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La santé psychologique est une composante fondamentale de la santé de l’être humain. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS) (2013), la santé psychologique est davantage que l’absence de troubles mentaux. Elle réfère plutôt à « un état de bien-être dans lequel une personne peut se réaliser, surmonter les tensions normales de la vie, accomplir un travail productif et contribuer à la vie de sa communauté ». La santé psychologique au travail peut être définie de nombreuses façons. La définition retenue ici est celle selon laquelle elle consiste en « un fonctionnement harmonieux, agréable et

5 « La situation de travail correspond à un état qu’il est possible de décrire dans ses différents éléments et qui

est vécu par les personnes placées dans un cadre de travail particulier, c’est-à-dire une configuration particulière de déterminants. Les relations qui s’établissent entre les personnes et le cadre de travail font partie de la situation de travail » (St-Vincent, et al, 2011)

efficace d’une personne qui fait face avec souplesse aux situations difficiles au travail en étant capable de retrouver son équilibre » (Brun, Biron & St-Hilaire, 2009, p. 3). Selon les auteurs de cette définition, la santé psychologique au travail est influencée par les composantes associées au travail et son organisation (autonomie, reconnaissance, charge et exigence du travail, communication, soutien social, conciliation travail famille), par les caractéristiques des travailleurs (personnalité, santé physique, histoire personnelle, dimensions affectives, compétences, stratégies d’adaptation utilisées) et par leur environnement social (amis, famille, communauté).

Dans le cadre de cette thèse, le terme santé psychologique a été favorisé à celui de santé mentale. Les deux termes s’intéressent à des dimensions similaires de la personne, mais le choix du terme utilisé a été réalisé en regard de son acception positive, non pathologique et puisque la vision biopsychosociale de la santé psychologique au travail permet de prendre en compte plusieurs facteurs lorsqu’elle est questionnée. D’ailleurs, la promotion de la santé psychologique au travail prend de plus en plus d’importance, autant dans les préoccupations managériales qu’en recherche. Elle tend même à prendre la place des considérations liées aux problèmes de santé mentale au travail. Par exemple, le nombre de publications scientifiques portant sur le stress au travail a connu une croissance importante et constante jusqu’au début des années 2000 et a plafonné par la suite, jusqu’à décroitre dans le début des années 2010 (Väänänen, Murray & Kuokkanen, 2014). Un changement de discours en ce qui concerne la problématique de la santé mentale au travail émerge durant cette période; plutôt que d’utiliser les termes de problèmes de santé mentale au travail, les termes liés à la santé psychologique et au bien-être au travail sont favorisés (Wainwright & Calnan, 2011). Le bien-être au travail peut être défini comme une expérience subjective positive où le travailleur tend à exprimer le meilleur de lui-même dans une situation donnée. Cette expérience lui permet de se construire à travers ses relations sociales au travail et dans les interactions avec l’organisation dans laquelle il évolue au fil de sa carrière (Dagenais-Desmarais & Privé, 2010). Le bien-être au travail se traduit par un sentiment, une sensation d’épanouissement, de confort, de satisfaction générale (Brun, Biron & St-Hilaire, 2009) et est une composante importante de la santé

psychologique au travail. En effet, le bien-être au travail est l’une des composantes visées lorsqu’il est question de santé psychologique au travail.

1.3.1. Problèmes de santé psychologique des travailleurs

Les problèmes de santé au travail sont croissants, notamment les problèmes de santé psychologique. En effet, au Canada comme dans plusieurs pays industrialisés, la prévalence du stress, de l’anxiété, ainsi que de la dépression est très élevée et ne cesse d’augmenter avec les années (SC, 2012). Par exemple, douze pour cent de la population québécoise âgée de 15 ans et plus a vécu un épisode dépressif au cours de sa vie (SC, 2012). Ce phénomène serait d’ailleurs lié, entre autres, aux effets des nouvelles formes de travail sur l’environnement psychosocial du travail (Vézina, 2010). Au Canada, le tiers des demandes d’indemnisation pour absence de courte et de longue durée sont associées à un ou des problèmes de santé psychologique (Sroujian, 2003). De plus, selon les données de Statistique Canada (2012), les personnes en emploi sont plus susceptibles de mentionner que la plupart de leurs journées sont assez ou extrêmement stressantes, comparativement à celles qui ne sont pas en emploi.

Les problèmes de santé psychologique des travailleurs ont divers effets sur l’organisation de travail. Par exemple, les répercussions financières sont importantes. Effectivement, les employeurs doivent composer avec une augmentation de leurs primes d’invalidité et des coûts occasionnés par le remplacement des travailleurs absents. Par exemple, les coûts reliés aux problèmes de santé psychologique sont d’approximativement de 16 milliards de dollars par année pour les entreprises canadiennes (Emploi Québec, 2017). Outre l’absentéisme, les troubles psychologiques contribuent dans une large mesure au « présentéisme », c’est-à-dire la baisse du rendement des travailleurs qui continuent de travailler malgré un problème de santé (Gosselin & Lauzier, 2011). Finalement, les problèmes de santé psychologiques peuvent être source de conflits au travail. Par exemple, le caractère invisible et stigmatisant des problèmes de santé psychologique peut être lié à des malentendus, du ressentiment et des tensions entre collègues (Samra, Gilbert, Shain, Bilsker, 2012).

1.3.2. Risques psychosociaux au travail

Les problèmes de santé psychologique au travail ont fait l’objet d’une quantité importante de travaux de recherche dans les dernières années, compte tenu de l’importance du phénomène, tant au niveau de sa prévalence, de son impact sur la capacité des travailleurs à remplir leurs rôles productifs au sein des entreprises, qu’aux coûts engendrés pour les organisations.

De ces travaux, ceux traitant des risques psychosociaux se démarquent par leur abondance. Basés principalement sur les recherches en lien avec le paradigme du stress (notamment Arsenault & Dolan, 1980, Karasek & Theorell, 1979, Siegrist, 1996), les travaux traitant des risques psychosociaux visent, dans une logique préventive, l’identification de facteurs de risque relatifs à la source des problèmes de santé mentale au travail. Le travail y est considéré à la fois comme un élément favorable au bien-être, mais aussi pouvant renfermer des défis difficiles à surmonter et alors, s’avérer être un élément contraignant.

Selon Richard (2014), il semble qu’en raison de la dominance des modèles d’adaptation au stress dans le domaine d’étude lié à la santé psychologique au travail, plusieurs discours préventifs continuent d’appuyer sur l’importance de la responsabilité individuelle des travailleurs en délaissant la responsabilité de l’organisation à considérer la souffrance au travail. Pourtant, le travail correspond surtout à une activité qui est influencée par tout un ensemble de variables externes au travailleur lui-même. De fait, les évidences scientifiques avancées par les travaux relatifs aux risques psychosociaux ont pu établir des liens entre les contraintes organisationnelles, qui découlent de l’organisation du travail et de certaines pratiques de gestion, et le développement de problématiques sur le plan de la santé physique et psychologique (voir notamment Chouanière, 2017 ; Maranda & Fournier, 2009 ; Robone et al., 2011 ; Vézina, 2010). Les risques psychosociaux les plus souvent associés à des impacts négatifs sur la santé psychologique des travailleurs sont : une latitude décisionnelle faible (apprentissage et de participation aux décisions limité), des exigences psychologiques élevées, des relations difficiles avec les supérieurs et les autres travailleurs, un déséquilibre entre l’effort fourni et la reconnaissance au travail, l’insécurité d’emploi et l’imprévisibilité du travail (St-Arnaud et al., 2010). Par exemple, dans leur étude portant

sur l’effet sur la santé des conditions de travail auxquelles ont été soumis de travailleurs retraités tout au long de la carrière, Barnay et Defebvre (2017) indiquent que l’exposition aux risques psychosociaux au travail augmente significativement les chances de connaître des troubles anxieux ou épisodes dépressifs une fois à la retraite, résultats plus marqués chez les femmes que chez les hommes. Ils ajoutent que l’exposition aux risques psychosociaux est autant dommageable pour la santé des travailleurs âgés dans toutes ses dimensions que l’exposition aux contraintes physiques. Les conditions de travail influencent à la fois la santé autodéclarée et le bien-être (Fletcher et al., 2011).

Si l'importance des problèmes de santé psychologique au travail a été bien circonscrite, la compréhension de l'origine de ces problèmes et les pistes à favoriser pour les contrer restent encore à être explorées (Vézina, 2010). Dans cette perspective, les moyens pour favoriser la santé psychologique au travail ont fait l’objet de plusieurs études scientifiques et réflexions dans les dernières années. Entre autres, la réduction des facteurs de risques psychosociaux permettrait de favoriser une santé psychologique optimale au travail (Saint- Arnaud & Vézina, 2010; Vézina, 2010).

1.3.3. Santé psychologique du travailleur vieillissant

Au travail, les personnes vieillissantes s’exposent à une possible fragilisation de leur santé (Volkoff & Gaudart, 2006) et ce, en raison de plusieurs facteurs. Tout d’abord, elles peuvent être exposées à des conditions professionnelles pénibles tout au long de leurs carrières dont les atteintes à la santé se manifestent en fin de vie active (Lasfargues, Molinie & Volkoff, 2005). Par exemple, ces dernières peuvent vivre une difficulté à concilier leurs capacités avec les exigences de leurs emplois (Volkoff, Molinier & Jolivet, 2000) et percevoir comme plus pénibles leurs conditions de travail. Cette perception est influencée par différentes composantes, dont le sentiment de ne plus être considéré comme apte à réaliser l’emploi, la présence de stigmatisation, ou encore la perception de ne pas détenir une marge de manœuvre suffisante dans la réalisation des tâches.

Dans une étude portant sur les travailleurs vieillissants du secteur de l’éducation, Cau- Bareille (2016) constate que dès l’âge de 50 ans, les travailleurs sont nombreux à percevoir

un nombre croissant de difficultés dans leur activité de travail. Allant d’une augmentation de l’astreinte6 liée à la pratique du métier, en passant par le sentiment de devoir mobiliser davantage de ressources que lorsqu’ils étaient plus jeunes, les enseignants plus âgés semblent devenir plus à risque de développer des problématiques de santé. « Se dégage alors un sentiment de culpabilité renforçant leur mal-être en fin de carrière, d’où le déploiement d’un surcroît d’énergie pour tenter de compenser ce qu’ils n’arrivent plus à maîtriser, des efforts qui vont accentuer encore la fatigue déjà installée » (Cau-Bareille, 2016, p. 17).

Dans leur étude portant sur les conditions de travail et leurs impacts sur l’état de santé des travailleurs vieillissants, Debrand et Lengagne (2007), indiquent qu’en matière de santé et de pénibilité au travail, les principaux facteurs corrélés au risque de dépression pour cette catégorie de travailleurs sont un manque de soutien au travail et un sentiment d’insécurité en emploi. Or, en Amérique du Nord, plus de 80 % des travailleurs âgés déclaraient en 2011 avoir subi au moins une situation de discrimination au travail entraînant une perception de vulnérabilité au cours de l'année précédente (Chou & Choi, 2011), tandis que près de 40 % ont déclaré avoir l'impression d'être plus surveillés que leurs collègues plus jeunes et près de 50 % croyaient qu'ils n'étaient pas pris au sérieux par leur employeur (Parry & McCarthy, 2017). L’étude de Debrand et Lengagne (2007) appelait, pour sa part, à des recherches dans le domaine de la prévention des risques organisationnels en portant une attention particulière aux effets des changements organisationnels sur cette population en identifiant les facteurs qui leur permettent de faire face aux transformations de leur activité de travail.

La fragilisation de la santé en cours de vieillissement au travail n’est toutefois pas une fatalité. « À mesure que des déclins apparaissent, à mesure que se constitue l’expérience des situations où l’on s’est trouvé en difficulté, à mesure aussi que la construction des compétences offre une plus grande diversité de modes opératoires possibles, les travailleurs peuvent ré-élaborer des compromis entre les exigences de la tâche et leurs propres capacités

6 Les astreintes sont les effets à court, moyen ou long terme du travail sur l’état psychologique ou physique

» (Volkoff & Gaudart, 2006, p. 53). Par contre, pour être en mesure de le faire, l’organisation du travail doit leur offrir cette possibilité de compromis.

1.3.4. Les effets de l’innovation sur la santé des travailleurs

Certains travaux se sont intéressés aux impacts des transformations des pratiques sur les travailleurs (Alderson et al., 2011 ; Aubry, 2012; Therriault, 2010). Ces travaux ont permis de constater que les transformations au travail ne sont pas sans effet chez les travailleurs. En effet, les modifications des tâches de travail peuvent avoir des incidences directes sur leur santé, les exposant à des niveaux importants de tension et à des situations de plus en plus contraignantes (Therriault, 2010). Par contre, l’étude des écrits scientifiques permet de constater que peu d’études portent directement sur le lien entre l’innovation et ses effets directs chez les travailleurs.

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