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Section 2 : UGT2B28 associée à la progression et à un profil tumoral

et à un profil tumoral agressif

L’analyse de l’expression de la protéine UGT2B28 dans une cohorte de 239 patients ayant un CaP localisé, nous a permis d’établir des liens entre son expression et le pronostic des patients. Particulièrement, deux types de marquages, nucléaire et cytoplasmique, ont été associés de façon indépendante aux paramètres clinicopathologiques.

11.1. Statut germinal et expression d’UGT2B28

L’association entre l’expression d’UGT2B28 et le statut de la délétion des patients pour ce gène nous a révélé que la présence d’une ou de deux copies d’UGT2B28 ne semblait pas affecter l’expression protéique dans le tissu tumoral. La corrélation entre le nombre de copies et le niveau en ARN n’a jamais été mesurée pour le gène UGT2B28. En revanche, il a été démontré pour le gène UGT2B17 que le fait d’avoir une seule copie du gène diminuait le niveau ARNm de 33% sans que l’information sur l’activité n’ait été directement mesurée (Paquet, Fazli et al. 2012). Néanmoins, l’association de la perte d’une copie à des niveaux hormonaux d’ADT et du 3-diol plus bas de 26% et 43% laisse supposer une potentielle diminution de son activité (Nadeau, Bellemare et al. 2011, Paquet, Fazli et al. 2012). Cependant une seconde étude ne relatait pas de variation d’activité d’UGT2B17 malgré la différence du nombre de copies (Gallagher, Balliet et al. 2010). Des études, dont certaines effectuées dans notre laboratoire, ont d’autre part montré que la corrélation entre les ARN et les protéines UGT n’était pas toujours avérée, ce qui révèle une potentielle régulation des UGT par des mécanismes post-traductionnels (Ohtsuki, Schaefer et al. 2012, Margaillan, Rouleau et al. 2015, Margaillan, Rouleau et al. 2015). Dans notre étude, les associations de la protéine UGT2B28 étaient concordantes et similaires aux associations réalisées avec l’expression en ARNm d’UGT2B28. À partir de ces observations, deux mécanismes peuvent expliquer cette expression protéique inchangée malgré la diminution du nombre de copie. Il est possible que la perte d’une seule copie du gène UGT2B28 n’affecte pas son expression protéique. Il est aussi plausible que la perte d’une copie affecte l’expression en ARNm et protéique mais qu’elles soient compensées par d’autres mécanismes au niveau de la tumeur. Afin de vérifier ces hypothèses, une corrélation entre l’expression en ARNm et l’expression protéique d’UGT2B28 devrait être établie dans le tissu prostatique humain. Également, une mesure de ces niveaux dans du

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tissu sain permettrait de voir si une potentielle compensation est propre ou non au tissu tumoral.

11.2. UGT2B28 associée aux caractéristiques clinico-

pathologiques

Les associations entre l’expression d’UGT2B28, aussi bien nucléaire que cytoplasmique, suggèrent que lorsque l’enzyme est fortement exprimée, les tumeurs sont de plus petite taille (-37%), alors que la taille de la prostate reste inchangée. Également, l’étude a révélé que les niveaux d’APS au diagnostic étaient plus bas de 20% lorsqu’UGT2B28 était fortement exprimée, aussi bien en protéine qu’en ARNm. À partir de ce résultat, on peut supposer que les tumeurs exprimant fortement UGT2B28 pourraient correspondre à un axe androgénique moins activé. Ceci semble en accord avec les fonctions de glucuronidation de la protéine qui contribueraient à diminuer le réservoir hormonal intraprostatique, et par conséquent à diminuer l’activation d’AR et des gènes qu’il régule comme l’APS (Feldman and Feldman 2001). En plus de l’APS, AR régule également la prolifération cellulaire via le gène p21 inhibiteur de l’apoptose, et régule donc indirectement la taille de la tumeur (Lee, Sutkowski et al. 1995, Lu, Liu et al. 1999). Cette hypothèse semble ainsi en accord avec la littérature, qui a démontré que les niveaux d’APS sont corrélés positivement à la taille de la tumeur (Vollmer and Humphrey 2003, Kato, Srougi et al. 2008, Carvalhal, Daudi et al. 2010).

Outre ces observations, nous avons démontré qu’UGT2B28 était associée à un profil plus agressif et invasif. En fait, les patients ayant un score de Gleason supérieur à 8 et un statut nodal positif avaient respectivement une expression d’UGT2B28 supérieure de 20% et 30%. De façon intéressante, la littérature décrit que la PSA et le score de Gleason sont corrélés positivement (Shih, Gross et al. 1992, Saidi, Georgiev et al. 2009, Lojanapiwat, Anutrakulchai et al. 2014). Nous avons démontré par une corrélation que cette tendance se vérifiait également dans la cohorte à l’étude bien que cela ne fut significatif. Ces informations étaieraient l’hypothèse selon laquelle les niveaux plus bas d’APS observés dans notre étude sont associés aux niveaux d’expression d’UGT2B28 de façon indépendante.

11.3. UGT2B28 associée au risque de progression

Enfin, l’expression d’UGT2B28 a été associée au risque de progression, indiquant que cette protéine semblerait être un marqueur pronostique indépendant. Bien que seule

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l’expression nucléaire d’UGT2B28 était significative avec un HR=2.82 p=0.03, le marquage cytoplasmique amorçait la même tendance avec un HR=2.2 p=0.1. Cette unique association du marquage nucléaire pourrait dépeindre deux phénomènes distincts. Il se peut en effet que l’association de la progression avec le marquage cytoplasmique ne soit pas significative par manque de puissance, sachant que ce marquage était associé significativement au score de Gleason et au statut nodal. À l’inverse, ce résultat pourrait tout aussi bien signifier que seule la localisation nucléaire de la protéine serait impliquée dans la progression de la maladie. Une validation dans une plus grande cohorte pourrait répondre à ces interrogations. Aussi, des analyses complémentaires visant à déterminer l’implication spécifique d’UGT2B28 dans chaque compartiment cellulaire dans la progression permettraient d’éclaircir ce point. À la vue des résultats obtenus, la forte expression de la protéine UGT2B28 s’avèrerait être associée à un profil tumoral distinct, plus particulièrement à de petites tumeurs potentiellement moins androgénodépendantes, plus invasives, plus agressives, et progressant plus vite (Figure 15). La protéine UGT2B28 semblerait ainsi avoir un rôle favorable à la progression et pourrait donc être un potentiel biomarqueur pronostique du CaP.

Figure 15 Illustration schématique des associations observées entre l’expression protéique d’UGT2B28 et les paramètres clinico-pathologiques chez des patients ayant un CaP localisé après RP.

Cependant, sur le plan théorique, ces résultats semblent contrintuitifs si l’on s’en tient aux fonctions connues de la protéine UGT2B28. Effectivement, avec l’augmentation de la protéine UGT2B28 régulant la biodisponibilité hormonale par la glucuronidation, on aurait pu s’attendre à une activation moindre du récepteur AR intraprostatique, et par extension

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à une diminution de la progression tumorale. Toutefois, ces observations sont corroborées par la littérature, qui a démontré que les tumeurs, évoluant dans un environnement intraprostatique faible en hormones étaient plus agressives (Nishiyama, Ikarashi et al. 2006, Nishiyama, Ikarashi et al. 2007). Le mécanisme sous-jacent à ce profil agressif est inconnu et nécessiterait d’être étudié de façon plus approfondie.

On peut émettre l’hypothèse qu’UGT2B28 intervienne dans ce processus via ses fonctions de glucuronidation ou par le biais de fonctions différentes. En effet, sa localisation nucléaire et cytoplasmique pourrait suggérer des fonctions de facteur de transcription ou de corégulateur, ou pourrait encore lui permettre d’agir via des intéractions protéine-protéine. Afin d’étayer ces hypothèses, des modèles in vitro surexprimant la protéine UGT2B28 pourraient être établis. Cela permettrait d’en analyser les effets phénotypiques tels que la prolifération, l’adhésion, ou encore la migration. Pour savoir précisément si ces fonctions sont accomplies par le biais d’interactions protéiques, une immunoprécipitation ciblée et couplée à de la spectrométrie de masse ou (Ap-MS/MS) pourrait aussi être réalisée.

11.4. Immunohistochimie et techniques d’analyses

Pour les études immmunohistochimiques avec des marquages nucléaires et cytoplasmiques, deux grands types d’analyses de données peuvent être effectués. L’un consiste en une analyse indépendante des deux marquages subcellulaires, l’autre s’effectue en revanche avec un ratio (Yuen, Chua et al. 2006, Bedolla, Wang et al. 2009, Rexhepaj, Jirstrom et al. 2010, Sung, Lin et al. 2014). Le ratio est une option particulièrement intéressante dans le cas de protéines nucléocytoplasmiques comme les facteurs de transcription, renseignant ainsi sur la potentielle activité transcriptionnelle. D’autre part, effectuer un ratio peut servir de contrôle interne de normalisation en permettant d’homogénéiser les différences de marquage entre les différents tissus. L’analyse des marquages individuellement permet quant à elle de mieux discriminer les implications indépendantes des expressions subcellulaires (Domingo-Domenech, Mellado et al. 2005, Diallo, Aldejmah et al. 2008). Dans le cadre de notre étude, les deux types de marquages, soit nucléaire et cytoplasmique, ont été associés de façon indépendante aux paramètres clinicopathologiques. De cette façon, nous souhaitions précisément connaitre l’implication potentielle de chacune des expressions subcellulaires dans la progression, étant donné que l’expression nucléaire était augmentée et l’expression cytoplasmique était unique dans le tissu tumoral. Néanmoins, une analyse des ratios pourrait être envisagée

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afin de déterminer si ces expressions subcellulaires sont interdépendantes et associées de façon commune à un profil distinct.