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Il existe différentes approches en ce qui concerne la conservation de spécimens pyriteux ; diverses techniques tendent à limiter l’oxydation de la pyrite mais toutes se résument à trois actions majoritaires [12] :

– neutraliser la production des composés acides par des matériaux alcalins, – éliminer le FeIII,

– bloquer l’accès de l’oxygène et/ou de l’eau à la pyrite.1.

A titre d’exemple, on citera parmi les traitements destinés à neutraliser les produits acides, l’utilisation d’ammoniac, proposée dès les années 30 par Bannister. Les échantillons sont ainsi placés sur un plateau dans une cuve contenant de l’hydroxyde d’ammonium à 10 % dilué dans du polyéthylène glycol et recouverte d’un couvercle en verre ou en polyéthylène. Lorsque des taches de couleur rouille apparaissent, les échantillons sont nettoyés à l’alcool et soigneusement séchés. Les effets secondaires répertoriés [11] sont néanmoins problématiques en contexte muséal : décoloration des zones dégradées et apparence peu naturelle des spécimens traités.

Dans les années 80, Cornish and Doyle [82,83] développent une technique combinant la neu-tralisation des produits acides et l’élimination du FeIII. Ils décrivent l’utilisation et le fonction-nement de l’éthanolamine thioglycollate, qu’ils appliquent sur les spécimens du British Museum. Ce produit a un effet multiple : de pH alcalin, l’éthanolamine est supposée neutraliser les pro-duits acides formés tandis que le thioglycollate complexerait le fer, empêchant ainsi la réaction d’oxydation de la pyrite, notamment par le FeIII. Les ferrothioglycollates formés ainsi que la ma-tière organique, qui est également affectée et exsude du spécimen, le recouvrent, cachant ainsi les détails anatomiques et structuraux du fossile [29]. De plus, cette méthode de traitement nécessite néanmoins une immersion complète dans une solution de 2 à 5 % d’éthanolamine thioglycollate diluée à l’éthanol (dans lequel cette dernière ainsi que les produits formés sont solubles) et un renouvellement de la solution toutes les 4h . Aussi, pour des spécimens friables ou dommageables par immersion, l’application d’une pâte est préconisée. Pour les petits spécimens de paléobota-nique (graines, fruits...), il est conseillé de faire suivre le traitement par un stockage dans un fluide siliconé, lequel peut être partiellement ôté grâce au toluène.

Cela nous permet d’introduire la dernière méthode de conservation à savoir l’intervention, non plus sur le fossile, mais sur l’environnement de stockage des échantillons, afin de bloquer l’accès des spécimens à l’eau et/ou au dioxygène. Dans le cas de la conservation en liquide, des huiles minérales, de la paraffine liquide ou encore du glycerol ont été proposés pour stocker les échantillons pyriteux [11], tout comme la silicone liquide. L’avantage de ces fluides est de permettre l’observation directe des spécimens à travers le liquide. Néanmoins, la toxicité, le mauvais vieillissement (brunissement des solutions) ou l’élimination incomplète sont autant de problèmes non résolus.

Dans l’air, différents types de barrières ont été développées, à commencer par la mise au point de revêtements de surface. Ceux-ci (polyvinyl acétate ou polybutyl méthacrylate par exemple) s’avèrent en réalité peu recommandables (jaunissement, instabilité à la lumière, production de composés acides [84]), aussi la préférence actuelle va à la réalisation de micro-environnements anoxiques, de préférence sous pochettes plastiques scellées. Cette anoxie peut être obtenue :

– en éliminant l’atmosphère (mise sous vide),

– en modifiant l’atmosphère par injection de gaz neutre (argon ou diazote),

– en interposant un film barrière, tel que l’Escal (formé d’un substrat poly(acétate de vinyl) placé entre un film de polypropylène et un autre de polyéthylène), de faibles perméabilité à la vapeur d’eau et à l’oxygène.

Ce film barrière Escal a ainsi été conseillé par de nombreux auteurs [85,86,87], en combinaison avec des adsorbeurs d’oxygène et de desséchants (gel de silice).

Chapitre 4

Des matériaux étudiés

4.1 Objectifs de la thèse

L’identification du mécanisme et des facteurs influant sur la dégradation de la pyrite dans le cas de fossiles restent encore sujet à caution. Ce travail s’inscrit dans une démarche générale qui vise à :

- déterminer les principaux facteurs influant sur la dégradation des spécimens de paléon-tologie, afin de pouvoir préconiser des conditions adéquates à leur conservation en collection.

- comprendre l’influence de ces facteurs sur les matériaux pyriteux, afin de déterminer les mécanismes dominants mis en jeu lors de l’oxydation de ces matériaux.

- examiner l’action de certains traitements ou conditionnements utilisés par les conserva-teurs et mesurer leur efficacité et leurs effets secondaires.

- mentionner les effets que certains consolidants peuvent avoir sur les propriétés physico-chimiques des matériaux ainsi que l’efficacité de produits destinés à protéger de la dégradation. Une première partie porte sur les schistes argileux fossilifères du Bassin d’Autun, dont de nombreux spécimens font partie des collections du MNHN, telle la collection Flouest, prélevée au 19ème siècle. Celle-ci comporte des spécimens particulièrement altérés par des efflorescences de sulfate de fer [70]. Sur ces matériaux, notre travail a consisté à identifier le type de com-posés soufrés à l’origine de ces altérations et leur distribution dans le matériau. En particulier, ces composés sont-ils répartis aléatoirement ou bien localisés de façon spécifique ? Ceux-ci étant aujourd’hui parfois absents sur les spécimens de collection, nous avons été prélever du nouveau matériel sur des affleurements situés dans des couches géologiques similaires, point important au vu de l’hétérogénéité de ce matériau. Nous l’avons ensuite soumis à des procédures de vieillis-sement artificiel afin de tenter de reproduire les dégradations obtenues en collection et ainsi expliciter les différentes composés mis en jeu et leur évolution au cours de la dégradation.

La seconde partie de ce travail porte sur le bois lignitisé des sites d’Angeac (Charente, Cré-tacé Inférieur) et de Rivecourt (Oise, Paléocène Supérieur). Ce bois, gorgé d’eau lors de son extraction, est difficile à conserver car il montre une nette tendance à craquer s’il est séché sans précaution particulière, ainsi qu’une proportion à se couvrir également d’efflorescences. Nous avons donc testé différentes méthodes de séchage en faisant varier les teneurs en oxygène, en humidité et les vitesses de séchage. Aucune ne s’avérant totalement concluante, une autre série d’expériences a été menée par lavage en solution (eau ou peroxyde d’hydrogène) pour provoquer l’oxydation des composés soufrés réduits et dissoudre les produits formés, qui sont alors évacués dans la solution de lavage. Le but final est de pouvoir obtenir un bois qui ne soit plus sujet au

développement d’efflorescences.

Schistes argileux et bois lignitisés sont de prime abord assez différents, notamment de par leur nature (siliceuse pour les roches, carbonée pour le bois). Néanmoins, ils contiennent tout deux des composés soufrés réduits organiques (thioéther) et inorganiques (pyrite), ce qui pose la question de l’origine des sulfates formés. Cela a motivé leur choix pour cette étude, tout comme leur disponibilité en grande quantité. En effet, la multiplication des tests nous semblait obligatoire impliquant par là-même une quantité d’échantillon non négligeable. Leur préciosité relativement modérée (comparée par exemple aux os de sauropode pyritisés, extraits sur le site d’Angeac) nous a ainsi permis de pouvoir aisément les sacrifier. Enfin, les lieux d’origine des spécimens de collection dégradés étaient encore accessibles, permettant alors une comparaison directe entre vieillissement naturel, en contexte muséal, et vieillissement artificiel. Toutes ces raisons ont motivé le choix de ces matériaux lors de cette étude.

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