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de bien-être

Section 1. Santé, bien-être et Qualité de vie de la personne

I. La théorie de la salutogénèse (Antonovsky, 1979)

4- Le lien entre les trois composants

Les trois composants du socle sont liés les uns aux autres de manière inextricable (Flannery et Flannery, 1990 ; Feldt et al, 2000 ; Hochwälder et Forsell, 2011). Le tableau suivant présente huit types de relations imaginées par Aaron Antonovsky entre les trois composants du concept de sentiment de cohérence.

Type de relation

Comprehensibility Manageability Meaningfulness Prévision

1 Fort Fort Fort Stable

2 Faible Fort Fort Rare

3 Fort Faible Fort Pression pour

monter

4 Faible Faible Fort Pression pour

monter

5 Fort Fort Faible Pression pour

descendre

6 Fort Faible Faible Pression pour

descendre

7 Faible Fort Faible Rare

8 Faible Faible Faible Stable

Tableau n°8 : Les relations entre les trois composants du SOC (Antonovsky, 1987, p. 20)

Les relations les plus intéressantes à étudier sont les types 3 à 6. En effet, concernant les types

1 et 8, que le socle soit fort ou faible, la relation est stable. L’individu verra alors le monde

même, les types 2 et 7 ne présentent pas grand intérêt non plus en raison de leur rareté. Il sera

en effet très rare qu’une personne possède un faible niveau de comprehensibility tout en

manifestant dans le même temps un niveau élevé de manageability. En effet, si l’on considère

le comprehensibility comme la perception de stimuli environnementaux et le manageability comme la mobilisation des ressources nécessaires, il semble que les deux composants soient intimement liés.

A l’inverse, les types de relations 3 et 6 apportent beaucoup plus d’intérêts. Caractérisé par un

Comprehensibility élevé, un Manageability faible et un Meaningfulness soit élevé (type 3),

soit faible (type 6), ces relations méritent qu’on s’y attarde en raison de l’incidence que ces

relations auront sur le Sentiment de Cohérence de la personne. En effet, Comprehensibility et Manageability sont à ce point corrélés que si un individu possède un fort niveau de comprehensibility et un faible niveau de manageability, la capacité de la personne à se relever ou à tomber et donc de manifester un sentiment de cohérence fort ou faible, dépendra entièrement de son taux de Meaningfulness. En effet, la motivation de la personne à chercher les ressources disponibles et à se sortir de la situation vécue impactera le niveau global du sentiment de cohérence de la personne. Soit, la motivation est suffisante et le sentiment de cohérence deviendra élevé, soit elle sera insuffisante et il sera faible.

Les relations seront alors catégorisées comme suit (ans les « équations suivantes, chaque composant sera rédigé de la façon suivante : Comprenhensibility = C, Manageability = MA et Meaningfulness = ME) :

Type 2 : C Fort + MA Faible + ME Fort  C Fort + MA Fort + ME Fort

Type 7 : C Fort + MA Faible + ME Faible  C Faible + MA Faible + ME Faible

Le sentiment de cohérence peut alors être considéré comme un facteur psychologique permettant de prédire la bonne santé (Kivimäki et al, 2000 ; Edbom et al, 2010) et la capacité

d’adaptation d’une personne.

Ce concept trouve également un écho dans d’autres notions qui lui sont proches tels que le locus de contrôle de Rotter, l’endurance de Kobasa, la résilience de Rutter et l’auto-efficacité de Bandura (Kivimäki et al, 2000 ; Konttinen et al, 2008 ; Bruchon-Schweitzer et Boujut,

2014) et a été étudiées sur une multitude de populations différentes. En effet, si Antonovsky a développé son étude sur la théorie de la salutogénèse et le concept du SOC sur une population

de survivants de l’holocauste, depuis son développement à la fin des années 1970, la littérature s’est employée à diversifier les populations étudiées. Ainsi, ce sont des études sur le

SOC des enfants et des adolescents (Jellesma et al, 2006 ; Moksnes et al, 2011), des adultes (Carmel et al, 1991 ; Kivimäki et al, 2000 ; Lustig et Strauser, 2002), des personnes âgées (Midanik et al, 1992 ; Weismann et Hannich, 2014) et des études dans le milieu professionnel (Strauser et Lustig, 2003 ; Elyasi et al, 2015 ; Van der Westhuizen, 2018) qui ont été menées.

Afin de mener à bien ces études, les chercheurs ont utilisé l’outil développé par Antonovsky,

les échelles du SOC.

Les échelles du sentiment de cohérence

Mesurer le sentiment de cohérence d’une personne est un moyen important de gérer le stress et de rester simultanément tant sur le plan physique que psychologique en bonne santé

(Bowman, 1996). Dans son ouvrage de 1987, Antonovsky a proposé un questionnaire d’auto

-évaluation comportant 29 items. Onze éléments se réfèrent à la dimension de « l’intelligibilité» (exemple issu de Geyer (1997) : « Lorsque vous parlez aux gens, avez-vous l'impression qu'ils ne vous comprennent pas ? »), huit à la dimension de la « capacité à donner du sens » (exemple issu de Geyer (1997) : « Avez-vous le sentiment que vous ne vous souciez pas vraiment de ce qui se passe autour de vous ? ») et dix à la dimension de la « capacité à gérer » (exemple issu de Geyer (1997) : « Avez-vous le sentiment que vous avez été traité injustement ? »). En plus de la version longue, Antonovsky (1993) précise avoir créé une

échelle plus courte de 13 items sélectionné parmi les 29 items d’origine.

De fait, devant l’importance de cet outil, Eriksson et Lindström (2005) ont mené une vaste

revue de la littérature sur toutes les études menées à partir de l’outil développé par

Antonovsky de 1992 à 2003. Eriksson et Mittlemark (2017) ont mis à jour cette revue de la

littérature en y incluant les études menées jusqu’en 2015. Ils affirment que si de nombreux

chercheurs utilisent l’une des deux échelles d’origines (251 études selon Eriksson et

Lindström (2005)), il existe également plusieurs versions modifiées. Ce ne serait pas moins de

quinze formes modifiées différentes qui seraient utilisées aujourd’hui composées de 3 à 28

adaptée aux familles (Family Sense Of Coherence), une version adaptée aux enfants et une version adaptée au contexte scolaire (Bruchon-Schweitzer et Boujut, 2014). Pour pouvoir être

utilisée dans la recherche et qu’elle puisse devenir un outil de référence, une échelle de

mesure doit prouver sa validité et sa fiabilité.

La Validité des échelles de SOC d’Antonovsky

Les échelles du SOC ont été utilisées dans de nombreuses études longitudinales, qualitatives et quantitatives (Eriksson et Lindström, 2005). De plus, des chercheurs de pays de cultures occidentales, asiatiques et africaines ont fait appel à ces échelles. Se sont au total, au moins 48 pays qui ont utilisés ces échelles dans 49 langues différentes (Eriksson et Mittlemark, 2017). Quant au type de populations étudiées, les échantillons sont variés et vont de 20 personnes à 20 000 personnes (Eriksson et Lindström, 2005).

Figure n°8 : La distribution des études utilisant l’échelle du SOC de 1992 à 2015 dans un

contexte global

La validité et la fiabilité de l’échelle a été soumise à de nombreuses études (Frenz et al, 1993 ; Flannery et al, 1994 ; Bowman, 1996 ; Saravia et al, 2014 ; Eriksson et Lindström, 2005).

Aujourd’hui, la littérature affirme que l'échelle du sentiment de cohérence est un instrument fiable et culturellement approprié qui mesure la manière dont les individus font face à des situations stressantes (Saravia et al, 2014). Ainsi, Bowman (1996) affirme-t-il que même de

cultures différentes, les personnes peuvent développer, dans l’ensemble, le même niveau de

SOC.

Selon la théorie d’Antonovsky (1987, 1993), le sentiment de cohérence d’une personne se

stabilise vers l’âge de 30 ans. Suite à cela, le SOC n’éprouve que des fluctuations mineures jusqu’à la retraite à moins de vivre des évènements majeurs dans le mode de vie de la personne. Eriksson et Mittlemark (2017) contredise cette théorie au sein de leur revue de la

littérature. En effet, ils affirment qu’aucune étude empirique ne vient appuyer cette théorie.

Au contraire, ils affirment que le SOC semble être stable dans le temps, mais pas autant que le supposait Antonovsky (Eriksson et Lindström, 2005 ; Holmefur et al, 2015). En effet, des études (Feldt et al, 2007 ; Nilsson et al, 2010 ; Feldt et al, 2011) montrent que le sentiment de

cohérence se développe tout au long de la vie et augmente avec l’âge (Eriksson et Lindström, 2005). Saravia et al (2014) ne trouvent aucune preuve solide affirmant que les évènements négatifs de la vie soient susceptibles de baisser le niveau de SOC atteint par un individu. Au

contraire, Eriksson et Lindström (2005) affirment que les personnes possédant d’ores et déjà

un SOC élevé à l’origine, voient ce score se stabiliser. Quant à ceux qui ont souffrent

d’évènements négatifs dans leur vie, ils pourraient avoir initialement un SOC plus faible que

ceux qui n’ayant vécu aucune évènements négatifs (Hochwälder et Forsell, 2011 ; Saravia et

al 2014). Ainsi, le SOC apparaît comme un élément protecteur en cas d’évènements négatifs

(Hochwälder et Forsell, 2011).

Si un consensus a été trouvé concernant l’effet protecteur du SOC, la structure factorielle du concept est soumise à débat aujourd’hui. En effet, la littérature semble se diviser en deux

catégories : ceux qui soutiennent la vision d’origine d’Antonovsky (Figure n°11) qui tend à

faire de son concept, un concept unidimensionnel à trois dimensions (Frenz et al, 1993 ; Flannery et al, 1994) et ceux qui, au contraire, soutiennent que le concept du sentiment de cohérence est un concept multidimensionnel constitué de dimensions différentes interagissant

entre elles (figure n°12) (Feldt et al, 2000 ; Eriksson et Lindström, 2005 ; Holmefur et al, 2015 ; Lindblad et al, 2016).

Figure n°9 : La vision originale du concept de SOC et ses trois dimensions d’Antonovsky (Source : Eriksson et Mittlemark, 2017)

Figure n°10 : Les structures factorielles multidimensionnelles du SOC-13

(Source : Feldt et al, 2000)

Cependant, la revue de la littérature opérée par Eriksson et Mittlemark (2017) semble montrer

témoignent Lindblad et al (2016) en affirmant que « l’échelle SOC reflète un facteur latent unique, bien qu'avec une structure à trois facteurs représentée par les trois composantes (modèle du second ordre) ». De fait, bien que la structure factorielle du concept reste incertaine, il semblerait que les trois dimensions interagissent entre elles de manière constante pour former un facteur commun impactant la vie de la personne, le sens de la cohérence.

L’impact du Sentiment de cohérence

L’étude de l’impact du concept de sentiment de cohérence sur la santé (Mc Sherry et Holm, 1994 ; Gana, 2001 ; Saravia et al, 2014) a été largement étudié par la littérature. De ces études, il ressort que le SOC semble jouer un rôle protecteur dans différents aspects de la

santé alors qu’il demeurera sans effets dans d’autres domaines. Hood et al (1996) démontre

que les personnes possédant un SOC élevé sont, de manière générale en meilleure santé et sont plus résilientes au stress (Eriksson et Lindström, 2006).

S’agissant de la santé subjective ou objective d’un individu, le Sentiment de cohérence agit

comme un effet médiateur entre le stress perçu et le bien être vécu. Il peut atténuer ou aggraver les réactions à un facteur de stress (Eriksson et Lindström, 2006). De manière

générale, il existe aujourd’hui des preuves concernant une forte corrélation entre santé perçue

et SOC élevé (Mc Sherry et Holm, 1994 ; Gana, 2001). Selon les résultats de ces études, plus

le SOC d’un individu est fort, plus le nombre de plaintes et de symptômes de maladies sont

faibles. A l’inverse, un individu qui possède un faible niveau de SOC aura tendance à

percevoir négativement sa santé (Nilsson et al, 2000) et aura plus de difficultés à gérer les

situations stressantes et à manquer d’anticipation (McSherry et Holm, 1994).

Des études prouvent également une bonne influence du SOC sur la santé mentale d’un

individu (Saravia et la, 2014). De fait, Eriksson et Lindström (2006) affirment que le SOC impacte de manière directe les facteurs de bonne santé mentale. Plus un individu possèdera un

SOC élevé, plus les symptômes de mauvaise santé mentale (anxiété, dépression…) ne seront

pas perçus comme importants (Mc Sherry et Holm, 1994 ; Eriksson et Lindström, 2006). A

l’inverse, le SOC étant associé au bien-être, à la qualité de vie et la sante autoévaluée, l’état de santé estimée est alors subjective et ne concerne pas la santé d’une personne estimée par une tierce personne, c’est-à-dire, qu’elle n’est pas alors mesurer par des critères objectifs (Flensborg-Madsen et al, 2005 ; Eriksson et Lindström, 2006). De fait, Bruchon-Schweitzer et

Boujut (2014) conclut que pour que le SOC prenne place à côté de protection, l’influence du

SOC sur la santé objective reste à prouver solidement.