• Aucun résultat trouvé

Chapitre 2- Le contexte d’innovation étudié

2. L’innovation étudiée

2.1. Mise en contexte

Sans dresser le portrait exhaustif de l’ensemble des transformations du secteur de la santé et des services sociaux au Québec, il est tout de même possible de cerner différents courants ayant marqué l’évolution de cet important secteur d’activité. Tout d’abord, la réforme Castonguay et l’adoption de la Loi sur les Services de santé et les services sociaux en 1971 a amené l’état à s’approprier le contrôle et la gestion des services de santé et des services sociaux, remplaçant les communautés religieuses par une distribution du pouvoir entre gestionnaires et professionnels de tous genres (Larivière, 2013). La décennie qui suit s’est caractérisée par la mise en place d’institutions ayant des mandats variés, dont les Comités de santé et sécurité (CSS), les Centres hospitaliers, les Cliniques d’aide à l’enfance et les Centres locaux de services communautaires (CLSC). La mise sur pied de ces

établissements visait à favoriser un accès égalitaire aux services à la population. Or, différents enjeux apparaissent rapidement avec cette réforme, dont « l’accroissement de la centralisation de la prise de décision, une croissance de la demande pour les soins curatifs, des enjeux interprofessionnels, et augmentation de la dominance dans le travail de la santé de la profession médicale » (Larivière, 2007, p.25). À la fin des années 1980, la Commission Rochon a été chargée de trouver des pistes afin de réduire les dépenses du système de santé. Elle a produit un rapport appuyant la mise sur pied de mesures et de propositions conduisant à une transformation technocratique du système, où les techniques de gestion ont été empruntées au secteur privé. Au début des années 1990, la Réforme Côté donne de nouvelles orientations au réseau de la santé et des services sociaux alors reconfiguré pour être orienté vers le citoyen, menant à une décentralisation des services et un virage vers la communauté (Grenier, Bourque & St-Amour, 2014). Le système de santé a alors dû s’ajuster rapidement aux nouveaux besoins de la population et le citoyen a été placé au centre des préoccupations et perçu comme le principal consommateur des services. En 2000, la Commission d’étude Clair portant sur la question du financement du système, a mis l’accent sur la gestion par résultats, la reddition de compte, l’efficience et l’imputabilité. À sa suite, le Projet de loi 25 a été adopté en 2003. Il s’agit de la Loi sur les agences de développement de réseaux locaux de services de santé et de services sociaux qui a morcelé le réseau en fonction de territoires distincts en créant les Agences de santé et de services sociaux (ASSS) et les Centres de santé et de services sociaux (CSSS). Par ailleurs, depuis les années 2000, le recours au secteur privé devient de plus en plus fréquent. Dans son sillage, la considération accrue pour l’amélioration des processus a fait apparaître des techniques de gestion empruntées au modèle japonais.

Entre autres, l’instauration d’un plan national de réorganisation selon la philosophie de gestion du Lean Management8 (Tardif, 2016). Finalement, en 2014, le ministre de la santé Gaétan Barrette annonce une réforme qui, rapidement, modifie la structure de l'appareil de santé par l'abolition des ASSS et la centralisation de l'administration au sein de Centres intégrés de santé et de services sociaux (CISSS). Ce bref aperçu historique de l’évolution

8 Mode de gestion qui vise une amélioration continue des performances en priorisant les actes à valeur ajoutée

du secteur de la santé et des services sociaux du Québec permet de constater que plusieurs transformations profondes l’ont marqué à travers les années (Dallaire & Normand, 2005; Tissioui, Scouarnec & Joffre, 2016).

2.1.1. L’innovation dans le secteur de la santé et des services

sociaux

Une innovation en santé, en plus de répondre aux critères des innovations technologiques et non technologiques adoptés dans cette thèse, possède trois attributs spécifiques; elle améliore le rapport d’efficience entre les résultats pour la clientèle desservie et les coûts pour le système, elle est implantée et adoptée par les acteurs du réseau (intervenants, patients, aidants naturels), et elle a pour objectif de générer un retour sur l’investissement positif pour le contribuable (Benomar, et al., 2016).

Bien que les innovations de type technologiques soient très présentes dans le paysage du secteur de la santé et des services sociaux, les innovations non technologiques y sont très importantes. Elles se caractérisent, entre autres, par des innovations sociales et politiques, telles que des méthodes contemporaines pour les professionnels afin de travailler en collaboration avec différents acteurs, des moyens novateurs pour inclure les patients dans les soins et de nouvelles façons de financer et d’organiser les services de santé (Groupe consultatif sur l’innovation des soins de santé, 2015). Certaines de ces innovations se retrouvent de manière macroscopique (à l’échelle provinciale), dans les différents paliers du système de la santé et services sociaux du Québec. Par contre, un grand nombre se retrouve plutôt sur le plan microscopique (à l’échelle régionale). En effet, plusieurs projets novateurs voient le jour chaque année, sans toutefois réussir à s’implanter à plus grande échelle, ce qui constitue l’un des problèmes fondamentaux de l’innovation dans ce secteur d’activité (Smith, 2013). Le partage à plus grande échelle des pratiques innovantes, de manière à ce que les innovations ne demeurent pas simplement des projets pilotes, constitue un enjeu important. Pour répondre à ce défi, le groupe consultatif sur l’innovation des soins de santé, dans son rapport final publié en 2015, a énoncé différentes recommandations au Gouvernement du Canada. Entre autres, en plus de la création d’un Fonds d’innovation pour les soins de santé ayant pour objectif d’appuyer des initiatives à forte incidence pour accélérer la propagation et le déploiement à grande échelle d’innovations, elle invite à une

collaboration plus importante des différents acteurs du système de santé. Cela implique une mobilisation des acteurs vers une transformation profonde de l’organisation du système et vers des actions concrètes en ce sens (Danan, et al., 2014). Les travailleurs de la santé, aux différents paliers organisationnels (décideurs, chercheurs, intervenants) ont ainsi été interpellés et encouragés à prendre part aux innovations afin d’en optimiser l’actualisation. Dans les prochaines années, une exposition accrue aux processus d’innovation pour les travailleurs de ce secteur d’activité est ainsi à prévoir.

Documents relatifs