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d’un lieu de pouvoir au regard de la littérature

Chapitre 3 Les défis de la mise en terrain des espaces publics aéroportuaires

Introduction

Ce chapitre vise à préciser la méthodologie et la construction des terrains telle qu’elle est opérée dans cette thèse. Elle s’articule aux divers défis que représente la mise en terrain des espaces publics aéroportuaires comme espace-temps de travail empirique de l’objet étudié. Le terrain de recherche est de plus en plus abordé non comme un champ passif qui se plie aisément au travail de recherche mais au contraire comme une expérience dans laquelle le terrain a du répondant, qui se manifeste aussi sous des formes inattendues et variables dès les premiers contacts et tout au long de l’activité de recherche (Whatmore 2002). Notamment dans l’étude des mobilités, le terrain appelle à diverses stratégies pour ne pas glisser entre les doigts (Adey 2010a). Il oblige à des ajustements entre les hypothèses de recherche, les méthodes anticipées et les pratiques de terrain. Ces relations relèvent du test d’hypothèses dans une approche hypothético-déductive et de leur infléchissement pour les tester de nouveau, mais aussi de raisonnements plus abductifs face à la découverte d’autres éléments, lorsque nous avons affaire à quelque circonstance fort curieuse, qui serait

expliquée en supposant qu’elle est un cas particulier d’une règle générale, et que nous adoptons cette supposition » (Pierce 1931 : 2.624, Besse 2009).

Convaincu que l’objectivation de la recherche passe par l’explicitation et l’analyse de son contexte de réalisation en l’absence de neutralité spontanée de l’activité de recherche, j’utiliserai ici la première personne pour exposer les choix et les pratiques méthodologiques qui l’ont guidée. Il s’agit ainsi de préciser les modalités de construction de l’objet de recherche envisagé dans une approche constructiviste comme un système adopté pour décrire et interpréter le monde (Debarbieux 2004). Comment étudier dès lors les mobilités, en tant qu’elles contribuent à construire des territorialités en réseau, par les espaces publics aéroportuaires, terrains fortement traversés par des enjeux de pouvoir ? La première partie explicite les choix des terrains et leur intérêt pour interroger ces mobilités dans une approche comparative, permettant d’envisager dans une deuxième partie la méthodologie adoptée pour leur investigation empirique. Celle-ci est conçue dans le croisement de quatre grands types de méthodes dont je préciserai les enjeux et les modalités dans lesquelles elles ont été mobilisées.

103 I – Le choix des terrains : une approche comparative pour appréhender les mobilités

Le choix d’aborder de plusieurs terrains aéroportuaires et non d’un seul s’explique par l’objectif premier d’adapter la construction des terrains aux mobilités aériennes, pour mieux replacer leur analyse à micro-échelle dans leur contexte plus large. Il s’agit d’envisager pleinement comment l’aménagement et la pratique des espaces publics aéroportuaires participe de la mise en circulation d’individus, d’objets, d’idées et de modèles d’aménagement entre aéroports et au-delà. En rapprochant les terrains, en les reliant par la comparaison, on peut ainsi d’abord d’envisager ces espaces publics dans la mobilité et ensuite seulement prêter attention aux différences existantes entre ces lieux.

Le nombre des terrains résulte d’un arbitrage entre le niveau de généralité de la recherche et la qualité du travail de terrain. La généralité de l’analyse met en jeu la robustesse, la portée de la démonstration, alors que sa validité renvoie à la qualité du travail de terrain, à l’attention aux spécificités de chaque espace-temps d’investigation. Ces deux dimensions de généralité et de qualité sont souvent présentées comme opposées. On peut considérer au contraire que la valorisation de l’ancrage "en profondeur" dans un terrain n’est pas incompatible avec la mobilité (Brachet 2009), si précisément ici le terrain est conçu comme un ensemble d’espaces publics aéroportuaires en réseau. L’articulation de trois terrains, mise en regard d’un quatrième, était un projet envisageable dans la mesure où le champ d’investigation empirique des espaces publics aéroportuaires, bien que pratiqué de façon intensive, était balisé. L’optique comparative privilégiée de montée en généralité, la proximité relative des trois terrains de l’Europe nord-ouest (plus que leur accessibilité pour la recherche, comme on le verra) et le statut particulier de Dubaï comme point d’horizon dans la comparaison ont permis sa réalisation, comme la bonne documentation existante sur le contexte d’insertion de ces terrains. Voyons dès lors plus précisément pourquoi et comment ces divers terrains ont été choisis, avant d’aborder la mise en réseau des terrains.

I – A. Des terrains de fréquentation mondiale et diversifiée

Les terrains envisagés ne constituent pas à eux seuls un objectif de recherche : ils sont particulièrement adaptés à la mise en place d’un dispositif de recherche pour interroger un large spectre de mobilités par l’étude de l’aménagement des espaces et de leurs pratiques.

I – A. 1. Des plateformes participant largement à l’archipel métropolitain mondial

Pour saisir des pratiques denses et diverses de mobilité, le choix a porté sur de vastes plateformes de correspondance généralistes, comme Roissy, Schiphol et Francfort (Horn 2010), fortement engagées dans l’archipel métropolitain mondial. Cinq points majeurs ont été considérés pour les adopter plus précisément comme terrains. Le premier d’entre eux est qu’avec Londres Heathrow, ces aéroports forment les plateformes européennes les plus fréquentées1, au point que les acteurs du monde aéronautique ont forgé l’acronyme de

1 Le nombre de passagers correspond à l’ensemble des passages de voyageurs ayant décollé ou

atterri de l’aéroport au cours de l’année. Les passagers en correspondance aérienne sont donc comptabilisés deux fois. Cette méthode de dénombrement ne doit rien au hasard et reflète la

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FLAP, valant pour Francfort, Londres (Heathrow), Amsterdam (Schiphol) et Paris (Charles-

de-Gaulle). La taille de ces aéroports contribue à prolonger l’expérience de ces lieux, pratiqués plusieurs heures en moyenne par les passagers.

Le deuxième point est l’importance des pratiques de correspondance entre deux vols dans ces aéroports qui contribue à diversifier grandement les parcours des passagers (tableau 1). Ce taux de correspondance élevé renvoie à des expériences de passage originales, qui permettent de porter un éclairage inédit sur la pratique éphémère d’un lieu et d’un territoire en connexité et non en continuité topographique. L’aéroport entre deux avions fait ainsi figure de modèle de la pratique du lieu dans la mobilité. Ces aéroports ne sont pas non plus de purs hubs de passage, empruntés presque uniquement en correspondance, comme Charlotte ou Cincinnati aux États-Unis par exemple (Derudder et al. 2007), ce qui permet de bien saisir aussi l’amarrage des aéroports aux métropoles qu’ils desservent.

Tableau 1 – Caractéristiques des passagers des aéroports choisis.

Passagers Roissy Schiphol Francfort Dubaï

En correspondance 31 % 41 % 54 % 58 %

Dont la nationalité est celle du

pays d’ancrage de l’aéroport 43 % 34 % 46 % 0,4 % En partance pour une

destination de l’Union européenne des 27

42 % 56 % 45 % 20 %2

Durée de présence moyenne en

aéroport 3 h 04 2 h 55 2 h 30 2 h 25

Dates : 2011 pour le trafic par correspondance (2010 pour Dubaï). Pour le pays d’ancrage, 2011 pour Schiphol et Roissy, février 2010 pour Dubaï et le quatrième semestre 2008 pour Francfort. Pour l’UE : mêmes années sauf pour Francfort (2011) et Dubaï (2012). Pour la durée : 2011 pour Roissy et Schiphol, 2010 pour Francfort et Dubaï

Source : J.-B. Frétigny 2013 d’après documents institutionnels de Fraport (2012), Schiphol Group (2012), JCDecaux 2013, ASQ 2008, Fraport 2011, Dubai Airports 2013 et traitement de l’enquête de fréquentation de Dubaï 2010.

Un troisième point est le degré de métropolisation des espaces urbains desservis par chaque aéroport, qui être envisagé comme un indice de la diversité des formes de mobilités aériennes qui les traversent (touristiques, de travail, migratoires, etc.). Londres et Paris sont souvent considérées dans la littérature comme des métropoles complètes (Cattan et al. 1999, Halbert et al. 2012). Amsterdam et Francfort entretiennent des relations un peu moins diversifiées, notamment Francfort, à plus faible fréquentation touristique, quoique plus importante qu’on ne le pense souvent. Paris semblait s’imposer comme Amsterdam pour ces raisons. Le choix de Londres Heathrow ou de Francfort était moins évident : Heathrow participe d’un large processus de métropolisation mais relève aussi d’un pays dont les aéroports ont été particulièrement étudiés par la littérature à la différence de Francfort. Le refus d’autorisation de BAA, exploitant l’aéroport d’Heathrow, a résolu cette hésitation et cristallisé le choix de Francfort. A posteriori, il est aisé de souligner les intérêts de Francfort.

préoccupation financière des exploitants d’aéroport, qui prélèvent les taxes d’aéroport au décollage

comme à l’atterrissage. Les passagers en correspondance sont d’un intérêt économique tout particulier pour les exploitants que reflète leur mode de comptage.

2 Soit davantage qu’à destination des pays du Conseil de coopération du Golfe, les six

105 Certes la métropolisation y est plus spécialisée, mais les destinations de l’aéroport sont particulièrement nombreuses par rapport à Heathrow. Au nombre de 370 en janvier 2010 pour les destinations régulières, elles sont 20 % plus importantes qu’à l’aéroport de la capitale britannique, en raison de la spécialisation du trafic aérien au sein d’un système multi-aéroportuaire londonien très développé. En outre, la pratique de la correspondance est à la fois plus fréquente et plus ancienne à Francfort3, diversifiant les populations en présence, ce qui s’avère bien particulièrement intéressant dans l’optique de la thèse.

Un quatrième point est l’importance des passagers internationaux qui pratiquent ces aéroports. Ces aéroports sont non seulement parmi les tout premiers au Monde en nombre de passagers internationaux (tableau 2). Cette internationalité est certes étroitement liée par la finesse du maillage étatique en Europe, mais elle n’en est pas moins l’indice d’une réelle diversité des mobilités, notamment par opposition aux hubs étatsuniens, au point que les passagers du pays d’inscription de l’aéroport sont minoritaires parmi les voyageurs de chacun des aéroports étudiés (tableau 1).

Enfin, un cinquième point, lié au précédent est la variété des échelles de portée de ces hubs. Ces aéroports sont tout particulièrement consacrés à la facilitation de correspondances entre des vols long-courrier et moyen-courrier (ou court-courrier), ce qui implique des mobilités au sein d’une gamme particulièrement large d’échelles spatiales. Cette spécificité des hubs européens les oppose aux grands hubs nord-américains, du Moyen-Orient et d’Asie orientale.

Tableau 2 – Les six premiers aéroports mondiaux en nombre de passagers internationaux en 2011.

Rang mondial Aéroport Nombre de passagers internationaux en 2011 (en millions) Nombre de passagers totaux en 2012 (en millions) 1. Londres Heathrow 64,7 70

2. Paris Roissy Charles-De-Gaulle 55, 7 61,6

3. Hong Kong International 52,7 56,1

4. Dubai International 50,2 57,7

5. Amsterdam Schiphol 49,7 51

6. Francfort-sur-le-Main 49,5 57,5

Source : J.-B. Frétigny 2013, d’après les données du Conseil international des aéroports (ACI 2013).

Or en captant une part croissante de passagers jusque là en correspondance au sein des hubs européens, Dubaï s’insère de plus en plus dans le réseau des aéroports européens. Le développement de liaisons directes des aéroports de villes secondaires européennes en direction de Dubaï facilite notamment le court-circuitage des hubs européens pour des liaisons en direction de l’Asie orientale et de l’Australasie (Vespermann

et al. 2008).

C’est cette insertion progressive mais tangible qui m’a fortement incité à l’inclure comme terrain et constitue tout l’intérêt de son étude : pas moins d’un passager sur cinq y est partance pour un des pays de l’Union européenne des 27, soit davantage que vers

3 Dès 1972 le taux de correspondance des passagers oscillait entre 30 et 50 % (Müller 1972),

106 autres pays du Conseil de coopération du Golfe. En outre, les divers critères pour apprécier la diversité des mobilités sont bien remplis à Dubaï. Certes, la métropolisation n’y est pas aussi diversifiée en termes d’activités, en raison de la faiblesse des activités de recherche et de développement, d’éducation et de culture (Lavergne 2002, Marchal 2001), mais du point de vue de l’importance de ses activités informelles et surtout de ces populations migrantes, Dubaï est d’un intérêt particulier. De plus, si le hub d’Emirates est axé sur des relations de long-courrier à long-courrier principalement, les relations à l’échelle macro-régionale par d’autres compagnies aériennes y sont importantes, notamment en raison de l’importance des mobilités transnationales au sein du Golfe arabo-persique (Lavergne 2003).

En outre, le contexte métropolitain des aéroports, des acteurs et de leurs mobilités, de l’échelle régionale du territoire d’ancrage de l’aéroport à de plus vastes échelles, a fait l’objet de multiples travaux et en facilite grandement la compréhension, qu’il s’agisse de Paris (Saint-Julien, Le Goix 2007 ; Subra 2012 ; Orfeuil, Wiel 2012 ; Fagnoni, Gravari-Barbas 2013), Amsterdam et la Randstad (Boyer 1999, Taylor 2002, Rezelman 2004, Chapuis 2012), Francfort et la région Rhin-Main (Monstadt et al. 2012 ; Keil 2011 ; Felzenshtain et al. 2002 ; Esser, Schamp 2001) ou même, dans une certaine mesure, Dubaï (Elsheshtawy 2010 ; Wirth, Battegay 2002 ; Davis 2007 ; Scharfenort 2009 ; Kanna 2011). En soulignant l’intensité du processus de métropolisation travaillant ces espaces, ils soulignent aussi tout l’intérêt d’aborder les mobilités associées au prisme des aéroports

I – A. 2. Des lieux partie intégrante des processus intenses de métropolisation de Paris, d’Amsterdam, de Francfort et de Dubaï

L’intérêt des plateformes choisies tient notamment à la forte diversité des mobilités à large échelle qui les anime, marquant des positionnements différenciés dans la circulation. La situation de Paris dans ces circulations est la plus soulignée, sans véritable dominante. Même si elle reste la première destination mondiale du tourisme au sens très large du terme (Simon 2010), cette position renvoie de fait aussi à de nombreuses mobilités d’affaires, de congrès, au-delà du tourisme stricto sensu (Halbert et al. 2012).

Bankfurt ou Mainhattan, Francfort est quant à elle d’abord liée aux mobilités

d’affaires. Principale place financière allemande, elle concentre le siège de la banque centrale européenne, de la principale bourse du pays comme ses principales banques, mais aussi le siège social allemand de nombreuses grandes entreprises, Francfort est fortement arrimée dans l’archipel métropolitain mondial par les mobilités liées aux services avancés

aux entreprises, en étroite relation avec Londres notamment (Pain 2008b). Mais la ville est

aussi un centre majeur de congrès et de salons, c’est la principale Messestadt allemande, la ville des foires, auxquelles un vaste quartier de la ville est consacré : le salon automobile biannuel, organisé en alternance avec celui de Paris, en est emblématique, comme sa foire aux livres.

Francfort est aussi engagée dans d’importantes mobilités proprement touristiques, liées notamment à sa rive des musées qui concentrent d’importants musées et à sa forte accessibilité. Les mobilités d’affaires, de congrès mais aussi touristiques expliquent que Francfort apparaisse comme la troisième ville allemande en nombre de nuitées d’étrangers en 2011 selon Destatis, l’Institut statistique national allemand, alors qu’elle est seulement la cinquième ville la plus peuplée d’Allemagne, avec près de 700 000 habitants. Ces diverses mobilités métropolitaines sont liées aussi aux autres centres de l’espace métropolitain polycentrique Rhin-Main, de près de 5,5 millions d’habitants, puissante conurbation qui reste

107 peu intégrée sur le plan politique (Monstadt et al. 2012). Wiesbaden, Mayence et Darmstadt contribuent à animer les mobilités touristiques, universitaires, de recherche et de développement de la métropole francfortoise. La ville participe puissamment à diverses formes de circulation migratoire, comme le suggère le fait que près d’un quart de sa population de la ville de Francfort est de nationalité étrangère4, au regard des statistiques communales de 2011. C’est aussi une ville majeure de militantisme intellectuel, emblématisé par l’Ecole de Francfort, et politique, notamment de mouvements politiques altermondialistes. Ceux-ci suscitent des mobilités originales à l’échelle de l’Allemagne, de l’Europe (notamment en raison de la banque centrale européenne) et du monde.

L’image d’Amsterdam est d’abord liée aux mobilités touristiques qui l’érigent en haut- lieu de pratique du tourisme mondial (Chapuis 2012). Mais la plus petite des grandes

métropoles (Boyer 1999), dont l’aire urbaine rassemble 1,5 million d’habitants, est largement

engagée dans des mobilités de travail, lié à l’arrière-monde largement déployé de la métropole, en direction de la dorsale européenne, de l’Asie pacifique et de l’Amérique du nord (Taylor 2002). C’est aussi une gateway city migratoire majeure, cosmopolite et multiculturelle, tout en étant sujette à diverses tensions (Favell 2008, Bodaar 2008).

La métropolisation amstellodamoise participe plus largement d’un plus vaste plexus urbain, la Ranstad, ou ville de bordure, déployé d’Amsterdam à Rotterdam et Utrecht en passant par La Hague, de près de 7,5 millions d’habitants, soit près de 40 % de la population néerlandaise. Il comprend ainsi les deux main ports de Schiphol et de Rotterdam, qui résument à eux seuls l’intensité de la participation aux échanges à large échelle de cet ensemble. La Ransdstad a notamment été identifiée à l’occasion des réflexions aménagistes sur l’aéroport de Schiphol. La paternité du terme de Randstad est en effet attribuée à Albert Plesman, fondateur de la compagnie aérienne KLM, qui souhaitait alors sanctuariser le cœur

vert de la Ranstad en déplaçant l’aéroport d’Amsterdam. Comme pour Francfort, les

dynamiques spontanées d’intégration régionale ne sont pas suivies d’une véritable intégration politique (Rezelman 2004). La Randstad reste surtout un objet de planification et une arène d’interactions entre acteurs.

Dubaï de son côté participe tout particulièrement à des mobilités liées au commerce, favorisées par la force des réseaux de négociants reliant historiquement Dubaï aux autres États bordiers du Golfe Persique, qui a valu à Dubaï son surnom de Hong Kong de l’Iran, mais aussi à la côte ouest de l’Inde, notamment à Mumbai et au Gujarat, à l’est de la Méditerranée et à l’Afrique subsaharienne et tout en se déployant désormais à bien plus large échelle Les multiples zones franches qui constellent l’émirat, à commencer par la

Dubai Airport Free Zone, contribuent à leur essor, comme les incertitudes qui pèsent sur les

pays environnants favorisent l’implantation à Dubaï des sièges. Ces mobilités et ces échanges reposent sur de multiples échanges formels mais aussi fortement informels, les

mille trafics de Dubaï (Marchal 2001) dans une région aux multiples conflits qui les rend

particulièrement rentables, et au-delà, par le commerce à la valise notamment en liaison avec l’Afrique, l’Asie centrale et l’Europe orientale (Davidson 2008, Tarrius 2007), au point que Dubaï a été qualifié de supermarché des pauvres (Lavergne 2009) pour ces mobilités d’achalandage.

4 Certains de ces nationaux sont nés en Allemagne et ne sont pas des migrants, mais le taux élevé

108 Par une remontée des filières économiques volontariste, les acteurs métropolitains de Dubaï ont ainsi diversifié la fréquentation de la ville dubaïote en direction des mobilités liées aux affaires et aux investissements dans le Golfe Persique, mais aussi de congrès et les mobilités touristiques, liées au marketing territorial très important qui vise à alimenter une

économie de la fascination (Schmid 2009). Les mobilités touristiques viennent notamment

des pays de la région, pour lesquels Dubaï apparaît comme un espace-temps de relâchement des normes de comportement, mais aussi depuis l’Asie centrale et l’Europe, auxquelles répondent a contrario les mobilités touristiques estivales des emiratis en direction de l’Europe de l’Ouest notamment, en particulier du Royaume-Uni. C’est plus généralement un lieu de séjour temporaire, comme ville plaque-tournante vers les pays de la région.

Mais surtout, Dubaï est une ville migrante d’une intensité rare, composée au moins de 90 % d’étrangers, dont près des deux-tiers de nationalité indienne ou pakistanaise, notamment en raison de son urbanisation récente. Elle compterait trois fois plus d’hommes que de femmes selon les statistiques officielles de 2007, soulignant ainsi la force des logiques migratoires. Largement partie prenante des systèmes migratoires du Golfe Persique, de plus en plus tournés vers l’Asie (Lavergne 2003), la portée de son arrière- monde migratoire est de plus en plus élargie, non sans inégalités très fortes traversant de cette mosaïque urbaine de populations de près de 2,5 millions d’habitants (Syed 2010, Scharfenort 2009) débordant sur l’émirat de Sharjah et d’Adjman. Les mobilités liées à Dubaï sont aussi en partie liée à Abu Dhabi, malgré la concurrence persistante des deux émirats, notamment par compagnies aériennes interposées. Contrairement aux métropoles évoquées, Dubaï ne dispose pas véritablement d’arrière-pays immédiat et contigu, sa