traite, et celles destinées aux mineurs isolés étrangers.
Bien qu’inconditionnelle, la politique publique de la protection de l’enfance a dans la dernière décennie mis en place des dispositifs spécifiques en direction notamment des mineurs isolés étrangers, et des mineurs victimes de traite.
Les mesures spécifiques pour les mineurs victimes de traite d’êtres humains (TEH)113:
La traite des êtres humains est définie par l’article 4 de la Convention du Conseil de l’Europe de 2005 et comprend 3 éléments constitutifs 114:
v Le recrutement, le transport, le transfert, l’hébergement ou l’accueil de personnes
[une action]
v Par la menace de recours ou le recours à la force ou d’autres formes de contrainte, par enlèvement, fraude, tromperie, abus d’autorité ou d’une situation de vulnérabilité, ou par l’offre ou l’acceptation de paiements ou d’avantages pour obtenir le consentement d’une personne ayant autorité sur une autre [un moyen]
v aux fins d’exploitation. L’exploitation comprend, au minimum, l’exploitation de
la prostitution d’autrui ou d’autres formes d’exploitation sexuelle, le travail ou les services forcés, l’esclavage ou les pratiques analogues à l’esclavage, la servitude ou le prélèvement d’organes [un but]
Au niveau européen, une harmonisation des définitions et des peines minimales pour des
faits caractérisés de traite des êtres humains a été introduite par la Directive 2011/36/UE
qui a été transcrite partiellement dans le droit français par la loi du 5 août 2013115, qui modifie
notamment la définition de la traite des êtres humains du Code pénal, ainsi que les peines prévues116. Pour accompagner cette réforme, le décret du 3 janvier 2013 a créé la Mission
interministérielle pour la protection des femmes victimes de violences et la lutte contre la traite des êtres humains (MIPROF). En mai 2014 la MIPROF a annoncé un plan national 2014- 2016 pour lutter contre la traite des êtres humains117 qui identifie 3 priorités et 23 mesures
prioritaires. Parmi elles, deux mesures spécifiques concernent la traite des mineurs :
Mesure 10 : Assurer un accompagnement spécialisé des mineurs victimes de traite dans le cadre de la protection de l’enfance. L’objectif est d’améliorer la diffusion de l’information et la
coordination entre les acteurs d’un même département comme les collectivités territoriales, les parquets, les services de la PJJ, les services de l’aide sociale à l’enfance, les services enquêteurs et les associations.
Il est aussi prévu la création d’une plate-forme européenne pour la protection des mineurs
113 De nombreux éléments présentés dans ce paragraphe et dans les paragraphes suivants sur les faits relatifs à la traite des mineurs proviennent d’une recherche réalisée par les chercheurs Olivier PEYROUX et Vincent DUBOIS dans le cadre du projet TEMVI (Trafficked and Exploited Minors between Vulnerability and Illegality) en France, financé par la Commission Européenne. Parution prévue en 2016
114 art.4 a de la Convention du Conseil de l’Europe sur la Lutte contre la traite des êtres humains, Convention de Varsovie 2005 :
http://conventions.coe.int/Treaty/fr/treaties/Html/197.htm
115 Loi n° 2013-711 du 5 août 2013 portant diverses dispositions d’adaptation dans le domaine de la justice en application du droit de l’Union européenne et des engagements internationaux de la France
116 Articles 225-4-1 à 225-14 du Code Pénal, ainsi que l’article 224-1 qui définit le crime de réduction en esclavage. 117 http://femmes.gouv.fr/wp-content/uploads/2014/05/Plan-daction-national-contre-la-traite-des-êtres-humains.pdf
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exploités, devant permettre le partage d’informations sur l’identification de ces mineurs et
sur les mesures de protection dont ils ont bénéficié dans les pays de l’UE, pour une meilleure mise en cohérence de leur suivi socio-éducatif.
Mesure 11 : Définir une protection adaptée aux mineurs qui sont à la fois auteurs et victimes.
Conformément aux engagements européens les mineurs victimes contraints à commettre des délits doivent pouvoir bénéficier d’un accueil et un hébergement adapté aux fins de les soustraire aux personnes qui les exploitent et de ne pas être considérés comme des
criminels mais des victimes. A cet effet, la création d’un centre d’hébergement expérimental
offrant aux mineurs auteurs-victimes des places sécurisantes et sécurisées est envisagée.
Les dispositifs spécifiques concernant les Mineurs Isolés Etrangers (MIE)
Les mineurs Isolés Etrangers sont des mineurs présents en France sans référents parentaux connus sur le territoire. A ce jour, les données sur ce phénomène restent lacunaires, les estimations variant entre 4000 et 9000 mineurs provenant principalement de Guinée, du Nigeria, de Côte d’Ivoire, de République démocratique du Congo, du Mali, du Bangladesh, d’Albanie, du Pakistan, d’Angola et d’Afghanistan118. Concernant les squats et bidonvilles, il
est également difficile de dénombrer le nombre de mineurs dans cette situation. Il s’agit cependant d’après les acteurs intervenant dans ce domaine d’un phénomène relativement marginal, mais qui cache des situations de danger et de précarité particulièrement violentes et préoccupantes (voir le paragraphe « ce que disent les faits »)
En mai 2013, une circulaire prise par Christiane Taubira, Garde des Sceaux, établissait un nouveau modèle de prise en charge des mineurs isolés étrangers119, ayant notamment pour
objectif d’alléger la charge pesant sur quelques départements, où se concentrent la plupart des cas, comme la Seine-Saint-Denis, en répartissant le nombre de mineurs isolés étrangers sur l’ensemble du territoire. Cette circulaire fut partiellement annulée par le Conseil d’Etat en janvier 2015. La proposition de loi « Famille : protection de l’enfant » en attente d’une
seconde lecture au Sénat suite à son dépôt le 13 mai 2015, vise à répondre à cette censure partielle, afin de rendre le dispositif non contestable par les Conseils Généraux.
Au-delà de la question de la prise en charge en France, celle du retour des mineurs dans le pays d’origine est particulièrement sensible, tant du point de vue de sa mise en œuvre
concrète, que du point de vue politique. Pour exemple, cette question a fait l’objet de nombreux accords et tractations entre la France et la Roumanie. Cependant le dernier accord, établi en 2007, a été censuré par le Conseil constitutionnel en 2010. Il prévoyait notamment que le Parquet, et non plus seulement le juge des enfants pouvait lancer la procédure de rapatriement des mineurs isolés roumains, sur simple validation des autorités roumaines, sans qu’aucune enquête sociale n’ait été effectuée sur l’entourage familial du jeune. Les sages ont en effet considéré que le texte ne respectait pas le droit de bénéficier d’un recours juridictionnel effectif lorsque la décision de retour était prise par le Parquet, considérant qu’une telle décision devait être prononcée par un juge des enfants. Pour le CNDH Romeurope, Hors la Rue et les autres acteurs du secteur, le retour dans son pays d’origine d’un mineur isolé étranger doit être strictement encadré. Il doit correspondre à l’intérêt supérieur de l’enfant et s’inscrire dans la perspective d’un projet de vie ayant une
118 « Avis de la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme sur la situation des mineurs isolés étrangers présents sur le territoire national », CNCDH, 26 juin 2014. Selon la Direction de la Protection Judiciaire de la jeunesse, en 2013, 9000 MIE seraient présents sur le territoire.
119 Circulaire JUSF1314192C du 31 mai 2013 relative aux modalités de prise en charge des jeunes isolés étrangers : dispositif national de mise à l’abri, d’évaluation et d’orientation ».
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pour les enfants en dangerdimension éducative120. Ce retour ne peut être ordonné que par un juge des enfants qui doit
recueillir le consentement du jeune et se fonder sur une évaluation préalable des conditions du retour du jeune dans son pays d’origine.