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1.4 Assimiler les hydrométéores ? État de l’art

1.4.3 Les méthodes indirectes

Nous commençons par présenter les méthodes indirectes, qui pour des raisons de sim-plicité ont été les premières employées pour assimiler les hydrométéores dans les modèles de PNT. Parmi les méthodes indirectes, on peut distinguer à la suite de Bannister et al. (2019) les méthodes pré-assimilation et les méthodes post-assimilation.

1.4.3.a Méthodes pré-assimilation

Les méthodes pré-assimilation proposent une assimilation en deux temps. Dans un premier temps, en amont du système d’assimilation, les observations sensibles aux hydro-météores sont converties en pseudo-observations, plus « proches » de l’espace du modèle. Par exemple, des radiances micro-ondes peuvent être « interprétées » en profils verticaux d’humidité spécifiques par une méthode 1DVar. Dans un deuxième temps, ces pseudo-observations sont assimilées de manière classique dans un système d’assimilation 3D ou 4D.

Historiquement, cette approche en deux temps a été utilisée dans les premières tenta-tives d’assimilation de radiances satellitaires. Dans ce cas, les pseudo-observations assimilées par les centres de prévision étaient des estimations de profils verticaux de température et d’humidité, fournies par les centres gérant les satellites météorologiques. Cette approche, sous-optimale, a été abandonnée au profit d’une assimilation directe des radiances satelli-taire. Une rétrospective plus détaillée sur l’assimilation de données satellitaires depuis les années 1960 est proposée par Eyre et al. (2019).

Plusieurs raisons théoriques expliquent la sous-optimalité des approches avec pseudo-observations (Bannister et al., 2019, section 5.5 , Eyre et al., 2019, section 3.5) :

— l’ébauche est potentiellement utilisée deux fois (Lopez, 2011), lors de la première esti-mation (calcul des pseudo-observations), puis de la deuxième estiesti-mation (assimilation des pseudo-observations) ;

— estimer les statistiques d’erreurs des pseudo-observations est complexe : elles sont corrélées entre elles au sein d’un profil, possiblement corrélées entre les différents profils si l’ébauche de la première étape est la même pour tout les profils, possiblement de biais non-nul. Elles peuvent également être corrélées avec l’erreur d’ébauche de la deuxième étape, ce qui est contraire aux hypothèses de base de l’assimilation de données. Assimiler directement les observations d’origine permet d’utiliser leurs statistiques d’erreurs d’observation, généralement mieux connues.

Du fait de leur simplicité, ces approches indirectes restent cependant fréquemment utilisées dans un cadre expérimental, ou de manière transitoire pour des observations en attente d’une assimilation plus directe (Geer et al., 2008 ; Lopez, 2011, par exemple).

Plusieurs observations sensibles aux hydrométéores ont été assimilées dans des modèles de PNT via des pseudo-observations.

1. Marécal et Mahfouf (2002) proposent d’assimiler des cumuls de pluie1 par une ap-proche 1DVar + 4DVar. Des profils de température et d’humidité spécifique sont

1. Cumuls de pluies qui sont eux-même des pseudo-observations ! Ils sont reconstitués à partir de données satellitaires dans le cas de cet article.

estimés par une méthode 1DVar, puis le contenu intégré (sommé sur la colonne) en vapeur d’eau est assimilé comme pseudo-observation dans un 4DVar. La même approche est utilisée par Lopez et Bauer (2007).

2. De manière similaire, Bauer et al. (2006) assimilent des radiances micro-ondes affectées par les précipitations, via le contenu intégré en vapeur d’eau (1DVar + 4DVar). On remarquera que la dénomination 1DVar + 4DVar peut être trompeuse pour ces deux premiers items, car elle laisse entendre que les pseudo-observations sont sous la forme de profils verticaux 1D, alors qu’une seule pseudo-observation scalaire est assimilée dans le système 4DVar (bien que cette pseudo-observation scalaire soit obtenue à partir d’un pseudo-profil 1D).

3. La méthode 1DVar + 4DVar est aussi reprise par Janisková (2015), pour assimiler des réflectivités de radar et lidar satellitaires via des profils de température et d’humidité spécifique. Ici, tout le pseudo-profil est assimilée dans le 4DVar.

4. Caumont et al. (2010) proposent d’assimiler des réflectivités radar avec une approche bayésienne non variationnelle pour la première étape. À la manière d’un filtre parti-culaire, chaque pseudo-profil d’humidité relative est construit à partir d’une base de profils a priori, pesés et moyennés en fonction de leur vraisemblance (compatibilité avec les observations radar). Dans la pratique, ces profils a priori sont fournis par les colonnes de l’ébauche au voisinage du point considéré. Le profil d’humidité ainsi ob-tenu est ensuite assimilé comme pseudo-observation dans le 3DVar d’AROME. Cette méthode, qui permet de prendre en compte une partie des erreurs de déplacements, est encore utilisée opérationnellement (Wattrelot et al., 2014).

5. Pour l’assimilation de réflectivités radar, une méthode en deux temps a aussi été proposée par Wang et al. (2013a). Les réflectivités sont localement converties en contenu en pluie ou en vapeur d’eau à saturation (par relations analytiques directes), puis assimilées dans un 3DVar.

6. La méthode 1D-Bayésien de Caumont et al. (2010) a aussi été reprise par Duruis-seau et al. (2019) pour assimiler des observations satellitaires micro-ondes affectées par les nuages (1D-Bayésien + 4DVar). L’assimilation des radiances micro-ondes de l’instrument MHS1 dans ARPEGE à l’aide de cette méthode est prévu pour 2021 (Mahfouf, 2020, communication personnelle). La viabilité de la méthode bayésienne a également été testée pour les radiances infrarouges de IASI dans la thèse d’Imane Farouk (2018), sans réutilisation des pseudo-observations restituées.

1.4.3.b Méthodes post-assimilation

Ces méthodes, parfois dénommées méthodes d’« initialisation diabatique » (Sun et al., 2014) consistent à modifier des variables du modèles après analyse, voire au cours de

l’intégration du modèle.

La méthode de LHN (Latent Heat Nudging) a été initialement utilisée dans des modèles à faible résolution spatiale (Jones et Macpherson, 1997), mais adaptée par la suite aux modèles à échelle convective (par exemple Leuenberger et Rossa, 2007 à MétéoSuisse, Stephan et al., 2008 au DWD1, Dixon et al., 2009 au MetOffice – UK). Le principe de la méthode est de forcer le modèle à correspondre aux cumuls de pluie observés dans les instants autour de l’analyse. Pour cela, on agit au cours de l’intégration du modèle pour injecter (ou retirer) artificiellement de la chaleur latente dans les colonnes du modèle où cela est nécessaire, ce qui est censé favoriser la convection et les précipitations. Cette méthode permet d’assimiler les réflectivité radar 3D via des estimations de cumuls de pluie (approche par colonne de Jones et Macpherson, 1997 ; Davolio et Buzzi, 2004 ; Stephan et al., 2008), voire directement (approche 3D de Benjamin et al., 2016). Un forçage du modèle par un terme d’humidité a également été testé par Davolio et Buzzi (2004). Presque par construction, ces méthodes permettent d’améliorer les scores de précipitation en début de prévision et de réduire le temps de spin-up.

Une autre classe de méthodes peut être désignée sous le nom de cloud analysis schemes. Ces méthodes utilisent des relations thermodynamiques pour ajuster les variables du mo-dèle en fonction des observations, par exemple en supposant que l’humidité doit être à saturation dans les zones nuageuses (Albers et al., 1996 ; Hu et al., 2006). Une méthode similaire est utilisée par Benjamin et al. (2016), qui utilisent des observations satellitaires, de célomètres et de réflectivités radar pour déterminer la base et le sommet des nuages. Selon l’environnement thermodynamique correspondant dans le modèle, ils ajoutent ou en-lèvent du contenu en hydrométéores. Température et humidité sont également modifiées en fonction pour garantir une certaine cohérence et pour limiter les ajustements intempestifs en début de prévision. Malgré la modification des champs d’hydrométéores, on peut parler de méthode « post-assimilation » dans la mesure où cette étape de cloud analysis intervient après une étape d’assimilation des observations plus classiques.

Résumons les avantages et limitations de ces méthodes post-assimilation : — elles permettent l’assimilation d’observations sensibles aux hydrométéores ; — le temps de spin-up ou de spin-down est effectivement réduit par ces approches ; — elles sont numériquement moins coûteuses que les approches directes de type 4DVar

ou filtres de Kalman (Stephan et al., 2008 ; Dixon et al., 2009 ; Wang et al., 2013a), plus rapides pour des applications en prévision immédiate.

En revanche :

— les modifications qu’elles apportent ne permettent pas toujours de créer un environ-nement thermodynamique adapté au maintien des précipitations ou des nuages, de

sorte que l’impact dure rarement au-delà de 6 h ;

— les hypothèses sur lesquelles elles se fondent sont parfois critiquables : problème de l’advection horizontale des précipitations pour le LHN, hypothèses sur les relations entre variables pronostiques et variables observées (Bannister et al., 2019) ;

— elles ne permettent pas une prise en compte rigoureuse des erreurs d’ébauche et d’observation ;

— eles perturbent une analyse supposée optimale, qui a déjà bénéficié de l’information disponible dans la plupart des observations (Renshaw et Francis, 2011).