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Ce que disent les faits : une forte inégalité territoriale en termes de domiciliation, et de graves difficultés liées aux expulsions à répétition

Etape fondamentale dans le processus d’accès aux droits, la domiciliation demeure soumise à une interprétation parfois abusive et restrictive par les communes, en l’occurrence les CCAS ou CIAS. Ceci crée une forte inégalité territoriale dans l’accès aux droits.

On remarque deux phénomènes sur les difficultés liées à l’élection de domicile :

v Les refus de domiciliation. Il est à noter des difficultés dues à des refus oraux aux

guichets qui traduisent des refus de voir s’établir sur la commune les habitants des bidonvilles et des squats. C’est souvent l’argument de la saturation qui est soulevé pour justifier ces refus, parfois de manière abusive. Sur certains territoires, les prétextes peuvent être l’échéance prochaine d’une expulsion, l’absence de preuve d’un lien avec la commune, la situation administrative etc.

v La demande abusive de l’attestation de domiciliation pour des démarches où elle

n’est pas obligatoire (par exemple l’inscription à l’école, la déclaration de revenus).

42 Article 34 de la loi ALUR

43 http://www.romeurope.org/IMG/pdf/jur_ta_pau_2014-04-23_domiciliation-refus-ccas.pdf

De manière paradoxale, on peut aussi constater des refus de prise en considération de l’attestation de domiciliation

Avant de présenter les principaux freins ou blocages liés à la domiciliation, il convient de noter que dans de nombreuses villes la domiciliation s’effectue sans problèmes particuliers. Dans

l’agglomération grenobloise par exemple, la plupart des CCAS procèdent aux domiciliations,

incités notamment par la MOUS métropolitaine (voir partie 3.4). A Lille, en 2014, un courrier

a été envoyé par la responsable départementale des CCAS, incitant l’ensemble des CCAS du département à procéder aux domiciliations. A quelques exceptions près, ceci semble appliqué par les centres communaux. A Nantes enfin, peu de blocages sont à signaler à part

le refus d’une commune (Couëron) qui a finalement été levé suite à une décision du Tribunal Administratif en mars 201544.

Exemples de refus ou de blocages importants dans l’accès à la domiciliation. Les données issues du terrain font ressortir de nombreuses situations difficiles ou qui n’ont été résolues qu’après une intense mobilisation des acteurs associatifs, et parfois publics.

Complexité des jeux d’acteurs autour de la domiciliation : l’exemple de Nantes

A Nantes, au printemps 2014, l’association Gasprom informe les associations de sa décision

de mettre fin à son activité de domiciliation ; une forte mobilisation associative se met en place auprès des communes de l’agglomération nantaise afin que les CCAS prennent leurs responsabilités en termes de domiciliation. L’accompagnement des personnes par les associations permet de faciliter les démarches, et aujourd’hui la domiciliation est assurée par la plupart des CCAS de l’agglomération avec plus ou moins de facilités. Une seule commune, Couëron, refusait catégoriquement de domicilier. Le Défenseur des droits a été saisi de cette situation ainsi que le tribunal administratif de Nantes. Le tribunal leur a donné raison45 et

une décision du 30 mars 2015 condamne la commune de Couëron et exige qu’elle assure la domiciliation des familles de ce bidonville. Médecins du Monde établit des attestations de présence sur la commune, qui sont reconnues par les communes de Nantes, St-Herblain et maintenant Couëron. St-Herblain et Rezé assurent une domiciliation complète, alors que la ville de Nantes domicilie seulement pour l’accès à l’AME. Les contacts réguliers entre la médiatrice de Médecins du Monde et les CCAS des communes où se trouvent les bidonvilles facilitent les démarches et rassurent tant les familles que les services.

Au sein de mêmes départements une extrême variété de situations

Dans le département du Val-de-Marne (94), les associations notent de fortes différences de

positionnement selon les communes. Il semble cependant qu’en 2014 li n’y ait eu qu’un seul CCAS qui ait délivré des domiciliations administratives pour obtenir des AME (sur demande de l’association PU-AMI). Ce CCAS a ensuite accepté de domicilier les familles ayant des enfants scolarisés. Un autre CCAS d’une commune qui accordait des domiciliations sans aucun problème, n’en a plus accordé aucune après le changement de majorité aux élections municipales. L’argument principal donné par les CCAS sur l’existence de mandat donné à une ou plusieurs associations ayant les moyens de gérer les dossiers (à Créteil, Ivry et Vitry).

44 Tribunal administratif de Nantes, n°1502248, 30 mars 2015 45 Tribunal administratif de Nantes, n°1502248, 30 mars 2015

2

En Gironde (33), la situation est également très disparate d’une commune à l’autre et on

observe un refus croissant des domiciliations. Si les CCAS des communes de Bordeaux et Floirac remplissent cette obligation, cela n’a pas été tout de suite le cas d’autres villes sur lesquelles se sont installées des personnes après des expulsions. A Bègles, Noël Mamère opposait un refus aux ressortissants roumains et bulgares vivant en squat sur le territoire de la commune arguant leur nombre important (109 personnes dont 69 enfants) et la création future d’un groupe de travail annoncé par la Préfecture. Après des interpellations directement adressées à la mairie notamment en début d’année 2014, le Défenseur des Droits a été saisi par Médecins du Monde et le CCAS de Bègles a finalement domicilié ces personnes à partir de juillet.

En Seine-Saint-Denis (93), les pratiques sont elles aussi disparates selon les municipalités.

Certaines refusent totalement de domicilier dans leur CCAS quand d’autres le font à condition que les personnes soient orientées par Médecins du Monde. Le Secours Catholique et Médecins du Monde proposent des domiciliations et des accompagnements dans la constitution des dossiers et l’ouverture des droits.

Dans la métropole Lyonnaise, si certaines communes dont Lyon domicilient

relativement facilement, les associations relèvent des refus très fréquents de domiciliation en 2014 notamment à Saint-Fons, Bron et Ecully. Ces refus sont la plupart du temps non notifiés par écrit, les personnes étant renvoyées sans explications.

Des cas de délégation complète aux associations

En Seine-et-Marne (77) : selon les associations, la domiciliation est impossible dans les CCAS.

Les seules solutions sont d’utiliser les possibilités offertes par les associations (principalement la Croix Rouge et le Secours Catholique). De fait, il est impossible de savoir combien de personnes sont domiciliées. A Lagny, le CCAS semble avoir peur de domicilier des familles

par peur de devoir scolariser un nombre important d’enfants et prétexte l’absence de lien avec la commune.

A Paris (75), les domiciliations se font surtout via les associations agréées. L’intervention du

cabinet du maire est parfois nécessaire pour des situations particulières.

Au Havre (76), le CCAS refuse toute domiciliation. La Croix Rouge donne une domiciliation

de trois mois et une autre de deux mois une fois par an pour faire ou renouveler la demande d’Aide Médicale d’Etat

Principaux constats issus du terrain concernant la domiciliation :

v Une domiciliation qui se fait souvent « au forceps » et grâce à une intense mobilisation

des associations. En 2014 comme dans les années précédentes, les associations ont dû engager de nombreuses démarches et interpellations pour que le droit à la domiciliation soit appliqué par les CCAS.

v Un « déchargement » sur les associations qui peuvent engorger les structures : dans

de nombreux cas - comme dans le Val-de-Marne - les CCAS refusent de domicilier eux-mêmes, en orientant les personnes vers les associations agréées. Ce transfert de

charge se fait souvent au prix d’une surcharge extrêmement importante de travail, qui peut nuire aux autres actions des associations.

v Un déni de droit aux conséquences désastreuses : le refus de domiciliation, et la

longueur des démarches finalement nécessaires pour l’obtenir, a un impact lourd

sur l’ensemble des autres démarches, qu’elles soient liées à la scolarisation, à l’Aide médicale d’Etat, à la recherche d’emploi, à l’ouverture d’un compte bancaire, etc . . Le temps perdu dans les nombreuses démarches fragilise donc encore plus les familles, et oblige les associations et les bénévoles à y consacrer une partie importante de leur temps, ce qui réduit d’autant celui dédié à l’accompagnement social en tant que tel.

B.

L’accès aux prestations sociales légales

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Ce que dit le droit : état des lieux, et modifications législatives /

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