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MATERIELS ET METHODE

2. RESTITUTION SYNTHETIQUE DES ENTRETIENS

2.2 Difficultés d’accès aux soins constatées par les généralistes interrogés

2.2.2 La salle d’attente, un problème relatif

Accueillir dans sa salle d’attente des patients en situation de grande précarité. Les médecins interrogés évoquent essentiellement les patients dont l’aspect extérieur ou dont le comportement pose un problème évident. En termes d’hygiène mais aussi en termes de comportements dyssociaux sous l’emprise, ou pas, de substances psychoactives. Problème majoré parfois par l’exiguïté des locaux ou par l’absence d’un secrétariat. « J’ai une salle d’attente qui doit

faire 8 m² à tout casser, et donc avoir une maman ou deux mamans avec des gamins dans une salle d’attente comme ça avec un monsieur qui est dans la rue et qui est susceptible d’avoir des dermatoses, des conditions d’hygiène qui sont celles de la rue, c’est compliqué. Ça m’est arrivé de me retrouver dans des conditions comme ça, finalement t’es mal à l’aise pour tout le monde. » On

comprend avec le docteur Judith le malaise engendré. Et le sentiment d’insécurité pour les autres patients. Cette difficulté est parfois contournée.

Par la disposition des locaux. Un accès direct à son médecin permet dans certains cas de répondre à des demandes présentées comme urgentes, ce type de demande se retrouvant souvent parmi la population précaire. Au prix d’une plus grande disponibilité, comme l’exprime le docteur Richard : « Mon cabinet a deux portes en fait : une porte qui donne sur la salle d’attente, une autre

porte par laquelle je fais sortir les gens, et qui donne sur la place…et donc ça leur arrive de temps en temps de m’attendre devant cette porte là pour me dire voilà… pour me donner un résultat ou parler d’une de leurs inquiétudes… voilà… je suis assez disponible à ce niveau-là. »

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Par la diminution du délai d’attente soit en prévoyant un rendez-vous avec un accompagnant ou encore en acceptant le patient plus rapidement : « Quand vous sentez qu’il y a

quelqu’un de différent dans la salle d’attente, vous avez plutôt tendance à accélérer quoi. Je pense à une dame qu’a été insérée et là est désinsérée… On voit bien qu’elle est inadaptée dans la salle d’attente » Ce que dit aussi le docteur Jules, c’est l’empathie avec le malaise ressenti par cette

patiente « pas à sa place ».

Ce souci légitime de ne pas mettre en difficulté les patients en salle d’attente est relativisé par le docteur Olivier. Au prix d’une exigence sur le plan de l’hygiène, il est valorisé par sa clientèle comme sachant accueillir toute la population du quartier. Légitimé dans son rôle de médecin de premier recours à qui doit pouvoir s’adresser tout un chacun. La salle d’attente du généraliste peut être un lieu où s’exerce la tolérance à la condition que le patient en situation de précarité ait franchi un seuil en matière d’hygiène et de comportement. On peut supposer que la hauteur du seuil de tolérance varie en fonction de la pratique du médecin et de la sociologie du quartier : « Autant effectivement s’ils viennent me voir ici, il faut qu’ils soient dans un état correct.

Pourquoi ? Parce qu’ils vont se mélanger dans une salle d’attente ou il va y avoir des mamans des vieillards etc.…donc je deviens aussi…, je modifie ma pratique vis a vis des gens précaires, mais aussi en acceptant que ces gens précaires viennent dans ma salle d’attente spontanément. Ça arrive puisque il y le foyer de l’Abbé Bazire qui n’est pas très loin, il y a la résidence Saint- Martin qui n’est pas très loin, donc ces personnes en situation précaires qui sont amenées à venir avec ou sans rendez-vous, c’est assez régulier et ils se mêlent à la population classique de médecine générale. Donc je l’ai un peu modifié, oui….et mes patients le savent…pour eux généralement il l’identifie plutôt comme un point positif : c’est le médecin aussi qui accepte de s’occuper, parce qu’ils voient bien (c’est un quartier très contrasté où je suis), ils voient bien qu’il y a des gens, en errance, en désocialisation parfois… Ils ne sont pas SDF mais c’est tout comme : ils ont un toit sur leur tête, mais ils les voient dans la rue, et puis, ils voient que certains sonnent à mon cabinet et y sont admis. Je pense que ça change aussi le regard des gens du quartier sur le médecin du quartier qui est capable d’accueillir…. » Ainsi la prise de position du médecin peut permettre d’abaisser le seuil de

tolérance dans la salle d’attente.

Fréquenter la même salle d’attente que les autres c’est aussi retrouver une reconnaissance sociale. Le docteur Judith le remarque « …mais quelque part il se passait aussi des choses dans la

salle d’attente entre les mères qui parlaient et ces femmes-là, je pense à deux femmes qui se sont mis à venir au cabinet, c’était aussi une forme de normalité quoi. » En tant que lieu de socialisation,

la salle d’attente aurait un impact sur l’accès aux soins. Mais là encore, au prix d’une exigence minimale en matière de présentation.

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Le rôle du secrétariat dans l’accueil des patients n’est plus à démontrer. Dans le cas de l’accueil des patients en situation de précarité, il est, dans les entretiens, plutôt signalé en creux. Commençons par noter que l’absence de secrétariat n’empêche pas l’accueil de ces patients. Son importance dans cette fonction est évoquée ainsi : « (…) et en particulier tu as le frein des

secrétaires qui sont là en 1ère ligne et c’est probablement un manque de formation. C’est une patientèle difficile à gérer pour elle parce que c’est des patients qui peuvent arriver 4 heures avant l’heure du rendez-vous. S’installer dans la salle d’attente, faire du bruit, sortir …c’est compliqué pour elles parce que les autres patients vont se plaindre » par le docteur Judith. Apaiser les

tensions, anticiper les réactions de patients complexes, gérer les interactions entre patients dans la salle d’attente, demande en effet une formation complémentaire. Ce savoir-faire serait précieux mais peut être considéré comme une charge supplémentaire.