• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE 1 : APPROPRIATIONS DES OUTILS NUMÉRIQUES

1.2 Les sciences cognitives : impact d’Internet sur les facultés cognitives

cognitives d’appropriation des connaissances et des informations

numériques

Dans cette approche des sciences cognitives, la question centrale est :

quelles sont les conséquences de cet outil numérique communicationnel sur le

cerveau ou précisément sur la façon d’intégrer les connaissances, de réfléchir et de

s’approprier les informations consommées ? Comme le montrait Mcluhan (1964)

19

,

quand on rentre dans le monde de la connaissance par le biais de l’écrit, on

accomplit une « gymnastique intellectuelle ». De ce fait, l’écrit favorise la pensée

rationnelle et capacité de réflexion. Mais il faut du temps et de la maturation pour

l’information lue reste gravée dans la mémoire. Aujourd’hui le processus décrit par

18 Peer to peer = de pair en pair (partage d’un individu à un autre)

19 McLuhan, Marshall (1964). Pour comprendre les médias. Les prolongements technologiques de l’homme. Paris, Seuil.

Page 31

Mcluhan est complètement bouleversé car les jeunes ont accès à l’univers de

l’information et de la connaissance par Internet via des images, des textes, du son

que l’on lit de manière diagonale. Cette consommation de l’information est assez,

voire, très rapide. Du coup, les capacités d’absorption des informations sont

énormément sollicitées et celles de concentration, de mémorisation, de rétention et

d’élaboration conceptuelle le sont moins qu’à l’écrit. Cela transforme indéniablement

la façon de s’approprier des connaissances et de réfléchir.

Il y a une autre chose très importante dans cet univers d’Internet et des

nouveaux médias, c’est qu’on (les jeunes aussi) est sans cesse en confrontation

avec des mondes qui nous sont complètement extérieurs. Cela peut être un univers

de journal, de divertissement, de communication. Et en permanence, on est en

interaction avec des mondes qui nous sont étrangers.

Depuis les années 60, l’intérêt chez les français pour l’information politique a

été l’objet d’études sociologiques [Lapierre J-W, Noizet G. (1964)]. Lapierre et Noizet

(1964), étant les pionniers sur cette question, ont montré une corrélation entre la

désaffection pour les informations politiques et l’amélioration des conditions

d’existence qu’ont connue les sociétés industrielles après les années 1950. En effet,

comme ils expliquent : «les peuples qui accèdent à la maturité économique et sociale

deviennent plus raisonnables, moins passionnés, moins perméables aux fanatismes

idéologiques

20

». Cependant, pour nuancer, les auteurs montrent que c’est

davantage le désamour pour les hommes politiques qui expliquerait ce détachement

des français vis-à-vis des informations politiques. Cette attitude est d’autant plus

manquante chez les jeunes. Car selon une enquête réalisée par IFOP (Institut

français d’option publique) sous la direction de Jacques Duquesne

21

, le degré

d’intérêt ou de désintérêt pour l’information chez les jeunes français est corrélé à leur

degré de civisme.

Considérés comme les « digital natives »

22

ou la génération Y, les jeunes

générations ont un rapport singulier et de choix avec les nouvelles technologies de

l’information et de la communication car ils sont « nés dans un monde dominé par les

20 Lapierre J.-W, Noizet G. (1964) L'information politique des jeunes Français en 1962. Revue française des sciences politique,14 (3).

21

Duquesne J. (1963). Les 16-24 ans, IFOP, Paris, Ed. du Centurion.

Page 32

médias » et dont « l’aisance face aux TIC les distingue » des plus âgés. Selon les

données statistiques du Journal du Net et de Médiamétrie datant de 2008, « plus de

80% des 13-24 ans déclarent s’être connectés au web au cours du mois précédent

l’enquête, tous les lieux confondus ; les 15-25 ans passent en moyenne près de 13

heures par semaine sur internet », soit environ 2 heures par jour. De plus, « les

jeunes recourent plus souvent que la moyenne à la messagerie instantanée (63%

des 13-17 ans déclarent l’avoir utilisée au cours du dernier contre 41% des

internautes) et sont régulièrement amateurs de blogs : la consultation des blogs est

de 42 points plus élevée chez les 13-17 ans que chez les l’ensemble des internautes

(70% contre 28%). Par ailleurs, les jeunes sont particulièrement présents dans les

pratiques suivantes : jeux en réseaux, téléchargement de la musique et de logiciels

pour la création des outils multimédias (son, image, texte). On peut aussi souligner

d’autres activités préférées en ligne des jeunes. En 2010, l’association lyonnaise

Fréquences écoles a mené une enquête sur les pratiques internautes des jeunes

scolarisés (les primaires, les collégiens et les lycéens). Il en ressort que les activités

numériques des jeunes évoluent en fonction de l’âge. Plus un jeune prend de l’âge et

plus ses activités augmentent et se diversifient. (voir figure)

Figure 1 : les activités préférées des jeunes sur le web

Jeux

Vidéos

Musique

Recherches personnelles

Mails

Consultations des blogs

Discussion en ligne

Téléchargements

Recherches scolaires

Consultation de l’actualité (surtout sportive)

Achats

Source : Association Fréquences Écoles, mars 2010

Il y a donc chez les jeunes, une forte assiduité du web avec des usages qui se

concentrent autour des pratiques interactionnelles et ludiques. Car « Si [sa]

dimension communicationnelle est centrale pour la très grande majorité des jeunes,

le Web, comme source privilégiée d’information et de documentation, est aussi

devenu une réalité incontournable dans la vie quotidienne des adolescents (…)

Quand ils cherchent de l’information, que ce soit pour leurs travaux scolaires ou par

Primaire

s

Collégiens

Page 33

intérêt personnel, c’est désormais vers Internet que les jeunes se tournent en

premier lieu. Le Web est ainsi devenu, en quelques années, la porte d’accès à

l’acquisition des connaissances générales et spécialisées pour les jeunes. Et cette

porte d’accès a désormais un seul et même nom : Google ». (Aillerie, 2011 : 282)

Dans les parties qui vont suivre, nous allons présenter dans un premier temps

les outils numériques disponibles chez les jeunes et dans un second temps leurs

usages : expression de soi, recherche et consommation des contenus numériques

dont les informations d’actualité. Enfin, nous allons voir, à travers les recherches de

Serge Tisseron, comment la culture du numérique a transformé de façon radicale

leur rapport à l’information.