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3.2 Les gerbes hadroniques

4.1.1 Motivations et contraintes physiques

Le projet de l’observatoire Pierre AUGERest né au début des années 1990. A cette époque, quelques événe-

ments d’ultra haute énergie avaient déjà été observés (entre 1959 et 1963 l’expérience VOLCANORANCH, puis

en 1991, FLY’SEYE avec un événement estimé à 3.2 × 1020eV). Comme nous l’avons vu dans les chapitres

précédents, l’existence de rayons cosmiques à de telles énergies n´est toujours pas expliquée. Leur origine, leur nature ainsi que l’énergie maximale qu’ils peuvent atteindre restent encore un mystère. Le projet s’est donc proposé d’étudier le flux, la distribution des directions d’arrivée et la nature de ces rayons cosmiques, sur toute la sphère céleste, de 1019eV jusqu’aux énergies extrêmes, avec une importante statistique et une bonne

précision. Afin d’obtenir un maximum d’informations sur les gerbes atmosphériques, les scientifiques, fonda- teurs du projet AUGER, décidèrent de réaliser un détecteur hybride utilisant simultanément les deux techniques

d’observation au sol des gerbes atmosphériques (voir chapitre 1.2.2) que sont : – les détecteurs de fluorescence donnant accès au profil longitudinal de la gerbe ; – les réseaux de détecteurs au sol donnant accès au profil transversal de la gerbe.

Suite aux résultats des expériences HiRes et AGASA, un nouvelle motivation scientifique pour l’expérience AUGERest apparue. En effet, le désaccord entre les deux techniques (HiRes : fluorescence et AGASA : réseau)

sur le spectre enregistré dans l’hémisphère nord (voir spectre 1.32), renforce l’importance d’étudier les RCUHE avec les deux techniques en même temps, afin de comprendre ces différences et d’inter-calibrer les détecteurs.

Aujourd’hui, après 30 ans d’étude, la communauté scientifique n’a recueilli qu’un peu plus d’une vingtaine d’événements au delà de 100 EeV (compilation des catalogues de différentes expériences tirée de la thèse de M. Prouza de 2003 [89]). L’observatoire Pierre AUGERs’est fixé comme objectif d’observer une soixantaine

également comme autre objectif d’obtenir une détection totale des événements d’énergie supérieure à 1019eV

qui arrivent sur le réseau (acceptance = 1).

Chaque objectif impose des contraintes et donc des choix sur l’observatoire (Ref. [90]). Ces contraintes sont de différentes natures : contraintes dues à la physique que l’on veut étudier, contraintes dues à chacun des types de détecteurs...

Objectifs et contraintes physiques "générales" :

– L’étude du ciel complet impose la réalisation de deux observatoires : un dans l’hémisphère sud, et l’autre dans l’hémisphère nord. La latitude de chaque observatoire doit être comprise entre 30◦et 45◦afin d’avoir

une couverture intégrale du ciel.

– L’altitude des sites doit être proche du maximum de développement des gerbes que l’on veut étudier. Soit entre 1000 et 1500 m pour des gerbes de 1019eV à 1020eV.

Objectifs et contraintes du réseau de surface :

– La surface du réseau est définie pas la statistique que l’on veut observer. En effet, on attend 1 particule par siècle par km2 d’énergie supérieure à 1020eV. Pour observer 30 rayons cosmiques de ce type par

an, il faut couvrir une surface d’environ 3000 km2. Il faut donc trouver, dans chaque hémisphère, une

surface accessible de 3000 km2 sur laquelle sera installée les détecteurs de particules. Du fait du gigan-

tisme du réseau, les détecteurs (les "cuves", ci après) devront être autonomes en énergie électrique et la communication des données se fera par onde radio.

– C’est l’acceptance qui va déterminer l’espacement des stations au sol. En effet, l’empreinte au sol d’une gerbe croît à peu près comme la racine carré de son énergie. Une gerbe de 1 EeV a une empreinte au sol d’environ 0.5 km2(à 1400 m d’altitude). Pour obtenir une acceptance totale à 1019eV, c’est à dire pour

qu’une gerbe de 1019eV touche au moins 3 cuves lorsqu’elle atteint le réseau (sans compter les bords du

réseau), l’espacement des cuves doit être d’environ 1500 m (à 1400 m d’altitude). Le réseau aura donc un pas de 1500 m.

– Le réseau doit être sensible aux gerbes initiées par des neutrinos. Comme nous l’avons vu dans le chapitre 1.2.3, les neutrinos vont former des gerbes horizontales ou "ascendantes". Pour les voir, il faut donc que le réseau soit sensible aux gerbes d’incidence rasante (θ > 60◦). Les détecteurs doivent donc avoir une

bonne section efficace latérale ce qui est le cas des cuves ˘Cerenkov contrairement aux scintillateurs. – Les détecteurs au sol doivent être sensibles à la majorité des particules des gerbes (électrons, photons et

muons) et permettre une identification de ces dernières. Sur ce dernier point, les scintillateurs sont mieux adaptés1même si il est possible, par la forme des signaux, de distinguer les différentes particules à partir

de cuves ˘Cerenkov.

– Une bonne précision de la reconstruction en temps et en énergie imposent une électronique rapide et une bonne mesure du temps absolu d’arrivée des particules dans les cuves (nous reviendrons sur ce point dans la partie 4.3.3).

– La durée de l’expérience impose une grande fiabilité du matériel.

Objectifs et contraintes du détecteur de fluorescence :

– La détection par fluorescence nécessite un ciel peu nuageux. Le site doit être implanté dans un lieu où il fait relativement beau et sec.

– La détection se fait par nuit noire sans Lune. La pollution lumineuse doit également être minimale. On cherche donc un site loin des villes et des habitations.

1Il est en effet possible d’identifier les muons par leur pouvoir de pénétration en étudiant les coïncidences d’une succession

4.1. LE CHOIX D’UN DÉTECTEUR 77

– L’étude des gerbes simultanément par deux télescopes à fluorescence (étude stéréo) permet d’obtenir une meilleure précision sur la direction d’arrivée du cosmique incident. Le site possédera donc plusieurs sites consacrés à la détection de la fluorescence des gerbes.

– Le détecteur de fluorescence doit permettre l’identification du primaire par la mesure de la position du maximum de développement, le Xmax (voir 5.3). Ceci nécessite une bonne précision du détecteur ce qui veut dire un grand nombre de pixels sur la caméra et une électronique d’acquisition rapide.