de bien-être
Section 1. Santé, bien-être et Qualité de vie de la personne
II. Sentiment de Cohérence, qualité de vie et handicap
De nombreuses recherches (Motzer et Stewart, 1996 ; Cummins, 2005 ; Eriksson et
Lindström, 2007 ; Theofilou, 2013) ont été menées pour définir l’incidence que le sentiment
de cohérence d’Antonovsky peut avoir sur d’autres concepts tels la qualité de vie et le
handicap. Ainsi, après avoir défini le concept de la qualité de vie (Quality of life – QoL) et
après avoir déterminé les liens qui peuvent exister entre ce concept et le sentiment de
cohérence d’Antonovsky (1.), nous nous attacherons à déterminer si de tels liens existent
également entre le sentiment de cohérence et le handicap (2.).
Le lien entre sentiment de cohérence et qualité de vie 1.
Dans un essai de définitions, il est apparu que le concept de qualité de vie est un concept multidimensionnel qui peut être perçu différemment en fonction de la science mobilisée par le chercheur. Ainsi, les sciences de la philosophie, de la sociologie, de la médecine (Levine,
1987), de l’économie et des sciences du comportement ont toutes une approche différente du concept de la qualité de vie. La médecine percevra la qualité de vie comme un outil mesurant
la normalité médicale, l’économie utilisera ce concept en référence au standard économique,
la philosophie utilisera la qualité de vie pour comprendre le principe de ce qu’est une « bonne vie », et enfin, les sciences du comportement et la sociologie verront dans la qualité de vie le
moyen de déterminer le bien-être. C’est sur la base des sciences du comportement et de la
sociologie que nous développerons cette recherche afin de comprendre la qualité de vie des entrepreneurs en situation de handicap.
i. Définition du concept de qualité de vie
Les nombreux auteurs ayant travaillé sur le principe de qualité de vie, indiquent que le concept de « qualité de vie » est complexe à comprendre et à définir. Un premier écueil est son absence de définition universellement accepté par tous. Cependant, bien que souffrant
d’une absence de définition unanimement admise, il semble qu’un consensus ait été trouvé
autour de la multi dimensionnalité du concept influencé par des facteurs personnels et environnementaux (Cummins, 2005 ; Theofilou, 2013).
Selon Fayers et Machin (2000), la qualité de vie peut être perçue comme un bien-être personnel, propre à la personne ou encore comme être satisfait de sa vie. Ainsi la qualité de vie est un concept subjectif (Theofilou, 2013), chaque personne portant un regard différent sur
la valeur qu’elle va donner aux choses (Ferrans et Powers, 2007). Cummins (2005) décrit
également que les éléments composant la qualité de la vie sont les mêmes pour tous, que les
besoins d’une personne n’ont pas forcément d’impact sur sa qualité de vie et que la qualité de
vie ne peut pas être définie en termes d’opportunités.
Ainsi, sur cette base, Eriksson et Lindström (2007) donnent des éléments de définitions en expliquant que la qualité de vie est « le bien-être personnel ou la satisfaction de la vie, le bien-être physique et matériel, les relations avec autrui, les activités sociales, les activités
communautaires et civiques, le développement personnel et l’épanouissement, la bonne santé
positive, le degré de bonté ». Ce concept est lié à la santé et nous parlerons alors de santé générique de qualité de vie (HRQoL). Ainsi si les notions de satisfaction de la vie, bien-être et bonheur, sont distincts dans la littérature et étudié comme des construits indépendant les uns des autres, ils sont cependant extrêmement proches et fréquemment utilisés pour parler de la
qualité de la vie d’une personne. Sur cette base de définition, les chercheurs ont tenté
d’identifier les liens qui pouvaient être fait avec le sentiment de cohérence d’Antonovsky et si l’un peut affecter positivement ou négativement l’autre.
En 1986, au Canada, une étude menée par l’Organisation Mondiale de la Santé a été présentée
au cours de la première conférence internationale sur la promotion de la santé à Ottawa. Selon
la « Ottawa Charter », promouvoir la santé confère à l’individu le pouvoir de contrôler sa
capacité d’avoir une vie productive. Nous avons ainsi, les prémices du lien entre les deux
concepts.
ii. Quels liens entre qualité de vie et sentiment de cohérence ?
Eriksson et Lindström (2007), dans leur quête d’expliciter davantage le modèle salutogénique
d’Antonovsky et, plus particulièrement son concept de sentiment de cohérence, révèlent que de nombreuses recherches ont été menées sur la corrélation existant entre le sentiment de cohérence et la qualité de vie de la personne. Les premières études sur le sujet remontent à
1990 lors d’une recherche menée par Sagy, Antonovsky et Adler (1990).
Motzer et Stewart (1996) montrent que les concepts de qualité de vie et de sentiment de cohérence sont deux concepts différents. Les différences, toujours selon eux, se perçoivent dans les définitions mêmes de ces deux concepts. La qualité de la vie est rattachée à
l’évaluation de la satisfaction qu’une personne peut ressentir à l’égard des domaines de la vie
(comme apprécier son indépendance) alors que le SOC est évalué par le « modèle affectif des réponses » aux situations de la vie (reconnaître que nous sommes dans une situation familière).
Ainsi, bien qu’étant deux concepts différents, le sentiment de cohérence semble être un indice permettant de prédire la qualité de vie de la personne (Bengtsson-Tops et Hansson, 2001).
Posséder un fort Sentiment de Cohérence joue influencera positivement le sentiment d’avoir
une bonne qualité de vie et se révèle être une forte ressource interne pour un meilleur contrôle sur sa vie (Eriksson et Lindström, 2007).
De même que la littérature a cherché à déterminer l’influence du sentiment de cohérence sur
la qualité de vie d’une personne, elle s’est également attachée à comprendre le sentiment de cohérence d’une population spécifique : les personnes handicapées.
Le Sentiment de cohérence des personnes handicapées 2.
Dans le domaine du handicap, les études menées pour comprendre le sentiment de cohérence des personnes handicapées ont attaché une très grande importance à la qualité de vie de
l’individu. Ainsi, bien qu’implicitement comprise dans les études menées sur le sujet, certains auteurs préfèrent parler de la qualité de vie de la personne handicapée et non du sentiment de cohérence de la personne handicapée. Ces études semblent avoir été menées sur des personnes souffrant de problèmes médicaux tels que les cancers, des blessures, le sida, les problèmes
cardiaques…. Ces divers problèmes médicaux pouvant être classés dans la catégorie des
troubles de santé invalidant. De ce fait, ces études sont particulièrement utiles pour notre compréhension de la salutogénèse des entrepreneurs en situation de handicap. En se référant aux résultats de ces études, que le sentiment de cohérence est un bon prédicteur de la qualité de vie de la personne handicapée. Plus le Sentiment de Cohérence de la personne sera fort
chez un individu malade, plus sa perception d’avoir une bonne qualité de vie sera également
forte. La validité de la prédictivité du sentiment de cohérence chez les personnes handicapées
ont été prouvées lors de l’étude sur des patients atteints de schizophrénie (Bengtsson-Tops et Hansson, 2001), sur des patients atteints de problèmes cardiaques (Motzer et Stewart, 1996).
Selon Jomli et al (2015), la qualité de vie de la personne handicapée dépend de plusieurs
facteurs : le degré d’incapacité, les facteurs environnementaux, sociaux et économiques. Ils
ajoutent qu’être déficient physique aura des conséquences tant sur la mobilité de la personne
que sur les domaines financiers, professionnels, sociaux, affectifs et familiaux de la personne. Les travaux sur le sentiment de Cohérence des personnes handicapées révèlent que posséder un sentiment de cohérence élevé pour une personne handicapée atténue la limitation du rôle
social de l’individu (en anglais handicap) (Schynder et al, 1999). Le sentiment de cohérence apparaît comme un agent médiateur entre les limitations physiques et mentales du handicap
(en anglais disability) et les limitations sociales.
Avoir conscience de son handicap, conserver le contrôle de son corps et de son esprit,
privilégier une approche « je peux » de la vie explique leur sentiment d’une bonne qualité de
vie (Albretch et Devlieger, 1999). De plus, Freedman, dans une étude de 1978, révélait que les personnes souffrant de problèmes de santé chroniques parvenait au bonheur grâce à leur
élevé chez les personnes âgées permet de leur conférer une certaine protection contre la dépression et leur offre une meilleure satisfaction personnelle de leur vie (Gosin et al, 2014).
Albretch et Devlieger (1999) affirment que le type de handicap et l‘impact sur la vie de
l’individu influencent la qualité de vie de la personne. Un handicap invisible et des
souffrances continues favoriseraient une mauvaise qualité de vie alors qu’un handicap visible
et des douleurs épisodiques favoriserait une bonne qualité de vie. Cela s’explique par le fait
qu’une très large majorité des handicaps invisibles supposent des handicaps lourds tels que
des maladies graves : cancer, maladie de Crohn, les maladies neurodégénératives, les troubles
musculaires…. A l’inverse, les handicaps visibles, sont souvent stables et peu douloureux :
cécité, surdité, handicap moteur. Alors qu’une personne handicapée malade pourra être
contrainte de travailler partiellement pour raisons de santé, une personne dont le handicap sera
visible, n’aura pas nécessairement cette contrainte.
Selon Rosengren et al (2016), l’importance d’identifier le degré de satisfaction qu’une
personne aura de sa vie, est déterminant concernant les personnes atteintes de handicaps à long terme. En effet, être satisfait de sa vie apparaît comme étant un facteur clé pour la réinsertion professionnelle des personnes handicapées dont le handicap est définitif.
Concernant les études des malades atteints de la maladie de Parkinson, il apparaît que le degré de la maladie influencera le niveau de satisfaction. En effet, les personnes dont la maladie
n’en est qu’à ses débuts (atteinte bénigne à modérée), affirment qu’en dépit de la progression de la maladie, ils sont généralement satisfaits de leurs vies et déclarent être satisfait de leurs vies également (Bengtsson-Tops et Hansson, 2001)
La qualité de vie et le sentiment de cohérence étant corrélés positivement, comme vu
précédemment, le sentiment de cohérence, déterminé comme étant la capacité d’une personne
à répondre à des situations stressantes, représente de fait un élément important dans le milieu du handicap. Posséder un fort sentiment de cohérence semble apporter aux personnes handicapées une bonne qualité de vie perçue. Mais ce lien peut également être fait en étudiant la qualité de vie et la salutogénèse des entrepreneurs.