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[Zavtrak, 1995] a théorisé à la fin du siècle dernier la possibilité de créer ce qu’il appelle

un "SASER à bulles". Le SASER est ici l’acronyme de"Sound Amplification by Stimulated

Emission of Radiation", soit en français "Amplification du son par émission stimulée de

rayonnement". Ainsi, le SASER serait au son ce que le LASER est à la lumière.

Le principe est le suivant : des bulles sont générées par électrolyse dans une cavité

remplie d’un liquide diélectrique, comme par exemple de l’eau distillée (voir figure I.13).

Ce liquide bulleux compose le milieu actif du SASER. Le pompage est assuré par un

champ électrique alternatif ou bien par un transducteur : les bulles vont alors vibrer en

volume. La distribution des bulles est supposée initialement uniforme. Si la cavité est

résonante, on peut alors exciter un mode de résonance de la cavité. Grâce aux forces de

radiation, les bulles vont se retrouver au niveau des ventres ou des noeuds de vibration,

induisant ainsi une variation spatiale de la densité de bulles dans le milieu. Elles vont

alors synchroniser leur phase, conduisant à une amplification du mode.

On obtient alors un schéma similaire au laser à électrons libres. Des électrons sont tout

d’abord accélérés au sein d’un accélérateur de particules, puis le faisceau d’électrons (qui

joue le rôle de milieu actif) traverse un onduleur (qui joue le rôle de pompage), composé

d’une série d’aimants dont les pôles sont alternés d’un aimant à l’autre. A chaque passage

par un aimant, le faisceau est dévié et on a émission d’un rayonnement synchrotron. Des

sous-paquets d’électrons vont se former (on appelle cela le microbunching en anglais) et

seront séparés de la longueur d’onde de la lumière synchrotron produite. Ainsi, on obtient

une émission de lumière cohérente temporellement et spatialement.

La théorie du SASER à bulles est détaillée dans [Zavtrak, 1996]. La pression dans le

milieu à bulles satisfait l’équation :

p− 1

c

2

l

t

p=−ρ

f

t2

τ,

τ est le volume relatif de gaz dans le liquide

2

. La translation de la bulle est supposée

36 Introduction

Figure I.13 –

Dispositif théorique imaginé par Zavtrak pour faire un SASER à bulles. Figure extraite de [Zavtrak et Volkov, 1997].

être due principalement à la force de Bjerknes primaire (c’est la force de radiation agissant

sur la bulle du fait de la présence de l’onde primaire) et la force de traînée. La force de

Bjerknes secondaire tenant compte de l’interaction acoustique entre les bulles est quant

à elle négligée. En faisant l’hypothèse que les bulles sont initialement réparties de façon

homogène dans la cavité, et en regardant ce que donne une petite variation par rapport

à cet état initial, Zavtrak montre qu’au-delà d’une pression acoustique seuil, une onde va

être amplifiée dans la direction perpendiculaire à la propagation de l’onde incidente (dans

la direction e

z

de la figure I.13), avec un léger décalage fréquentiel de l’onde (∆ω =ω

0

)

par rapport à l’onde incidente. Cette pression seuil a pour expression :

P

seuil

'c

fq

ηρ

f

δ|ω

0

|,

δ est la constante d’absorption de la bulle, c

l

la vitesse de l’onde acoustique dans le

liquide, η et ρ

f

la viscosité et la densité du liquide. Le décalage fréquentiel ω

0

dépend

essentiellement de la longueur de la cavité et de la quantité de bulles dans l’eau.

[Zavtrak et Volkov, 1997] montre que, quelle que soit la forme cylindrique ou cubique

de la cavité résonante, que les bulles soient monodisperses ou non, l’amplification sonore

est obtenue au-delà d’un seuil d’excitation qui est le même dans tous ces cas, à un seul

facteur numérique près.

Le principe du SASER à bulles n’a jusqu’à présent jamais pu être expérimentalement

prouvé, notamment du fait que la poussée d’Archimède empêche les bulles d’être réparties

de façon homogène dans la cavité. Une solution serait de mettre des bulles dans un

microcanal très large et très fin, dans lequel la poussée d’Archimède ne jouerait pas. On

peut alors se demander si un tel phénomène d’amplification pourrait être observé.

3 Les enjeux acoustiques 37

Objectifs de la thèse et son plan

Le confinement de microbulles dans un canal dont l’épaisseur est bien plus petite

que sa largeur peut donc avoir un grand potentiel, autant pour ce qui est de générer

du mélange dans des écoulements laminaires que pour créer des matériaux acoustiques

aux propriétés super-absorbantes ou au contraire amplificatrices. Dans tous ces cas, le

couplage acoustique des bulles est la clé pour obtenir des effets collectifs puissants.

L’objectif de cette thèse est de comprendre comment ce couplage acoustique peut se

faire dans une géométrie microfluidique, et quels sont les effets de ce couplage. La suite

de ce manuscrit se compose de quatre chapitres.

Dans lechapitre II, nous décrirons en détail le dispositif expérimental. La géométrie

des microcanaux utilisée sera exposée dans une première partie. Nous expliquerons

com-ment il est possible de fixer la position des bulles pour mieux les étudier. Dans la deuxième

partie, nous discuterons les avantages et inconvénients des deux dispositifs d’excitation

acoustique qui ont été imaginés, à savoir l’excitation in-situ à l’aide d’une lame de verre

positionnée au plus près des bulles et l’excitation externe, où l’onde sonore est générée

par un transducteur positionné loin des bulles. Enfin, la troisième partie sera consacrée à

la méthode employée pour analyser les vidéos de pulsation des bulles.

Lechapitre IIIsera dédié à l’analyse et la compréhension de la vibration d’une bulle

isolée dans ce microcanal. Dans un premier temps, nous montrerons que la déformation

d’une telle bulle confinée sous ultrasons peut être considérée comme bidimensionelle. Nous

commenterons les courbes expérimentales de résonance de la bulle et les comparerons au

modèle 2D, où la bulle est considérée comme cylindrique. Pour expliquer les différences

ob-tenues entre expérience et théorie, nous introduirons dans un deuxième temps un nouveau

modèle tenant compte de l’élasticité des murs du canal. Nous discuterons les différents

termes d’amortissement intervenant dans notre géométrie. Nous montrerons alors que la

bulle se comporte comme un réémetteur d’ondes acoustiques, et que ces ondes sont

prin-cipalement des ondes de surface qui se propagent au niveau du mur du canal. Enfin, dans

un troisième temps, nous regarderons ce qu’il se passe quand on excite les bulles à plus

forte amplitude : des modes de surface paramétriques apparaissent sur le pourtour de la

bulle. Ce sont ces modes que nous étudierons en détail. Nous chercherons à comprendre

pourquoi ils apparaissent et quelles sont les conditions pour voir apparaître ces modes.

Le chapitre IV traitera de l’écoulement hydrodynamique qui se développe autour

de ces bulles confinées. Nous nous attacherons d’abord à comprendre l’écoulement généré

par la pulsation d’une bulle seule. Nous verrons que les tourbillons engendrés par cette

pulsation d’une part se trouvent soit dans le plan soit dans la tranche du canal, et d’autre

part qu’ils sont de faible portée. Pour créer des écoulement de plus grande portée, nous

montrerons qu’il est nécessaire de combiner au moins deux modes non paramétriques.

Pour cela, il est nécessaire d’avoir soit une deuxième bulle, soit un mur à proximité de la

première bulle. Nous montrerons que le couplage des bulles via les ondes de surface a une

importance sur la géométrie et sur le sens de l’écoulement généré. Nous expliquerons

com-38 Introduction

ment retrouver les lignes de courant associées à ces interactions de modes et comparerons

le modèle obtenu aux écoulements observés expérimentalement.

Pour terminer, lechapitre V sera consacré aux effets collectifs de bulles. Nous

ver-rons dans une première partie que le couplage des bulles par les ondes de surface a comme

conséquence directe une auto-organisation des bulles libres dans le microcanal. Celles-ci

se mettent en réseau triangulaire ou carré, avec un pas de réseau dépendant

essentielle-ment de la fréquence d’excitation et des propriétés élastiques du matériau constituant le

microcanal. Nous montrerons également qu’il est possible d’ancrer les bulles sans pour

autant les empêcher de se déplacer. Nous verrons que le pas du réseau de bulles ancrées

est adaptable en faisant varier la fréquence d’excitation. Dans une deuxième partie, nous

chercherons à identifier les conditions d’amplification de la pulsation dans un réseau de

bulles ancrées. Nous essaierons de comprendre si une synchronisation de la pulsation des

bulles est possible dans le cas d’un réseau triangulaire ou carré de bulles et enfin

cherche-rons à voir si des bulles présentant un mode paramétrique se réorientent en interagissant

avec leurs voisines.

II. Production, excitation et

observa-tion de microbulles confinées

Ce chapitre contient une description du dispositif expérimental et des techniques

d’analyse utilisées pour décrire la pulsation des bulles. Au cours de ce projet, deux

dis-positifs expérimentaux ont été considérés. Dans les deux cas, les bulles sont générées et

observées dans une puce microfluidique. Le premier type de dispositif consiste à introduire

du son au plus près des bulles, en insérant une lame de verre dans la puce pour relayer le

son. Le deuxième consiste à immerger la puce dans une piscine d’eau où un transducteur,

lui aussi immergé, vient exciter les bulles depuis l’extérieur du canal.

Nous décrirons dans un premier temps les puces microfluidiques utilisées, puis nous

préciserons les types d’excitation choisis, et enfin nous proposerons une méthode d’analyse

des vibrations des bulles.

1 La puce microfluidique