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d’un lieu de pouvoir au regard de la littérature

Encadré 3 Les normes de pratique de la photographie à l’aéroport

Du point de vue de la norme, les aéroports entretiennent un rapport ambigu avec la photographie, massivement pratiquée par les passagers comme on le verra, mais aussi régulièrement contrôlée et interdite, la pratique dépassant parfois la règle écrite. Cette situation est le sort de multiples nouveaux espaces publics tels que les centres commerciaux, mais avec la préoccupation de sûreté en plus, qui se mêle aux préoccupations d’image commerciale des gestionnaires d’aéroports ou des compagnies. Les agents font régulièrement preuve d’un usage large de la réglementation, qui, à Roissy par exemple, dans les halls des aérogares, restreint théoriquement seulement l’usage de photographies privées en direction de la zone réservée aux passagers (arrêté préfectoral n° 05-4979 du 7 novembre 2005).

Une interaction parmi d’autres, liée aux repérages de terrain, lors des perturbations liées au nuage volcanique, illustre bien le mélange des registres sécuritaire et commerciaux dans la limitation des prises de vue. Elle a été occasionnée par la prise de vue d’un espace d’enregistrement pour charter au sous-sol du terminal 2C, dont l’une des tapis roulants était démonté en vue de futures réparations, soulignant la technicité de ces espaces :

Monsieur, s’il-vous-plait : on n’a pas le droit de photographier ici. Vous êtes passager ? Je peux voir votre billet ? Je vous ai pris en flagrant délit ! Je vous ai pris en flagrant délit ! Vous pourriez être

134 embarqué par la police, j’appelle la police. Qui me dit que vous n’êtes pas journaliste ? […]

[Renonçant à appeler la police] vous devez supprimer votre photo tout de suite.

Pourquoi n’a-t-on pas le droit ? Je ne peux pas vous le dire, c’est couvert par le secret professionnel.

(carnet de recherche, Roissy, 20 avril 2010, terminal 2C).

Dans les photographies sélectionnées ici, j’ai préféré ne pas masquer les regards parfois appuyés des passagers lors des prises de vue, interloqués ou de complicité, qui signalaient l’intensité des jeux de regards et l’attention fine du public aux diverses actions dans l’espace aéroportuaire, contrairement au discours sur l’a-socialité des lieux de mobilité. Comme pour le carnet de recherche, dont elles constituent à certains égards un prolongement, les photographies étaient annotées après chaque journée de terrain sur ordinateur. Une opération de codage par mots-clés, aisée dans les explorateurs informatiques de dossiers d’images, permettait de les géo-référencer par aéroport, terminal, type de d’espace (départ, arrivée, zone réservée, Schengen ou Schengen, salon, etc.), et de les classer par registre de pratiques et de mobilités ou par autres thèmes. La recherche par mots-clés des 8 000 photographies permettait ainsi leur analyse directe par planches sur les espaces ou les thèmes interrogés.

II – A. 2 – Une observation directe mais aussi participante

Le caractère participant de l’observation à l’aéroport a de quoi surprendre. Cette surprise renvoie aux origines de la méthode d’observation participante. Elle a d’abord été conçue dans un cadre ethnographique, pour des sociétés lointaines de forte altérité, avant d’être mobilisée pour les groupes sociaux de l’ici, en sociologie, en anthropologie puis en géographie dans une perspective semblable. Dans les représentations en vigueur, elle reste encore étroitement associée à des communautés stables où la mobilité n’est guère envisagée. Pourtant, même les lieux les plus marqués par les mobilités requièrent une forme de participation a minima. C’est ce qui en fait de véritables lieux, faits de relations, même si celles-ci passent le plus souvent par le respect d’une certaine discrétion et de l’anonymat, d’une inattention civile. Il est des plus utiles – et attendu des gestionnaires – de se plier aux normes communément admises dans ces espaces par les populations qui les emprunte : respecter une certaine forme de discrétion, d’inattention civile et les règles les plus importantes du fonctionnement de l’aéroport, à commencer par celles de la sûreté. Tout écart à ces normes de participation a minima occasionne de multiples jeux de regards et d’interactions avec le public ou les agents, qui rappellent le sens et la force de cette norme dans l’espace aéroportuaire. Il est donc essentiel d’envisager aussi pour ces objets aux collectifs de passagers éphémères la forme d’observation comme participante, parce qu’on modifie la situation observée (Kearns 2010), mais aussi parce que l’investigation est adaptée en conséquence. En l’occurrence, je participais bien aussi à l’aéroport en tant qu’agent, le badge obligatoirement visible en zone réservée, empruntant les circuits associés et redevable des règles qui sont imposées à ces acteurs, quand bien même mon rôle parallèle de chercheur était spécifique. Cette observation participante en tant qu’agent m’a été fort utile pour réaliser les entretiens informels avec les agents et saisir la spécificité des parcours des passagers à micro-échelle dans l’aéroport au regard de ceux des agents (encadré 4). C’est dans la seule zone publique de l’aéroport que je pouvais adopter une large panoplie de rôles, avec la possibilité d’ôter ou non le badge et passer pour un agent, pour faciliter la

135 discussion avec ces acteurs, de proche attendant des passagers aux arrivées, pour me fondre au milieu d’eux, ou de passager en partance aux départs pour les mêmes raisons.

Divers degrés de participation dans les activités observées sont classiquement distingués, de l’observateur complet au pur participant, en passant par les statuts intermédiaires d’observateur participant et de participant observateur (Gold 1958). Certaines méthodes mobilisables à l’aéroport sont plus proches de l’observateur complet : l’analyse des vidéos des nombreuses caméras de surveillance ou la filature de passagers anonymes

22 Intérêt d’ordre personnel mais aussi professionnel : de faux objectifs photographiques sont

susceptibles de contenir des objets dangereux en cabine (Lucchesi 2011), ce qui explique que l’appareil ait fait régulièrement l’objet d’investigations particulières de la part des agents de sûreté.

Encadré 4 – Participer à l’aéroport en tant qu’agent : un rôle clé du terrain

Si je savais qu’il me faudrait décrocher le précieux sésame pour enquêter à l’aéroport, j’étais loin d’imaginer que ce badge allait m’accorder la possibilité d’être assimilé à un agent parmi les agents dans le monde aéroportuaire, facilitant grandement le contact avec eux. Cette catégorie d’agent, de salarié ou d’employé de l’aéroport, m’a été assignée dès le premier contrôle, au premier jour de l’enquête :

Premier passage en zone réservée aux passagers. J’opte pour la zone hors Schengen du terminal 3, d’où part un vol pour La Mecque. Le badge au cou, je le présente au police en faction au poste de contrôle, sans le détacher, comme j’ai vu faire les autres agents. Il opine silencieusement de la tête, me faisant signe de passer. J’arrive immédiatement au contrôle de sûreté et me rappelle qu’il n’y a pas de file spéciale pour les agents et les équipages : le terminal est de taille modeste. J’attends patiemment mon tour au milieu des passagers : c’est l’occasion de faire un peu d’observation. […] Lorsque vient mon tour, l’agente de sûreté chargée de préparer les individus au contrôle s’étonne de mon passage :

« Pourquoi avez-vous attendu alors que vous êtes ADP ? La prochaine fois vous viendrez vous adresser directement à moi [sans attendre] ! »

Formellement, le badge que je porte est délivré à un employé d’une unité de recherche dépendant du CNRS et dont l’acronyme s’affiche sur l’écran à chaque contrôle de badge, à côté de ma photo d’identité et de mes nom et prénoms. L’unité de recherche s’est vue délivrer une autorisation d’activité sur la plateforme par Aéroports de Paris, comme les multiples entreprises ou institutions très variées de l’aéroport. C’est le fait d’être badgé par ADP qui prime. Je comprends qu’aux yeux de cette agente, je fais d’abord partie du collectif des agents : je suis ADP et à ce titre, lié par des pratiques et des espaces singuliers à cette communauté bien plus qu’aux passagers. (Carnet de recherche, Roissy, mercredi 1er novembre 2010, 9 h)

Malgré l’absence d’uniforme, les agents m’ont ainsi assimilé à l’un des leurs, la fréquente proximité d’âge rendant mon statut plus évident et facilitant aussi le contact : la moyenne d’âge des agents est basse, de l’ordre d’une trentaine d’années. Si à Roissy l’acronyme CNRS ne m’attirait aucune remarque aux contrôles de sûreté, où les agents voient passer de multiples noms d’entreprises, ni le sigle Schiphol Group à Amsterdam, celui accolé au nom du gestionnaire d’aéroport à Francfort : UKM, attisait fréquemment la curiosité des agents de sûreté, dont l’entreprise est sous-traitante du gestionnaire. Je me suis mis en quête de la signification de l’acronyme pour pouvoir faciliter nos relations d’autant que ce code rendait des plus plausibles la présence à l’écran du scan d’un appareil-photo, qui suscitait souvent l’intérêt des agents22 : UKM renvoie en effet au département de communication de l’entreprise Fraport AG (Unternehmenskommunikation).

136 lors de leur parcours à l’aéroport. L’utilisation des vidéos me paraissait difficile à mettre en œuvre et quelques essais chronophages et laborieux de filature à Roissy m’ont convaincu d’abandonner cette méthode behaviouriste. Accompagner des individus dans leur parcours à travers les multiples étapes de l’aéroport m’a permis bien davantage d’accéder au monde de l’enquêté et à ses pratiques de mobilité. A contrario, je n’étais pas bien sûr constamment engagé dans des activités collectives, la civilité de ces espaces consistant précisément à ménager à chacun la possibilité de développer ses activités dans une certaine discrétion. Mon statut s’apparentait donc plutôt à celui d’un observateur participant, confronté à une grande diversité d’individus, y compris parmi les agents. Néanmoins, j’ai disposé pour chaque plateforme d’interlocuteurs privilégiés, d’informateurs, qui m’ont permis aussi d’entretenir aussi des interactions de terrain sur la longue durée.

L’observation plus proprement participative concerne l’observation liée au déroulement des entretiens, juste avant, pendant et juste après l’entretien avec les passagers. Mais il concerne aussi les accompagnements avec les passagers. Au-delà de l’instantané de la photographie, de nombreux travaux soulignent l’intérêt d’utiliser des technologies plus récentes et notamment l’image mobile, la vidéo pour saisir la mobilité notamment dans cette perspective (Laurier 2005 ; Cresswell, Dixon 2002 ; Spinney 2008). J’avais pu mesurer tout l’intérêt à l’occasion d’un séjour d’un an à l’Université d’Edimbourg comme lecteur de français. La mise en place de cette recherche permet cependant de montrer les limites pratiques de certaines de ces méthodes pour certains lieux de mobilité et les spécificités des terrains associés. Le projet initial de la thèse prévoyait d’adapter une méthode de caméra embarquée pour accompagner les passagers au départ dans leur parcours aéroportuaire, voire de mesurer en parallèle leur rythme cardiaque. Mais deux facteurs m’ont conduit à abandonner cette méthode. J’ai d’abord acquis la conviction, au cours des observations préalables du terrain que les procédures aéroportuaires absorbaient une telle attention de la part des passagers que rajouter une caméra dans ce parcours aurait été massivement perçu comme un motif de stress supplémentaire et comme une exacerbation du dispositif de contrôle dans l’aéroport, freinant une part importante des passagers et infléchissant leur discours. La caméra est souvent vite oubliée dans des lieux moins contrôlés (Laurier, Philo 2006 ; Collignon 2013), mais elle acquiert une signification toute autre dans un lieu de pouvoir comme l’aéroport. Comme cette méthode constituait déjà un frein dans les négociations d’accès au terrain à Roissy, j’ai opté pour ces deux raisons pour un changement de méthode.

Une autre piste envisagée était de mettre en place un système d’information géographique participatif (Ricketts Hein et al. 2008), dans lequel les passagers, munis d’un traceur GPS, noteraient leurs activités ou prendraient des photographies au cours de leur parcours aéroportuaire. Les parcours et les photographies auraient été géoréférencés et donc comparables d’une personne mobile à l’autre. Mais les essais de GPS ont montré que le signal se diffractait dans les vastes aérogares, rendant son exploitation impossible. De plus, prendre en photographie l’aéroport n’est pas toujours une démarche facilement pratiquée par les passagers, absorbés dans leurs pratiques. De plus leur prise de vue en aérogare pouvait être limitée, voire s’avérer génératrice de difficultés pour eux-mêmes dans le dispositif sécuritaire. L’entreprise était donc là aussi à exclure. Il existe des possibilités de participation des passagers à la réflexion sur les lieux de mobilité comme le montrent les installations artistiques disposées par des étudiants d’architecture dans la zone publique des aérogares de Toulouse et Munich, favorisant la réflexion et l’appropriation des aéroports comme espaces publics (Estevez 2012, Urlberger et al. 2012), mais je souhaitais aborder les

137 mobilités des passagers eux-mêmes. A la fin des entretiens exploratoires à Roissy, j’ai aussi écarté une troisième piste qui consistait à demander aux passagers l’envoi par courriel de documents complémentaires à l’entretien produits par eux-mêmes : un court texte sur leur expérience des aéroports ou quelques photographies liées à l’aéroport d’arrivée. Le faible taux de retour confirmait combien les passagers sont engagés dans le déploiement de leur mobilité. Même s’il me paraît aujourd’hui difficile qu’il en fût autrement, l’entreprise valait la peine d’être tentée.

En revanche, il m’a été possible d’accompagner un cinquième des passagers enquêtés le long d’une partie ou de la totalité de leur parcours aéroportuaire, pour saisir finement comment ils performaient leur rôle de passagers. Certains de ces accompagnements précédaient l’entretien, d’autres au contraire le prolongeaient. Initialement, cet accompagnement est spontané : il s’agit d’achever l’entretien en se dirigeant vers la porte d’embarquement. J’enregistre, le micro placé sur une chemise en carton. Le mode dictaphone filtre efficacement le son ambiant. Après l’entretien, je note de mémoire le parcours et les principales pratiques observées. Ces notes et les propos retranscrits un éclairage complémentaire précieux sur la mobilité des passagers à micro-échelle. Les accompagnements se situent en partie dans le prolongement de la méthode des parcours commentés (Thibaud 2001), mais sans en adopter le système notationnel lourd, l’attention à la perception de l’environnement, le filmage souvent associé et les entretiens de commentaire a posteriori, ni surtout la focalisation sur un parcours du quotidien choisi par l’habitant. Ils étaient plus proches de la méthode voisine des itinéraires (Petiteau et al. 2001), qui a l’intérêt de souligner la sociabilité dans les espaces de mobilité, même si ses applications se sont surtout focalisées sur l’orientation ou les rondes d’agents en gare du Nord par exemple (Bayart 1999, Levy 2001) souvent dans des approches plus centrées sur la perception que sur les représentations. Les méthodes anglophones de go along ont aussi été utiles (Ingold, Vergunst 2008) pour étudier ces pratiques cheminatoires (Augoyard 1979). Cette double méthode d’observation, directe et participante, permet ainsi d’accéder à un matériau fortement complémentaire des discours des acteurs institutionnels.

II – B. Les entretiens et les visites avec les acteurs institutionnels

Ces rencontres d’acteurs institutionnels ont été envisagées selon deux méthodes (tableau 5), sous forme d’entretiens statiques d’un côté et dans le cadre de visites de l’autre. De nombreux entretiens avec les acteurs institutionnels se sont déroulés sur le mode formel, convenu d’avance, avec enregistrement ou prise de notes dense in vivo alternant prise de notes et recueil de citations (annexe B). D’autres entretiens informels, souvent brefs mais précieux, ont aussi été mémorisés et pris en note immédiatement après. Il m’a souvent été plus facile d’obtenir des entretiens formels avec les responsables qu’avec les agents, en raison de consignes très fermes de confidentialité commerciale ou de sécurité de l’activité que ces agents se voient souvent imposés. C’est donc davantage par des entretiens informels que j’ai pu saisir l’expérience des agents et des responsables engagés dans les activités de service au sein des espaces publics aéroportuaires, qualifiées par ces acteurs d’activités d’exploitation ou d’activités sur le terrain. L’objectif des entretiens auprès des acteurs institutionnels, agents et responsables, était de mieux identifier leur action au sein des espaces publics aéroportuaires, les représentations qu’ils se faisaient de ces lieux et des mobilités, ainsi que les catégories et les savoirs-faires mis en œuvre à ce sujet dans leur

138 travail quotidien. Un canevas de thèmes, adapté ensuite à chaque acteur, m’a permis de m’assurer de la comparabilité des entretiens formels (annexe C).

Les acteurs institutionnels intervenant dans ces espaces sont extrêmement nombreux, mais tous ne sont pas concernés avec la même intensité par la connaissance des populations de passagers, la conception et le fonctionnement des espaces aéroportuaires qui leur sont consacrés. Les gestionnaires d’aéroport et des compagnies aériennes rencontrés sont d’abord des responsables de la stratégie, des services de marketing, d’enquête et de statistiques, comme de la conception des infrastructures et de leur mise en œuvre opérationnelle, de la gestion des processus en aérogare, qui renvoient à des intitulés variables selon les organisations. Ils ont en charge la conception et la régulation des espaces commerciaux ou d’autres services développées pour les publics aéroportuaires, ou encore la publicité. Tous se sont en effet révélés attentifs au contexte de mobilité à large échelle des passagers et ont été considérés comme plus particulièrement importants pour la comparaison.

Tableau 5 – Entretiens formels et visites avec les acteurs institutionnels.

Méthodes Modalités de recueil Nombre d’entretiens

Entretiens formels

Types d’acteurs rencontrés

Gestionnaires d’aéroport : 16 Compagnies aériennes : 12

Acteurs privés en relation de sous-traitance (conception des terminaux, sûreté, commerce

et publicité) : 7

Puissance publique et acteurs para-publics (douane, aviation civile, chambre de

commerce) : 3

Acteurs de la société civile et des organisations non gouvernementales : 2

49 acteurs rencontrés par terrain, ou intervenant à plus large échelle, liés à

plusieurs aéroports

Roissy Schiphol Francfort Dubaï Plusieurs

16 4 8 8 4

Visites

9 directement avec les acteurs (gestionnaire d’aéroport, compagnie

aérienne et aux autres acteurs) 4 1 3 1 /

3 dans le cadre de tours de l’aéroport

organisés pour les visiteurs 1 1 1 0 /

Source : J.-B. Frétigny 2013.

Le choix d’entretien formel avec les autres acteurs a dépendu de trois critères. La sélection a porté sur leur pertinence par rapport aux enjeux de mobilités mais aussi du système d’acteurs aéroportuaires local, assez variable pour chaque plateforme. Elle a aussi été guidée par les refus ou les impossibilités mais aussi par les occasions d’entretien qui se sont révélées localement particulièrement intéressantes. Certains des acteurs choisis n’ont pas d’équivalent dans d’autres aéroports, comme l’association sociale chrétienne d’aide aux passagers en difficulté à Francfort, et se sont révélés particulièrement précieux pour l’analyse. D’autres agissent à une échelle qui dépasse celle d’un terrain, comme pour le concepteur de produits de boutiques hors-taxes de L’Oréal Paris, qui a été aiguillé sur les quatre terrains à la fois, ou le responsable de la programmation d’ADP Ingénierie, dont le discours a été orienté à la fois sur Roissy et sur Dubaï. Pour ces acteurs, la comparaison d’aéroport à aéroport n’a donc pas été systématiquement menée, assumant l’intensité variable de travail de chaque terrain et la diversité d’éclairages qu’ils pouvaient offrir pour un même objet. Pour réaliser ou non des entretiens formels avec ces acteurs, l’existence ou

139 non de travaux académiques ou de matériaux exploitables à ce sujet a été le dernier critère discriminant. Les études académiques, rapports administratifs, ouvrages autobiographiques ou documents médiatiques sont particulièrement importants à propos du rôle des architectes d’aéroports (Roseau 2012 ; Andreu 1996, 1998), des agents de sûreté (Lucchesi 2011, Albertini 2011, Béliveau-Verville 2009), des policiers aux frontières (Souid 2010, Iserte 2008) ou encore des prêtres, les rabbins et imams comme les médecins qui y officient, très souvent interrogés (Azouvi 2012 ; 3Sat 2012). D’autres acteurs se sont révélés sans véritable rôle dans l’aménagement et le fonctionnement des espaces aéroportuaires, comme les associations d’usagers des transports et n’ont donc pas fait l’objet d’entretiens formalisés. J’ai choisi enfin de réaliser moins d’entretiens formels avec les acteurs institutionnels de Schiphol car la littérature est particulièrement dense sur ce terrain à ce propos.

Pour obtenir et mener à bien les entretiens, j’ai pu m’appuyer sur la littérature méthodologique importante à ce sujet, même si elle tend à privilégier davantage les entretiens compréhensifs que les entretiens avec les décideurs (Beaud, Weber 2003 ;