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Le Salvador : Entre la Mésoamérique et l’Aire Intermédiaire

Chapitre 1: Cadre spatio-temporel et culturel de l’étude

III. Le Salvador : Entre la Mésoamérique et l’Aire Intermédiaire

Le territoire salvadorien occupe une position géographique à la jonction entre deux aires culturelles couvrant une extension maximale relativement similaire (2600 km pour la Mésoamérique contre 2300 km pour l’Aire Intermédiaire). Les vestiges du Salvador ont dont été abordés par les archéologues selon deux points de vue interprétatif, ou cadres de la pensée . Il y a d’une part les chercheurs qui ont voulu voir dans le Salvador un territoire périphérique de la Mésoamérique, tout en reconnaissant très tôt la spécificité culturelle de l’espace géographique situé à l’est du cours inférieur du fleuve Lempa. L’autre école de pensée consiste à voir dans le territoire salvadorien et le Centre du Honduras un espace culturel autonome et indépendant qui a entretenu des échanges plus ou moins intenses avec la Mésoamérique selon les époques et les régions, mais aussi avec les cultures de l’Aire intermédiaire.

A. Le Salvador depuis une perspective mésoaméricaine

1. Paul Kirchhoff

Le terme Mésoamérique se réfère à une aire culturelle mise en évidence par Paul Kirchhoff en 1943, dont il délimite les frontières au XVIe siècle (fig. 35). Une aire culturelle définit des groupes humains et c’est pour cette raison que ses limites, tout comme son homogénéité sont relatives et évolutives. Pour Paul Kirchhoff, la Mésoamérique est une aire culturelle formée de cultivateurs supérieurs, mais qui intègre aussi certains groupes avec un niveau de développement inférieur comme les Lencas notamment180. Les termes de supérieur et inférieur dans cette définition apparaissent aujourd’hui déplacés et on préfèrera évoquer simplement la présence de centres politiques d’envergure mineure dans le sud de cette région. Malgré les différences ethniques de tous les groupes qui la composent, il existe en Mésoamérique une certaine communauté. Cette proposition a été remise en question et fait encore souvent l’objet de débats tant apparaissent diverses les cultures de la Mésoamérique. Kirchhoff établit une liste d’une quarantaine de traits culturels diagnostics exclusifs de la Mésoamérique qui incluent la construction de pyramides à degrés et de jeux de balle, l’écriture glyphique, un

133 système de calendrier, des formes spécifiques de sacrifice humain, l’astronomie, la culture du cacao et de l’agave, la fabrication de lames prismatiques en obsidienne, de miroirs de pyrite etc.181

Les critiques apportées à la définition de la Mésoamérique de Kirchhoff se concentrent sur ces éléments proposés qui apparaissent isolés182, d’autant plus qu’aucune gradation par importance n’est proposée. Le dynamisme produit de l’interaction des populations provenant des différents territoires de la Mésoamérique, et qui ont dû la définir, ne transparaît pas non plus dans la proposition de Kirchhoff183. D’autres auteurs vont plus loin et font la proposition de distinguer dans cette zone six civilisations ou six régions indépendantes ; l’aire maya, le centre du Mexique, Oaxaca, le Chiapas, la côte inférieure du golfe du Mexique et l’Occident184. D’un pont de vue archéologique, la reconnaissance du caractère mésoaméricain est parfois difficile à déterminer puisque ses spécificités sont en grande partie immatérielles et pas exclusives à cette région185. Cette caractérisation est d’autant plus difficile quand on arrive aux limites de l’aire culturelle.

Dès 1943, la Mésoamérique s’est insérée à l’intérieur d’un espace géographique déterminé. Localisée entre l’Amérique du Nord et l’Amérique du Sud, ses limites comprennent le nord du Mexique et s’étend jusqu’au Costa-Rica (Péninsule de Nicoya), en incluant le Belize, le Guatemala, l’Ouest du Honduras, le Salvador et le versant Pacifique du Nicaragua (tab. 9). Toutefois, selon les auteurs et les critères pris en compte, plusieurs propositions ont été données quant à ses frontières. En parlant de la limite sud, Kirchhoff explique qu’au moment de la Conquête, les dernières ethnies de culture mésoaméricaine de la frontière sud (qui va, plus ou moins depuis l’embouchure du fleuve Motagua au Golfe de Nicoya, en passant par le lac de Nicaragua) étaient les Chortis, les Lencas (et peut-être les Matagalpas), les Subtiabas, les Nicaraos et les Chorotega-Mangues)186. Au-delà de cette limite, se distinguaient en grande partie des peuples de cultivateurs « inférieurs » (les Jicaques, les Payas, les Sumos et les Misquitos), et sur une petite portion des peuples de cultivateurs « supérieurs » (les Chibchas) (ibid.). 181 Darras 2000, p. 143 182 Romero 1999, p. 239 183 Romero 1999, p. 238 184 Williams et Weigand 2011, p. 19 185 Creamer 1987, p. 37 186 Kirchhoff 1960, p. 7

134 Figure 35 : Carte des limites de la Mésoamérique à la moitié du XVIème siècle par

Kirschhoff en 1943 187 2. Gordon Willey

Selon Willey, avec l’adoption progressive de l’agriculture autour de 1500 av. J.-C., la Mésoamérique s’unifie en tant qu’aire culturelle188. Cette unité s’exprime par le biais d’une technique agricole mixte de cultures complémentaires appelée la milpa (maïs, haricot et courge) complétée par d’autres plantes comestibles domestiques comme le cacao, le manioc, l’agave et de nombreux fruits et légumes (ibid.). En 1962, Gordon Willey apporte une périodisation de l’aire mésoaméricaine. Il distingue trois phases qui se différencient par le degré technologique de subsistance atteint par les groupes humains 189.

En plus de ce cadre chronologique, et afin de mieux signifier les diversités présentes à l’intérieur de la Mésoamérique, Willey distingue dix aires culturelles sur ce vaste territoire (tab. 9). Il dénomme les régions suivantes : les Hautes terres mayas, les Basses terres mayas, la Périphérie Sud, le Sud de Veracruz-Tabasco, Oaxaca, Guerrero, le Mexique central, le Centre de Veracruz, la Région huastèque, l’Ouest et la Frontière Nord190 (fig. 36). Notre cadre d’étude se situe principalement dans la Périphérie Sud ; c’est une région occupée par des peuples aux langues diverses, à des moments

187 Kirchhoff 1960, p. 6

188 Willey 1962, p. 91

189 Willey 1962, p. 84

135 différents191. Willey cite les groupes Maya, Pipil, Lenca, Jicaque et Chorotega et ajoute que dans cette zone, les cultures mésoaméricaines se nuancent et se mélangent avec les cultures de la Basse Amérique Centrale.

Au Préclassique, les cultures de la vallée de la rivière Ulua, du Lac Yojoa et Yarumela dans la vallée de Comayagua au Honduras montrent des traits culturels clairement mésoaméricains192. C’est le cas également dans l’Ouest du Salvador du Préclassique au Postclassique. Au Classique au Honduras, des influences de la Basse Amérique Centrale sont particulièrement perceptibles au nord-est de la zone193. En ce qui concerne la côte Pacifique du Nicaragua et la Péninsule de Nicoya, Willey explicite qu’elles font beaucoup moins parties de la Mésoamérique que l’ouest du Honduras et du Salvador (ibid.). C’est uniquement durant les derniers siècles avant la Conquête que des influences stylistiques dans la poterie du Costa-Rica et du Nicaragua suggèrent l’appartenance de cette région à la Mésoamérique (ibid.). Les migrations des peuples de langue nahua du Centre du Mexique, comme les Bagaces, Nicarao et Nahuatlato, expliquent ces changements (ibid.). Le paysage archéologique de la frontière sud de la Mésoamérique est complexe puisque les influences de cette région sont mélangées avec des souches de cultures de la Basse Amérique Centrale ; il n’y a pas de cassure géographique qui sépare les deux (ibid.).

En revanche, la partie ouest du cadre d’étude appartient aux Hautes terres mayas, et dans une moindre mesure l’extrémité nord-ouest, aux Basses terres mayas. Les Hautes terres, comme les Basses terres mayas ont été, et perdurent encore comme le lieu de vie des peuples de langues mayas. Dans les Hautes terres, on note également la présence de peuples dont la langue est le pipil, ainsi que d’autres petits groupes, tandis que, au sujet des Basses terres, Willey explique que c’est le lieu où la civilisation Maya Classique a prospéré (ibid.).

191 Willey 1966, p. 88

192 Willey 1966, p. 168

136 Figure 36 : Carte des limites de la Mésoamérique à la moitié du XVIème siècle par Willey

en 1966 194 3. John Longyear

La même année, John Longyear propose une étude archéologique du Salvador dans le : Handbook of Middle American Indians. Archaeological Frontiers and External

Connections. Il commence en insistant dès les premières lignes sur la dichotomie entre

les deux régions du Salvador séparées par le cours inférieur du fleuve Lempa195 (tab. 9). Il affirme que cette division est soutenue par toutes les évidences archéologiques et explique qu’à l’ouest du fleuve la population est maya, probablement poqomam pendant une bonne partie de l’époque préhispanique, et elle est en revanche pipile au moment de la Conquête196. La région Est du pays est, elle, lenca depuis l’époque préhispanique et par la suite (ibid.). Il concède toutefois que la portion nord du Lempa, dans cette partie

194 Willey 1966, p. 86

195 Longyear 1966, p. 132

137 du pays, est presque inconnue archéologiquement et historiquement parlant mais assume, en s’appuyant sur Lothrop (1930), que la population était chortie avant et après la Conquête. Cependant, dans l’article cité par Lonyear, Lothrop fait plutôt part d’une impression 197:

« (…) il semble très probable que le chorti était également étendu vers l’est de Chalatenango mais on ne peut pas être sûr de cela. »

Dans la partie nord de l’Est du pays, il reconnaît aussi la présence d’une enclave matagalpa (cacaopera).

Au sujet de l’Est du Salvador, il affirme198 :

« (…) j’ai ramassé des tessons polychromes de type Classique à la surface d’un monticule à Santa Rosa, près du sommet du Cerro Cacahuatique, dans le département de Morazan, et de l’île de Conchagua dans le Golfe de Fonseca. »

Pour le Postclassique, il évoque une série de pendants de jade qu’il associe aux Chorotegas (dont il avait déjà présenté une photographie en 1944199), pour lesquels la production est située aujourd’hui entre 500 et 750 apr. J.-C.

Longyear conclut en expliquant 200:

« Pour le moment, il devrait être vraiment évident que le Salvador ne doit pas être compris, archéologiquement ou ethnologiquement parlant, comme une région distincte. C’est plutôt, une extension d’autres régions, particulièrement de celles du nord et de l’ouest. Les parties Est et Ouest du pays agissent indépendamment l’une de l’autre la plupart du temps, chacune poursuit le cours de sa propre histoire et fait ses propres alliances culturelles. »

197 Lothrop 1939, p. 46, traduction de l’auteur :

« (…) It seems quite probable that Chorti also extended eastward of Chalatenango but of this we cannot be certain.”

198 Longyear 1966, p. 151, traduction de l’auteur :

« (…) I have collected polychrome sherds of Classic type on the surface of mounds at Santa Rosa, near the summit of Cerro Cacahuatique in the Departement of Morazan, and from Isla Conchagua in the Gulf of Fonseca.”

199 Longyear 1944, Planche XII, n°18

200 Longyear 1966, p. 153, traduction de l’auteur :

« By now, it should be aboudantly evident that El Salvador does not comprise a distinct archaeological or ethnological region. It is, rather, an extension of other regions, particulary of those to the north and west. Further than this, the country itself does not constitute a unit. The eastern and western sections act independently of each other for the most part, each pursuing its own course of history and making its own cultural alliances.”

138 Pour résumer, Longyear réalise trois schémas pour expliquer les interactions culturelles des différentes régions du Salvador et leur évolution dans le temps (fig. 37). Au Préclassique, l’Ouest du Salvador est en relation avec les cultures des Hautes terres du Guatemala et reçoit des influences de l’est. Au Classique, la connexion avec le Guatemala est remplacée par un rapprochement avec Copan et le Centre et Sud du Honduras. Au Postclassique, un retour des relations avec l’ouest se met en place, pendant que les relations avec le nord disparaissent, dans un contexte d’invasion mexicaine, ce qui va perdurer jusqu’à la Conquête.

Pour l’Est du pays, tout au long de son histoire, la région semble faire bloc avec les Hautes terres centrales du Honduras situées juste au nord. Pendant l’essor de Copan, au Classique, des influences Maya se font sentir sans faire grande impression. Au Postclassique, la région devient une voie de communication pour le commerce de la céramique polychrome de Style Nicoya.

139 Figure 37 : Diagrammes des relations culturelles entre le Salvador et ses régions voisines

par Longyear 201

Cette étude de Longyear est la dernière qui présentera les sphères d’interactions culturelles au fil du temps, sans évoquer l’éruption du volcan Ilopango placée de nos jours en 535 apr. J.-C202. La représentation du Salvador comme la simple prolongation d’autres aires culturelles sera remis profondément en doute dans les années 1970, notamment grâce aux recherches d’Andrews sur le site de Quelepa203.

201 Longyear 1966, p. 154

202 Dull et al. 2010

140 4. Claude Baudez

En 1970, Baudez décrit l’Amérique Centrale du XVIe siècle, où il identifie une première zone de tradition mésoaméricaine, et une deuxième région de tradition sud-américaine (fig. 38). Ce territoire correspond à l’extrémité nord-ouest de l’Aire Intermédiaire qu’il décrit comme un spectacle :

« (…) de sociétés hiérarchisées organisées en classes (chefs et prêtres, guerriers, gens du commun et esclaves), à l’artisanat développé grâce à une division du travail poussée et à de constants échanges commerciaux. » 204.

Si Willey identifie des aires et des « sous-aires » culturelles , Baudez quant à lui identifie une zone de tradition mésoaméricaine en reprenant les limites proposées par Kirchhoff205. À l’intérieur de cette zone, il différencie les Secteurs Nord et Sud dont la frontière varie suivant les périodes, autour de la limite Honduras-Nicaragua (ibid.) (tab. 9). Le Secteur Nord qui comprend le Salvador et l’Ouest du Honduras (au centre de notre cadre d’étude), subit et participe plus pleinement aux influences de la Mésoamérique, tandis que le Secteur Sud (la Grande Nicoya) voit l’apparition de cultures autonomes, à l’aide d’emprunts réalisés tant au nord qu’à l’est ou au sud, selon Baudez206. Il ajoute : « Dans son ensemble, la zone est affectée par l’histoire de la Mésoamérique : l’hégémonie qui au Classique récent appartenait au Secteur Nord, passe au Postclassique au Secteur Sud (ibid.) ».

Baudez considère que les cultures honduriennes et salvadoriennes du Secteur Nord font figure de « parents pauvres » faces aux cultures de la Mésoamérique et Andine207. Pendant longtemps, la figure de « parents pauvres » des cultures du Salvador et du Honduras va persister et en 1992, le Symposium de Dumbarton Oaks permet la publication du livre Wealth and Hierarchy in the Intermediate Area. L’article de Payson Sheets, The Pervasive Pejorative in Intermediate Area Studies résume les postulats négatifs attribués aux cultures de cette région, puis propose de définir la zone selon les caractéristiques qu’elle a développé et non en fonction des traits culturels qu’elle n’a pas atteints208. Il attribue à l’Aire Intermédiaire le sédentarisme cristallisé sous la forme de la 204 Baudez 1970, p. 21 205 Baudez 1970, p. 33 206 Baudez 1970, p. 218 207 Baudez 1970, p. 217 208 Sheets 1992, p. 18

141 tradition des villages depuis 3000 av. J.-C.209, l’absence d’état, la présence de sociétés égalitaires, une religion caractéristique, un haut degré de maitrise artistique dans certaines catégories ainsi qu’une stabilité économique et sociale basée sur l’adaptation au milieu210. Elle forme une région d’une grande diversité et complexité culturelle.

209 Sheets 1992, p. 37

142 Figure 38 : Carte des zone de tradition Mésoaméricaines et Sud-Américaine

par Baudez en 1970211

143 B. Le Salvador vue depuis l’Aire Intermédiaire

Lors de la définition de la Mésoamérique Kirchhoff évoque au sud de la région la présence des Chibchas qualifiés de cultivateurs « supérieurs », mais surtout de cultivateurs « inférieurs » (Jicaque, Paya, Sumo et Misquito). Il est couramment attribué à Haberland la première utilisation du terme Aire Intermédiaire en 1957 212 ; pour cet auteur, elle définit uniquement une région qui comprend les Hautes terres de l’Equateur (avec quelques sites sur la côte), l’ouest de la Colombie et le Panama213 (tab. 9). Dans cette zone, il identifie plusieurs cultures qui partagent un même style céramique entre 1000 et 1450 apr. J.-C. 214. Le terme Aire Intermédiaire a été choisi par la suite car ce territoire se rencontre entre la Mésoamérique et les Andes Centrales.

L’adoption du terme par Willey dans l’important ouvrage An Introdutcion to

American Archaeology, Vol. II : South America consacre probablement l’expression 215. En 1971, Willey explique que 216 :

« Des influences de la Mésoamérique et du Pérou peuvent être identifiés ; et les cultures de l’Aire Intermédiaire, en retour, ont influencé ces deux autres aires. Cette complexité est accentuée par une déroutante diversité régionale de cultures archéologiques ; une diversité qui reflète certainement dans une large mesure les variations de l’environnement naturel à l’intérieur de l’Aire Intermédiaire» .

Il définit l’Aire Intermédiaire comme une tradition culturelle particulière à laquelle on peut attribuer plusieurs critères, tout d’abord, au niveau de l’alimentation, les cultures principales sont le maïs et le manioc, cultivées dans la majorité des cas sur brûlis217. L’habitat consiste en des hameaux ou de petits villages même si de petites villes sont aussi apparues dans certaines zones ; de même, les unités sociopolitiques sont de dimensions réduites, pouvant atteindre de petits territoires (ibid.). Il existe des centres cérémoniels, parfois à l’intérieur des villes, parfois ils constituent le centre d’habitats

212 Haberland 1957, p. 156

213 Haberland 1957, p. 149

214 Haberland 1957, p. 159

215 Willey 1971, p. 254

216 Willey 1971, p. 255 (traduction de l’auteur) :

« This complexity is further compounded by a bewildering subareal and regional diversity in archaeological cultures—a diversity that certainly reflects to a large degree the natural environmental variation within th Intermediate area.”

144 dispersés (ibid.). Les formes d’enterrements varient grandement, allant d’urnes à de profondes tombes, parfois accompagnées de sacrifices illustrant le prestige de certains personnages (ibid.). La production de céramique est importante et de très bonne qualité ; s’il existe des traditions propres, on reconnaît également des influences de la Mésoamérique comme de l’Amérique du Sud, toutefois aucune série céramique claire n’est identifiée (ibid.). Les techniques métallurgiques sont présentes, c’est un trait important de la tradition de l’Aire Intermédiaire, depuis 500 à 1500 apr. J.-C. Le travail de la pierre est largement diffusé dans la zone, comme les dalles sculptées et les statues en forme de colonnes ; toutefois le niveau de la qualité de l’exécution est compétent mais pas exceptionnel, avec un traitement rigide et angulaire de formes vives (ibid.)218. Il existe une manufacture de petites poteries et d’ornements de pierre polie dont la technologie est diffusée dans la zone (ibid.). Finalement, il n’existe que trois principales familles de langues ; chibcha, paez, et macro-Caribéen (ibid.).

Willey définit les limites géographiques de l’Aire Intermédiaire (fig. 40), elles incluent les Andes et la côte Pacifique de l’Équateur, de la Colombie, du Venezuela (dans leur partie ouest), ainsi que la côte Caraïbe de la Colombie et la Basse Amérique Centrale 219 (tab. 9). À cet endroit, la frontière passe au-dessus d’une ligne au nord du Golfe de Nicoya, à la limite de notre cadre d’étude, jusqu’au centre de la côte Caraïbe nord du Honduras (ibid.). Il reconnaît six aires culturelles à l’intérieur de l’Aire Intermédiaire et évoque la région de la Grande Nicoya dont l’extrémité ouest se trouve au niveau du Golfe de Fonseca. Elle fait partie de la Mésoamérique mais elle peut aussi être considérée comme une « sous-aire culturelle » de l’Aire Intermédiaire220. Baudez inclut de même cette région dans la zone de tradition Mésoaméricaine mais la différencie également en l’incluant dans ce qu’il appelle le Secteur Sud (Grande Nicoya). Il y identifie une première séquence culturelle qui commence par la période appelée « Bichrome en zones », de 300 av. J.-C. à 300 apr. J.-C.221. Un des motifs anthropomorphe d’un vase cylindrique à pied orné d’un rebord sous la lèvre de cette période (fig. 39) rappelle des peintures rupestres de la Cueva de Ayasta, au Honduras. La céramique produite durant cette période au Nicaragua est connue jusqu’à Copan, où elle est contemporaine de la céramique

218 Willey 1971, p. 278

219 Willey 1971, p. 254

220 Willey 1971, p. 344

145

Usulutan du Préclassique récent222. Les sites d’habitat de cette période consistent en hameaux et villages.

Toutefois, au nord de l’Aire Intermédiaire décrite par Haberland en 1957 dont la limite nord était le Panama, la région située entre la Mésoamérique et ce pays avait tout d’abord été nommée la Basse Amérique Centrale en 1966 (tab. 9).

Figure 39 : Céramique de la période « Bichrome en zones »223

222 Viel 1998, p. 99

146 Figure 40 : Carte des limites de l’Aire Intermédiaire par Willey en 1971 224

1. John Glass, Samuel Lothrop et Doris Stone

Ces auteurs proposent en 1966, dans le Handbook of Middle American Indians

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