineurs logés ou hébergés mais se retrouve chez les mineurs maghrébins isolés.»

Les mineurs roumains représentent ainsi 25% des mineurs incarcérés au Centre pour Jeunes Détenus de Fleury Mérogis, leur jeune âge étant une autre caractéristique marquante.

Leurs multiples interpellations et présentations devant des magistrats ne semblent pourtant pas permettre l’identification de leur vulnérabilité et leur orientation vers le dispositif de droit commun de la protection de l’enfance. En effet, les indicateurs décrits plus haut sont identifiés par les textes internationaux régissant la lutte contre la Traite des Etres Humains comme relevant de cette infraction. La directive européenne 2011-36 de la Commission européenne relative à TEH et qui doit être transposée en droit national, engage les Etats dans son article 8 à prendre des mesures pour éviter les poursuites pénales visant des délits commis sous la contrainte.

La situation de ces mineurs « contraints à commettre des délits » interroge à double titre : elle concerne un nombre limité d’enfants, mais elle est souvent invoquée pour dénoncer l’emprise soi-disant généralisée de « clans mafieux ». Elle révèle l’inefficacité de la réponse répressive s’agissant de délits commis par des enfants, mais dont le bénéfice est tiré par des tiers. La protection de ces enfants - qui nécessite il est vrai une réelle prise de conscience des acteurs de la protection de l’enfance - reste négligée lors des démantèlements des réseaux : les exploiteurs sont arrêtés mais les enfants qui n’ont pas forcément conscience de leur statut de victime ou qui du fait de leur errance ne sont pas en mesure d’adhérer suite à une interpellation à une mesure de protection administrative, restent eux dans la même situation. Ils pourront poursuivre leur activité sous la coupe d’autres, parfois dans d’autres pays. Ces situations ne doivent cependant pas occulter l’existence de phénomènes de délinquance juvénile « classique » impliquant des mineurs vivant dans les bidonvilles. Il s’agit ici de s’assurer de l’accès des familles aux dispositifs découlant de l’Ordonnance de 1945, souvent oubliés dès lors que le traitement « massif » décrit plus haut tend à se généraliser pour ces situations pour lesquelles de véritables alternatives existent.

Ainsi, Hors la Rue recommande un examen systématique des situations individuelles et

explique que si le placement ne fonctionne pas, d’autres mesures existent pour accompagner

les mineurs et leurs familles : des mesures judiciaires et administratives alternatives comme l’Aide Educative en Milieu Ouvert (AEMO), l’Aide Educative à Domicile (AED). Les familles peuvent également bénéficier d’aides financières attribuées par le Bureau de l’aide sociale à l’enfance ou par les services sociaux.

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