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2.4 Ajout des hydrométéores dans l’EnVar AROME

2.4.3 Analyses et incréments

Après avoir vérifié la cohérence des fonctions de structure, qui correspondent à des in-créments pour l’assimilation d’une seule observation, nous présentons ici quelques exemples

F i g u r e 2.9 – Colonne d’une matrice B ensembliste localisée avec hydrométéores, section hori-zontale au niveau modèle 70. (a) Auto-covariances de l’humidité. (b) Covariances croisées entre humidité spécifique et eau nuageuse. L’estimation est réalisée à partir d’un ensemble de 50 membres de l’EDA AROME valides le 21 mai 2018 à 15 h TU, et normalisée pour valoir 1 sur la diagonale de la matrice (intersection des lignes pointillées sur le volet a). Le trait bleu horizontal indique la position de la section verticale de la figure 2.10.

d’incréments obtenus lors d’une minimisation impliquant les observations habituellement assimilées dans AROME.

Pour l’implémentation de l’EnVar, les questions de non-linéarité et de non-gaussianité sont mises de côté pour l’instant. La positivité des analyses d’hydrométéores n’est pas ga-rantie, ce qui n’est pas rédhibitoire dans la mesure où le schéma microphysique d’AROME remet à zéro les contenus négatifs lors de tests préalables à toute exécution. Pour les illus-trations de cette section, les contenus négatifs sont systématiquement ramenés à zéro.

Les membres de l’EDA étant à la résolution spatiale de 3,2 km (section 2.1.1), il en est de même des covariances d’erreurs d’ébauche échantillonnées. Tous les vecteurs météoro-logiques de l’assimilation (ébauches, incréments, analyses) sont donc désormais considérés à cette résolution. La compatibilité avec la version opérationnelle du modèle AROME (à 1,3 km) reste possible à condition de faire intervenir une interpolation permettant d’inter-poler l’incrément (3,2 km) à la résolution de l’ébauche (1,3 km) pour obtenir des analyses à 1,3 km (ou des états intermédiaires dans le cas d’un schéma à plusieurs boucles externes). Dans les cas qui nous intéressent, l’ébauche est une prévision à 3 h d’échéance, contenant donc des champs d’hydrométéores non-nuls. Les observations assimilées sont les observa-tions habituelles de l’assimilation d’AROME (voir la figure 1.12 pour un exemple de données assimilées, ou le chapitre 4 pour un détail de ces observations). En particulier, les

observa-F i g u r e 2.10 – Même fonction de structure que la figure 2.9, en section verticale le long d’un parallèle, pour l’humidité spécifique (a) et l’eau nuageuse liquide (b). L’étoile indique la position géographique du Dirac d’humidité spécifique.

tions de réflectivité radar sont assimilées indirectement, via des pseudo-profils d’humidité spécifique (Wattrelot et al., 2014). La minimisation de la fonction de coût de l’assimilation est effectuée avec une unique itération de la boucle externe.

2.4.3.a Illustration sur un cas convectif

La figure 2.11 illustre l’état des contenus en humidité spécifique et hydrométéores nuageux au cours de l’assimilation, pour le cas orageux du 21 mai 2018. Si une expérience de contrôle sans hydrométéores était effectuée, les champs d’hydrométéores de l’ébauche (première colonne) seraient également recyclés dans l’analyse (deuxième colonne), et les incréments d’hydrométéores seraient nuls (dernière colonne). Le caractère globulaire des champs d’hydrométéores, particulièrement marqué pour la glace nuageuse, révèle la présence de cellules convectives. Sans assimilation directe d’hydrométéores, les incréments obtenus sont presque de même magnitude que l’ébauche. L’analyse reste visuellement proche de l’ébauche, mais des modifications significatives sont possibles. C’est le cas pour les cristaux de glace par exemple, où une cellule est ajoutée à l’est de l’embouchure de la Gironde.

De même, des incréments en hydrométéores précipitant sont également générés par l’analyse (figure 2.12). On observera en particulier l’ajout de trois cellules de graupel à l’est de la Gironde. La position des observations radar, indiquée par les croix sur la figure, permet de vérifier que les incréments d’hydrométéores ont bien un sens physique. En particulier, les incréments de neige correspondent bien à la position des observations de réflectivité : de la neige n’est ajoutée dans l’analyse que là où des observations radar sont disponibles. Cette corrélation confirme le fait que les incréments d’hydrométéores sont bien obtenus par les covariances croisées avec l’humidité spécifique dans B, puisque les observations radar sont assimilées sous forme de pseudo-observations d’humidité spécifique.

Quelques sections verticales (2.13) permettent de mieux visualiser l’effet de l’analyse sur les structures convectives. Pour le contenu en cristaux de glace, deux cellules sont nettement visibles autour de 0 °E et 0,2 °E. L’analyse vient atténuer leur intensité (en matière de contenu en hydrométéores) et créer une nouvelle cellule entre 0,4 °E et 0,5 °E. Il est possible que ces corrections soient motivées par l’assimilation indirecte des observations radar, et cherchent à corriger une erreur de positionnement des cellules convectives. Un comportement similaire est observé pour l’analyse du contenu en neige et de manière générale pour les 5 classes d’hydrométéores (non montré).

F i g u r e 2.11 – Cartes de contenu en humidité spécifique (a), en eau liquide nuageuse (b) et en cristaux de glace (c) pour l’ébauche (première colonne), l’analyse (deuxième colonne) et l’incrément d’analyse (dernière colonne), pour une sélection de niveaux verticaux. Le niveau 0 correspond au sommet du modèle, le niveau 90 à la surface. Pour mieux visualiser les incréments, les cartes sont centrées sur l’ouest de la France. Le trait bleu (troisième ligne) indique la position de la section verticale de la figure 2.13. Les croix noires indiquent les réflectivités radar non-nulles assimilées pour la figure (c).

F i g u r e 2.12 – Carte de contenu en pluie (a), neige (b) et graupel (c) pour l’ébauche (première colonne), l’analyse (deuxième colonne) et l’incrément d’analyse (dernière colonne), pour une sélection de niveaux verticaux. Le trait bleu (deuxième ligne) indique le tracé de la section verticale de la figure 2.13. Les croix noires indiquent les réflectivités radar non-nulles assimilées.

F i g u r e 2.13 – Section verticale de l’ébauche et de l’analyse des champs de contenu en cristaux de glace (qi, première ligne) et neige (qs, deuxième ligne).

2.4.3.b Illustration sur une ligne de grain

Nous terminons cette section de visualisation des incréments par un cas moins convectif, à savoir le passage d’une ligne de grain sur le Sud-Est de la France le 25 avril 2019 à 18 h TU (figure 2.14). Le front froid est bien visible sur les cartes de l’ébauche et de l’analyse. L’incrément de température est globalement négatif le long du front, et associé à un incrément positif de pluie. Ce comportement est explicable par les anti-corrélations locales dans la matrice B entre contenu en pluie et température (de manière similaire à la figure 2.8(g)). La ligne de grain est ainsi renforcée en termes de précipitations dans l’analyse obtenue.

Pour évaluer qualitativement les analyses produites, il est possible de se comparer aux restitutions de cumuls de pluie à partir d’observations radar et de pluviomètres (lame d’eau ANTILOPE). La durée minimale d’un cumul de pluie étant de 1 h, nous basons cette comparaison sur les cumuls prévus par une prévision +1 h initialisée par l’analyse étudiée. Le cumul évalué est donc prévu et observé de 18 h (heure d’analyse) à 19 h. Une prévision initialisée par une analyse 3DEnVar sans hydrométéores est également évaluée en tant qu’expérience de référence. Les cumuls prévus (figure 2.15) sont très proches entre les deux

F i g u r e 2.14 – Analyse des champs de température (a, c, e) et de pluie (b, d, f) au niveau 70 du modèle (environ 920 hPa) lors du passage d’une ligne de grain dans le Sud-Est de la France, le 25 avril 2019 à 18 h TU. L’ensemble utilisé est généré par la version opérationnelle de l’EDA AROME (25 membres).

F i g u r e 2.15 – Cumuls de pluie observés et prévus une heure après analyse. (a) Observations de la lame d’eau ANTILOPE ; (b) Cumuls prévus par le 3DEnVar AROME sans hydrométéores en variables de contrôle ; (c) Cumuls prévus par le 3DEnVar AROME avec hydrométéores en variables de contrôle.

expériences, et s’éloignent sensiblement des observations. Cela indique que les modifications apportées par l’analyse avec hydrométéores n’ont pas perduré aussi longtemps qu’espéré dans la prévision subséquente. On note cependant que l’événement précipitant au sud de la ligne de grain, avec des cumuls observés supérieurs à 30 mm/h, a été mieux prédit en termes d’intensité par la configuration avec hydrométéores, ce qui est un résultat encourageant.

Deux raisons principales peuvent expliquer pourquoi l’impact sur les prévisions de pluie semble limité dans cette expérience.

Par rapport à l’expérience de référence, l’analyse étudiée ne diffère que par les champs d’hydrométéores. L’environnement thermodynamique (humidité, température, pression, vents) reste inchangé au début de la prévision, ce qui explique les faibles différences ob-servées sur les prévisions de cumuls de pluie. On peut espérer que la modification de l’environnement thermodynamique soit facilitée par une prise en compte directe des ob-servations d’hydrométéores. Une telle assimilation directe devrait également permettre de renforcer les incréments d’hydrométéores ici obtenus.

Une autre piste d’amélioration réside dans le schéma de localisation utilisé, assez sim-pliste dans ce cas, et qui pourrait ne pas être adapté aux covariances d’erreurs d’ébauche avec hydrométéores.

Nous avons vu dans ce chapitre 2 que la description ensembliste des covariances d’erreurs d’ébauche dans le 3DEnVar en fait un candidat intéressant pour l’ajout des hydrométéores en variables de contrôle de l’analyse. La simple présence des hydrométéores dans l’ensemble

d’assimilations et donc dans la matrice B ensembliste permet d’obtenir des incréments d’hydrométéores, même sans assimilation directe des observations d’hydrométéores.

Nous avons également vu qu’un sujet de recherche important en assimilation de données (variationnelle) ensembliste était celui de la localisation, qui rend abordable l’estimation ensembliste des covariances. Dans l’implémentation actuelle du prototype de 3DEnVar d’AROME, la localisation appliquée pour filtrer les covariances échantillonnées est la même pour toutes les variables. Les courtes échelles spatiales des champs d’hydrométéores amènent à se demander si cette hypothèse reste adaptée pour leurs covariances d’erreurs d’ébauche. Le chapitre 3 vient répondre à cette question à l’aide des diagnostics objectifs de localisation pour covariances d’erreurs d’ébauche avec hydrométéores.

Quelle localisation pour les

hydrométéores ?

Où il est question de la localisation optimale pour les covariances ensemblistes des erreurs d’ébauche des variables d’hydrométéores. Ce chapitre est structuré autour d’un article accepté pour publication au Quarterly Journal of the Royal Meteorological Society (Destouches et al., 2020).

Sommaire

3.1 Tenants et aboutissants de l’article . . . 103