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4.2.1 Considérations géologiques et chimiques

Géologie

Le mot schiste vient du grec skhistos, que l’on peut fendre. Un schiste est donc au sens général une roche qui peut être débitée en feuillets. Cependant, les géologues le définissent comme "une roche ayant acquis une schistosité sous l’influence de contraintes tectoniques" [88] et classant donc cette roche comme métamorphique. Cependant, les schistes étudiés dans cette thèse sont des roches sédimentaires, non transformées. On les dénomme parfois schistes bitumineux, lorsqu’ils renferment des hydrocarbures, argilites litées ou encore shales (terme anglais non équivoque). L’appellation "schiste argileux" sera néanmoins utilisée tout au long de ce manuscrit (comme stipulé dans le J.O. du 18 janvier 1973) pour éviter toute confusion.

Ces schistes argileux englobent des roches de composition chimique et minéralogique, d’âge géologique ou encore de maturité très divers. Ils se définissent toutefois comme des roches sé-dimentaires litées, de type argilites, riches en matière organique et dont on peut extraire des hydrocarbures et du gaz combustible. A noter que la présence de certains minéraux dits gon-flants dans ces roches provoque des phénomènes de gonflement/dégonflements dus à la présence d’eau d’hydratation [89] qui peut mener à de sévères dommages.

A titre d’exemple, on peut citer les schistes argileux, noir ou bruns, très fossilifères :

– du Carbonifère, fournissant des fougères, lépidodendrons, sigillaires [90] tels que rencontrés dans les sites de Décize et de Commentry (France) ou de Bathgate (Ecosse),

– du Permien, à Autun (France), livrant tétrapodes et poissons osseux, notamment dans la couche de Muse.

Chimie

Les schistes argileux contiennent de la matière organique (MO) aussi bien que de la ma-tière minérale (MM). Cette MO dérive d’une multitude d’organismes et est incorporée dans les sédiments après la mort des organismes vivants. Les composés organiques (lipides, glucides, pro-téines, lignine...) n’étant pas les mêmes d’une espèce à l’autre, les teneurs respectives en carbone, hydrogène ou oxygène permettent de distinguer trois types de kérogène1. Ces types de kérogène

1. Le kérogène est la partie insoluble en solvant organique de la MO tandis que la partie soluble est nommée bitume.

reflètent également l’environnement de dépôts initial de la biomasse qui a donné naissance à la roche, à savoir terrestre, lacustre ou marin (Table4.1).

Table 4.1 – Type, origine et composition des kérogènes

Type Origine H/C O/C

I plancton, algues lacustre 1,5 0,1

II biomasse planctonique marine 1,3 0,15

III végétaux supérieurs terrestre 0,8 0,35

Cependant, au cours du temps, la MO va subir une évolution physico-chimique, essentiel-lement contrôlée par la dégradation bactérienne puis par la température, qui va l’enrichir en carbone et l’appauvrir en hydrogène et oxygène. C’est cette évolution que reflète le diagramme de Van Krevelen (Figure4.1), donnant ainsi une indication de la maturité des roches, c’est-a-dire l’importance des transformations qu’elles ont subies. On distingue ainsi trois stades de dégrada-tion, soit, dans un ordre de maturation croissant : la diagenèse, la catagenèse et la métagenèse2.

Figure 4.1 – Diagramme de Van Krevelen

On se rend ainsi compte que ces roches, d’origine organique pourtant différente, évoluent toutes vers un stade de plus en plus riche en carbone et pauvre en hétéroatomes. A noter que cette classification est beaucoup utilisée par les compagnies pétrolières car elle permet d’estimer le rendement d’une roche, en huile ou en gaz.

2. La diagenèse peut à la fois désigner la première étape de maturation tel que mentionné ici, mais également l’ensemble des processus physico-bio-chimiques qui conduisent à la transformation en fossile.

4.2.2 Origine des roches et fossiles étudiés

Présentation du Bassin d’Autun

Le Bassin d’Autun, situé en Saône-et-Loire (massif du Morvan, Bourgogne, France ; Figure 4.2), fut exploité par les Romains dès les premières décennies de notre ère. Ils utilisèrent les schistes argileux pour créer des objets de la vie courante (dés, bracelets, polissoirs...) ou comme pierre d’ornementation pour les murs et les sols (bas-reliefs, tessons de mosaïque) [91].

Figure 4.2 – Bassin d’Autun

Cependant, ce furent surtout pour leurs propriétés énergétiques que les schistes argileux de cette région (Figure 4.3) furent exploitées. En résulta une intense exploitation industrielle qui permit la production d’huile de schiste jusqu’à la 2ème moitié du 20ème siècle, où elle fut alors détrônée par celle du pétrole. Vestiges de cette activité, subsistent encore aujourd’hui au nord de la ville deux terrils de déblais3.

Ce Bassin (Permien, 295/245 Ma [92]), renferme en son sein le stratotype de l’Autunien, défini dans trois localités types (Igornay, Muse et Millery). La série est composée à la base de grès, surmontés de schistes argileux. Dufrénoy et De Beaumont [93] les ont décrits dès 1841, comme "noirs, bitumineux, [renfermant] de petits amas lenticulaires de fer sulfuré, et [ayant] une grande tendance à se décomposer par l’action de l’atmosphère". Ils mentionnent également la richesse paléontologique de ces roches, en répertoriant les différents types de fossiles rencontrés : coprolithes, débris végétaux, bois silicifiés ou encore empreintes de poissons dont les écailles "parfaitement conservées, ont parfois l’éclat de la nacre et de l’azur, ou le brillant de l’or par transformation en sulfure de fer", phénomènes encore actuellement visibles (Figure4.4).

3. A noter que le Bassin fut également, bien que très relativement, exploité pour l’autunite (phosphate d’ura-nium et de calcium hydraté) et la fluorine (fluorure de calcium).

Figure 4.3 – L’essence autunoise : (a) littérature relative à l’exploitation industrielle des schistes argileux du Bassin d’Autun (b) hydrocarbures obtenus après pyrolyse à 250 ˚C.

Figure 4.4 – Échantillons prélevés en septembre 2013 sur l’affleurement Muse CAP du Bassin d’Autun. (a) Actinopterygien montrant des écailles opalescentes (b) Exemple d’écailles pyritisées. L’échelle représente 1 cm.

Affleurements échantillonnés

Sept localités de ce Bassin ont été échantillonnées (Figure4.5et Tableau4.2)4.

Une étude plus avancée a été réalisée sur une couche de l’affleurement de Muse, localisé sur la parcelle dite "Le Champeau" et appartenant à la Société d’Histoire Naturelle d’Autun. Cette couche, située quelques mètres en dessous de l’affleurement nommé Muse, est couramment dénommée couche à poissons et sera par la suite évoquée sous le sigle Muse CAP (Figure4.6).

Actuellement en cours de fouille, notamment pour permettre l’accès à des fossiles de

tétra-4. Le site du Ruet n’est plus accessible mais cette couche correspond stratigraphiquement au site de La Co-maille.

Figure 4.5 – Localisation des affleurements du Bassin d’Autun échantillonnés. En rouge : lieu d’origine des fossiles de la collection FLOUEST. En noir ; lieu de prélèvement de nos échantillons.

Table 4.2 – Localités échantillonnées

Localisation Coordonnées GPS

Formation Age

géographique N E altitude géologique

Millery 46˚59’ 09,96" 4˚16’ 51,27" 307 m Assise de Autunien

Millery supérieur

Surmoulin 47˚00’ 29,14" 4˚19’ 21,14" 297 m Assise de Autunien

La Comaille 46˚58’ 37,75" 4˚13’ 50,42" 319 m Surmoulin supérieur

Muse 47˚01’ 36,22" 4˚22’ 54,44" 322 m Assise de Autunien

Bois des Grands Miens 47˚01’ 54,15" 4˚21’ 50,71" 328 m Muse inférieur

Saint-Léger-du-bois 47˚01’ 00,34" 4˚26’ 54,16" 319 m Assise d’

Stéphano-Igornay 47˚02’ 58,75" 4˚22’ 42,49" 327 m Igornay Autunien

podes, son dégagement focalise l’attention des paléontologues et conservateurs car il s’agit d’une couche particulièrement fossilifère, mentionnée dès 1840 dans la littérature [93,94]. Connue pour être riche en poissons osseux, cette couche ne fait qu’une dizaine de centimètres d’épaisseur mais s’y concentrent plusieurs strates de fossiles, témoins de l’extinction successive de milliers

d’Actinoptérigyens. Cet intérêt muséologique important a focalisé l’intérêt du Muséum d’His-toire Naturelle d’Autun qui souhaite pouvoir en exposer des plaques entières, sans risque de dégradations futures. Elle constituait donc un cas d’étude intéressant.

Figure 4.6 – (a) Vue générale de l’affleurement de Muse, avec localisations des prélèvements nommés Muse (en jaune) ou Muse CAP (en blanc) (b) Fouilles de l’été 2013 (c) Exemple de poisson fossilisé découvert.

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