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Sections efficaces d’interaction des photons d’ultra haute énergie dans l’atmosphère

3.1 Les gerbes électromagnétiques

3.1.2 Sections efficaces d’interaction des photons d’ultra haute énergie dans l’atmosphère

La figure 3.1 présente la section efficace des différentes interactions des photons avec des atomes de carbone (Z = 6) et de plomb qui ont été étudiées sur accélérateurs [58]. L’atmosphère étant principalement composée d’atomes d’azote (Z = 7) et d’atomes d’oxygène (Z = 8), les interactions des photons dans l’air sont proches de celles observées dans le carbone.

A partir de 100 GeV, la section efficace totale d’interaction, nettement dominée par la production de paire avec les noyaux et les électrons du milieu, est pratiquement constante (autour de quelques centaines de mb). En supposant qu’il en est de même aux énergies extrêmes, un photon d’ultra haute énergie entrant dans l’atmo- sphère interagira donc préférentiellement par création de paire et déclenchera une cascade électromagnétique comme décrit dans le paragraphe précédent.

3.1. LES GERBES ÉLECTROMAGNÉTIQUES 59

FIG. 3.1 : Section efficace totale d’interaction des photons avec un atome de carbone (à gauche) et un atome

de plomb (à droite) en fonction de l’énergie du photon [58] :

– σp.e.= Interaction atomique (Éjection d’électron, absorption du photon)

– σcoherent = Diffusion cohérente (diffusion Rayleigh)

– σincoh = Diffusion incohérente (diffusion Compton sur un électron)

– κn= Production de paire avec le noyau

– κe= Production de paire avec les électrons

– σnuc= Absorption photo-nucléaire (le plus souvent suivit par l’émission d’une particule (neutron, proton))

Cependant, la section efficace des interactions photo-nucléaires n’a, à ce jour, jamais été étudiée au dessus de quelques dizaines de TeV. Elle est donc obtenue par extrapolation sur plus de 6 ordres de grandeur des me- sures réalisées sur les collisionneurs protons-électrons (ex. expérience ZEUS sur l’accélérateur HERA [59] et H1 sur DESY Hamburg). Il existe différentes extrapolations et également différents modèles faisant intervenir une "nouvelle physique" qui estiment cette section efficace aux énergies extrêmes. La figure 3.2 présente trois ajustements possibles : la section efficace σP DG décrite dans le PDG [55], σmod[60] obtenue par une autre

extrapolation et la section efficace σextr[61] obtenue par ajustement d’un modèle exotique sur les données de

basse énergie. Ce dernier modèle fait intervenir des Pomerons dans l’interaction photon-proton qui augmentent fortement la section efficace d’interaction.

La valeur de la section efficace des interactions photo-nucléaires est donc comprise entre quelques dixièmes de millibarns et une dizaine de millibarns au dessus de 1019eV. Cette valeur étant au moins inférieure d’un ordre

de grandeur à celle du processus de production de paire, les mécanismes hadroniques sont nettement plus rares que la création de paire. Cependant comme nous allons le voir dans le paragraphe suivant l’effet LPM va limiter le processus de production de paire des photons de plus de 1019eV. Les interactions hadroniques vont alors

devenir plus probables, voir dominantes (en fonction du modèle considéré) à ultra haute énergie.

Remarque : nous verrons dans le chapitre 8 que cette incertitude va limiter la recherche de photons dans les rayons cosmiques d’ultra haute énergie.

60 3. LES GRANDES GERBES DE L’ATMOSPHÈRE 10-1 1 10 10-1 1 10 102 103 104 105 106 107 108 109 1010 1011 Eγ (GeV) σγp (mb)

σ

PDG

σ

extr

σ

mod data 10 -1 1 10

FIG. 3.2 : Extrapolations de la section efficace totale des interactions hadroniques photon-proton [62] obtenues

sur les données à basse énergie [63]. L’extrapolationσP DGdécrite dans le PDG [55] est en générale utilisée.

Il existe cependant d’autres extrapolations qui prévoient des sections efficaces plus grandes, commeσmod[60]

etσextr[61]. La section efficace photon-air est donnée par :σγ−air = 11.5 σγ−p.

3.1.3 L’effet LANDAU-POMERANCHUK-MIGDAL

Aux énergies extrêmes, la longueur d’interaction électromagnétique (Bremsstrahlung et création de paire) augmente fortement. Si cette dernière devient plus grande que la distance moyenne entre deux atomes, l’ap- proximation de BETHE-HEITLERconsistant à considérer une interaction entre la particule incidente et un noyau

de milieu n’est plus valide et il faut prendre en compte l’ensemble des noyaux voisins. Cela va engendrer un effet d’interférences destructives connu sous le nom d’effet LANDAU-POMERANCHUK-MIGDALou effet LPM

qui va diminuer la section efficace des processus électromagnétiques dans la matière [64].

Cet effet dépend principalement du produit Eem· ρmilieuoù Eemest l’énergie de la particule électromagné-

tique (électron ou photon) et ρmilieuest la densité atomique du milieu considéré. La figure 3.3 présente le taux

de production de paire e+e−dans l’atmosphère en fonction de la fraction d’énergie u emportée par l’électron

et à différentes altitudes (i.e. différentes densités d’air).

On constate que l’augmentation de l’énergie du photon et l’augmentation de la densité atomique de l’air (diminution de l’altitude) diminuent le taux de conversion des photons en paire e+e−. On constate également

que, comme dans le régime de KLEIN-NISHINA, la distribution de l’énergie du photon entre les deux leptons

devient asymétrique à haute énergie.

La diminution de la section efficace de production de paire va avoir comme principales conséquences de retarder le développement des gerbes électromagnétiques et d’augmenter les fluctuations du développement dans l’atmosphère. En effet, si la première interaction a lieu, par chance, à haute altitude, et que les secondaires sont en dessous du seuil de l’effet LPM, la gerbe se développe quasi-normalement. En revanche, si la première interaction est retardée et a lieu dans un milieu plus dense qu’usuellement, les secondaires peuvent à leur tour être soumis à l’effet LPM. Il en résulte alors un délai important sur le développement de la gerbe.

3.1. LES GERBES ÉLECTROMAGNÉTIQUES 61

FIG. 3.3 : Effet LPM sur la production de paire des photons de haute énergie dans l’atmosphère : taux dif-

férentieldN/du de conversion des photons en paire e+e− en fonction de la fraction d’énergie u emportée

par l’électron pour différentes énergies et pour 3 altitudes [65]. A basse énergie (courbes noires et rouges) la distribution correspond à la distribution obtenue dans l’approximation deBETHE-HEITLERqui ne prend pas en compte l’effet LPM.

La figure 3.4 illustre cela en présentant le profil longitudinal, i.e. le nombre d’électrons de la gerbe en fonction sa profondeur de développement, pour des photons de 3 × 1020eV, avec et sans l’effet LPM.

FIG. 3.4 : Profils longitudinaux de gerbes atmosphériques verticales initiées par des photons de3 × 1020eV

avec et sans l’effet LPM [66].

Même si l’effet LPM intervient dès 1016eV pour le Bremsstrahlung des électrons et dès 1017eV pour la pro-

duction de paire des photons, il reste relativement négligeable en dessous de 5 × 1019eV en ce qui concerne le

développement des gerbes dans l’atmosphère.

Remarque : cet effet sera une signature de la présence de photons dans le rayonnement cosmique d’ultra haute énergie. Nous verrons dans le chapitre 5 et surtout dans le chapitre 8, comment il peut se manifester dans les données d’Auger.