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La notion est fréquemment utilisée mais selon quatre acceptions différentes, le plus souvent sans que les auteurs fassent référence à ses usages précédents.

• Un système collectif de déplacements lié à d’autres systèmes de flux et à d’autres

systèmes sociaux :

L’expression a été forgée par les sociologues de l’équipe de Michel Bassand (1980) à l’École Polytechnique Fédérale de Lausanne. Elle visait initialement à mettre en rapport de multiples travaux statistiques dispersés sur les diverses formes de mobilité spatiale : « les divers flux ne sont pas isolés les uns des autres mais entretiennent entre eux des rapports de causalité, de complémentarité, de subsidiarité, de substitution, d’incompatibilité, etc. Ces divers mouvements sont articulés synchroniquement et diachroniquement, au point que la modification de l’un d’entre eux entraîne des changements dans les autres. Ces divers flux forment eux- mêmes systèmes » (Brulhardt, Bassand 1981 : 506). Dans cette perspective, les auteurs analysent alors des systèmes de mobilités à des échelles territoriales emboîtées (régionale,

26C’est ce que montre bien l’histoire académique de la notion de mobilité par les sociologues Caroline

Gallez et Vincent Kaufmann (2009). Elle souligne les oppositions historiquement structurantes entre quatre formes principales de la mobilité spatiale : « interne à un bassin de vie », quotidienne pour des temporalités courtes et résidentielle pour des temporalités longues, « vers l’extérieur d’un bassin de vie » : « voyage » pour des temporalités courtes et « migration » pour des temporalités longues. Les formes de circulation (nomadisme, circulation migratoire) sont exclues de cette typologie. La notion de bassin de vie est intrinsèquement liée à cette conception emboîtée des mobilités, dont la pertinence comme catégorie d’analyse et de politiques publiques est aujourd’hui fortement remise en cause (Vanier 2008).

41 interrégionale et internationale). Il s’agit donc d’un système de mobilité spatiale. Ce système est par ailleurs mis en rapport avec les systèmes de circulation d’objets, de capitaux et d’informations, mais aussi avec les « autres [dimensions] de mobilité qui animent une société : mobilité sociale et professionnelle, mobilité dans le cycle de vie, mobilité culturelle (passage d’une culture à l’autre), mobilité des facteurs de production » (Bassand et al. 1980 : 156).

Le système de mobilité est surtout étudié empiriquement à l’échelle collective, à différentes échelles territoriales, même s’il a aussi été pensé à l’échelle individuelle, pour marquer le caractère signifiant des pratiques de mobilités dans le monde social et pour les territorialités individuelles : « un acteur ne se déplace quasiment jamais que spatialement. Son mouvement est précédé, accompagné ou suivi d’un ou de plusieurs autres types de mobilité ou sociale ou professionnelle, ou sur le cycle de vie, ou culturelle. Du point de vue de l’acteur, la mobilité spatiale implique donc un jugement sur la société et reflète sa volonté de s’y forger un rôle et une position sociale. De même la mobilité spatiale n’est qu’un aspect du mouvement et du changement d’une société » (ibid. : 156). La mobilité spatiale est donc envisagée comme une composante majeure (mais non exclusive) de la vie sociale : « la mobilité spatiale est un phénomène social total, c'est-à-dire qu'elle n'est jamais seulement un déplacement mais toujours une action au cœur de processus sociaux de fonctionnement et de changement » (Bassand, 1986 : 25). Mais cette action, ce changement d’état, peut viser aussi à limiter les changements de la vie quotidienne, par exemple en faisant de longs déplacements quotidiens ou hebdomadaires jusqu’au lieu de travail pour éviter de déménager. C’est ce que Vincent Kaufmann et Stéphanie Vincent-Geslin (2012) appellent des mobilités réversibles27.

• Un ensemble de pratiques à l’échelle de la famille ou de l’individu :

C’est seulement avec l’investigation explicite de systèmes de mobilité individuels et familiaux que se saisit leur décalage par rapport aux territoires emboîtés des États-nations, dans le domaine des migrations internationales (Cortès 1998, Diminescu 2005), du tourisme (Knafou 2000, Stock 2001), comme des études urbaines (Ascher 2000 : 202).

• Un assemblage socio-technique qui définit un réseau de transport ou de

communication ou l’ensemble des déplacements d’un espace urbain :

John Urry (2005) mobilisé, lui, la notion pour évoquer chaque mode de transport ou de communication comme un système socio-technique. C’est au fond la vision à plus fine échelle d’un usage répandu, dans le domaine du transport urbain, qui utilise la formule de système de mobilité dans une approche fonctionnelle des différents des modes de déplacement à une échelle donnée, évoquant par exemple des systèmes de mobilité urbaine. Ces deux dernières acceptions sont moins pertinentes pour l’étude de territorialités en réseau, c’est pourquoi je retiens ici la définition du système de mobilité comme un système de différentes formes de mobilité aux échelles individuelle et collective.

Ces systèmes de mobilité contribuent à dépasser les approches segmentées par forme de mobilité mais ils objectivent les pratiques de déplacement. Ils ne nous disent rien en tant que de la manière dont les mobilités sont éprouvées ni leur caractère subi ou choisi. Les inégalités associées aux mobilités ont fait l’objet de diverses préoccupations, notamment à travers la formulation d’un droit à la mobilité, considéré comme partie prenante du droit à la

27La notion de réversibilité évoquée à propos des mobilités quotidiennes diffère sensiblement de la

réversibilité migratoire précédemment évoquée, inscrite dans le temps long (Domenach, Picouet 1987).

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ville (Ascher 2005). Pour en rendre compte, l’opposition entre mobilité et immobilité relative a

été mobilisée. Les inégalités de ressources dans la mise en œuvre des mobilités ont aussi été formalisées à travers les diverses notions de capital spatial, de capital de mobilité, de motilité, voire de capital d’autochtonie (encadré 4).