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À ce stade, il est bon de reprendre les défis posés par l’assimilation des hydrométéores (section 1.4.2), et de voir dans quelle mesure les schémas EnVar permettent ou non d’y

2.3.1 Modélisation des erreurs d’ébauche

Notons tout d’abord que les schémas EnVar permettent de prendre en compte la grande variabilité spatio-temporelle des covariances d’erreurs d’ébauche, ce qui est leur grand avantage par rapport à des approches variationnelles avec covariances d’erreurs d’ébauche climatologique.

En contrepartie, un schéma EnVar pur ne pourra pas produire d’incrément d’hydro-météores là où il n’y avait pas d’hydrod’hydro-météores dans l’ensemble (problème des variances nulles). Comme remarqué par Michel et al. (2011), cette limitation peut être contournée en utilisant une approche hybride, qui permettrait de rajouter un terme de variance non-nul. La modélisation d’une matrice de covariance statique avec hydrométéores suffisamment réaliste reste cependant ardue. La seule comparaison publiée (à notre connaissance) entre un EnVar pur avec hydrométéores et un EnVar hybride avec hydrométéores montre une légère détérioration des analyses d’hydrométéores dans le cas hybride (Kong et al., 2018).

2.3.2 Non-gaussianité, non-linéarités, positivité

Ces trois sujets sont particulièrement imbriqués. Les non-linéarités par exemple en-traînent nécessairement des non-gaussianités : une distribution gaussienne ne le reste pas sous l’action d’un modèle non-linéaire (Bocquet et al., 2010, par exemple). Ces problèmes de non-linéarités affectent particulièrement les hydrométéores, comme vu en section 1.1.3. L’article de revue de Bocquet et al. (2010) fournit un panorama des techniques possibles pour limiter les effets de la non-gaussianité. Une revue plus récente mais plus succincte est proposée par Carrassi et al. (2018, leur section 5.2)

Il existe plusieurs algorithmes, qui semblent spécialement conçus pour traiter ces ques-tions de non-gaussianité ou de non-linéarité, tous plus ou moins proches des méthodes de Kalman d’ensemble. Il paraît pertinent d’en relever quelques-uns :

— Les filtres particulaires, qui font l’objet de nombreuses recherches (Leeuwen et al., 2019 ; Vetra-Carvalho et al., 2018) mais dont l’applicabilité à des problèmes de grande dimension reste à montrer (Snyder et al., 2008) ;

— Les méthodes par histogrammes, à mi-chemin entre les filtres particulaires et les filtres de Kalman d’ensemble (Anderson, 2010 ; Metref et al., 2014) ;

— Des algorithmes conçus spécialement pour prendre en compte les erreurs de déplace-ments (Lawson et Hansen, 2005 ; Ravela et al., 2007) ;

— D’autres algorithmes qui reprennent l’approche bayésienne en s’affranchissant (au moins partiellement) de l’hypothèse gaussienne.

1. Fletcher et Zupanski (2006) par exemple proposent une approche variationnelle dans le cas d’erreurs log-normales (travaux poursuivis par Fletcher, 2007 ; Flet-cher, 2010 ; Fletcher et Jones, 2014 ; Kliewer et al., 2015).

2. Plus généralement, Hodyss (2012) et Hodyss et Campbell (2013) ont proposé un algorithme dérivé de l’EnKF qui prend aussi en compte les moments d’ordre 3 et 4 des erreurs d’ébauche. Cet algorithme demande cependant un ensemble d’au moins 100 membres pour estimer ces moments avec fiabilité.

3. Plus récemment, on relève la proposition de Bishop (2016) pour prendre en compte des erreurs distribuées selon une loi Gamma ou Gamma inverse (le schéma Gamma, Inverse-Gamma and Gaussian - EnKF).

Notre thèse étant axée sur l’approche ensembliste variationnelle, nous ne nous sommes pas penchés sur ces méthodes. La plupart d’entre elles restent d’ailleurs numériquement trop coûteuses (peut-être pour un temps seulement) pour des applications à un modèle tel qu’AROME.

D’autre approches sont construites à partir de l’approche variationnelle avec hypothèse gaussienne. Les possibilités sont nombreuses :

— Ajouter des boucles externes dans les minimisations (approche incrémentale, voir section 1.3.3.b). Utiliser plusieurs boucles externes avec re-linéarisation de l’opérateur d’observation permettrait de prendre en compte une partie des non-linéarités. — Appliquer un changement de variable pour rendre les erreurs gaussiennes. Plusieurs

auteurs utilisent une transformation analytique de type logarithmique à cette fin (procédé initialement proposé par Cohn, 1997). Cette technique est adaptée si les variables concernées sont positives, et si leurs erreurs sont log-normales et multiplica-tives. Dans le cas où les erreurs ne sont pas log-normales mais connues avec précision, on peut aussi utiliser une transformation numérique construite sur mesure (procédé d’anamorphose). C’est un procédé couramment utilisé pour l’estimation des cumuls de pluie (Kotsuki et al., 2017, par exemple). Mentionnons également les transformations de variables proposées par Hólm et al. (2002) pour l’humidité. Ces approches ont l’avantage de garantir la positivité de l’analyse.

— Contraindre la positivité des variables. Avec le filtre de Kalman d’ensemble, Janjić et al. (2014) proposent d’utiliser la technique de programmation quadratique pour effectuer l’analyse sous contrainte. Leur approche est reprise avec un angle plus théorique et généraliste par Albers et al. (2019). D’après les auteurs, l’adaptation aux approches variationnelles est théoriquement possible.

Comme la quasi-totalité des tentatives d’analyse des hydrométéores, cette thèse reste basée sur un cadre gaussien et quasi-linéaire, et les différentes possibilités évoquées ci-dessus ne sont pas abordées dans ce travail. La relative souplesse de l’approche variationnelle par rapport aux questions de non-linéarité laissera la possibilité de prolonger ensuite le travail réalisé à des cas non-linéaires et non-gaussiens.

2.3.3 Ajouter une variable de contrôle

Ajouter une variable de contrôle dans un 3DEnVar pur est direct si cette variable est présente dans les membres de l’ensemble d’assimilations. Il suffit de redéfinir les opérations sur les vecteurs d’état (additions, multiplications, application de la localisation, produits scalaires) pour prendre en compte leur extension aux nouvelles variables.

On illustre ici par quelques équations l’extension de la variable de contrôle dans le cas d’un opérateur d’observation linéaire. La généralisation au cas non-linéaire peut être faite via l’approche incrémentale, chaque boucle externe d’un tel algorithme correspondant à un opérateur d’observation linéaire.

Supposons que la variable de contrôle x ∈ Rn soit étendue à x ∈ Rn+m par l’ajout de m paramètres supplémentaires concaténés à la suite de x. Supposons que les observations y et leurs covariances d’erreurs R sont inchangées (on n’assimile pas de nouvelles observations). L’espace de départ change pour l’opérateur linéaire H : Rn → Rp qui devient donc H : Rn+m → Rp. Notons Π1 : Rn+m → Rn l’opérateur qui à tout vecteur de contrôle étendu associe ses n premières composantes (vecteur de contrôle d’origine), et Π2 : Rn+m → Rm l’opérateur qui lui associe les m dernières composantes. Si l’opérateur n’est pas sensible aux nouvelles variables, c’est-à-dire si H = HΠ1, alors il peut s’écrire sous la forme

H = H 0Rp×m  .

De même, la matrice de covariance d’erreurs d’ébauche étendue s’écrit :

B =     Π1T1 Π1T2 Π2T1 Π2T2     =     B BT21 B21 B22     .

L’estimateur BLUE (équations 1.7 et 1.8) donne alors l’analyse : xa= xb+ BHT R + HBHT−1 y − Hxb . En remarquant que HBHT = HΠ

1T1HT = HBHT et en supposant que Π1xb = xb (l’ébauche reste inchangée pour les variables d’origine), on obtient :

Π1xa = xb+ BHT R + HBHT−1 y − Hxb = xa et Π2xa = Π2xb+ B21HT R + HBHT−1 y − Hxb , On note deux caractéristiques intéressantes de ces équations :

1. Les incréments des variables d’origine ne sont pas perturbés par l’extension de la variable de contrôle, tant que l’opérateur d’observation ne dépend pas des nouvelles variables.

2. Des incréments sont produits pour les nouvelles variables même sans observations desdites variables ! En effet, les covariances croisées de la matrice B permettent de projeter les incréments des variables d’origine sur les nouvelles variables, comme illustré en figure 1.9 au chapitre précédent.

C’est l’approche que nous utilisons dans cette thèse pour l’ajout des hydrométéores dans la variable de contrôle. Nous n’utilisons donc pas d’observations directes d’hydrométéores. En particulier, nous n’avons pas étudié la question des opérateurs d’observations sensibles aux hydrométéores, question qui est par ailleurs le sujet de recherches dédiées à Météo-France (voir Thomas et al., 2020 par exemple en ce qui concerne les variables issues des radars à double polarisation). Nous utiliserons cependant les pseudo-profils d’humidité relative déduits des observations radar par la méthode 1D-Bayésien de Caumont et al. (2010).

Notons que le point 2 fournit un moyen peu coûteux pour obtenir l’incrément d’hydro-météores sans observation d’hydrod’hydro-météores. Si lors d’une itération de la boucle externe la minimisation a fourni un vecteur u tel que l’incrément pour les variable classiques est Bu, alors l’incrément pour les hydrométéores se calcule simplement par la projection B21u, sans augmenter le coût de la minimisation proprement dite. Le même procédé peut-être répété à chaque itération de la boucle externe.

Notons finalement que nous nous sommes limités dans cette thèse à l’utilisation d’un 3DEnVar pur ; nous n’avons pas étudié l’apport potentiel d’un terme statique dans la matrice de covariance des erreurs d’ébauche. À partir de maintenant, sauf mention explicite du contraire, les références au 3DEnVar AROME le désignent donc dans sa version purement ensembliste.