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DEUX EXEMPLES D’ORGANISATION DE SOINS PRIMAIRE TENANT COMPTE DES DIFFICULTES D’ACCES

Annexe 1.2 Entretien N°2 Docteur Richard

! Donc ma thèse porte sur le rôle du médecin généraliste auprès des patients ayant des difficultés d’accès aux soins. Alors, ma première question, c’est: qu’est-ce qui vous a amené à travailler dans une permanence d’accès aux soins ?

Eh bien, en fait c’est mon frère ainé qui nous a présenté, qui est chef de service et donc qui est hospitalier, lui, depuis plus de 15 ans. J’ai été interne dans cet hôpital de Pont Audemer pendant 6 mois. Donc je connaissais l’hôpital, et je connaissais ensuite (par l’expérience de mon frère ainé qui est lui aussi généraliste à Rouen, lui à temps partiel là). Et en 2003, quand se sont créées les permanences d’accès aux soins de santé, il m’a proposé de… il m’a demandé si ça m’intéressait d’effectuer quelques vacations dans ce cadre, puisqu’ils recherchaient un médecin pour cette P.A.S.S. Et étant médecin, enfin… je suis médecin vraiment rural, et à la fois j’arrivais à la fois à un moment de mon exercice où c’est un petit peu lourd de toujours tout faire tout seul. Donc j’ai trouvé là une opportunité, à la fois, pour accueillir un échantillon de clientèle que je ne connaissais pas bien, (on va en parler je pense après) et puis, faire un travail d’équipe, ce qui au bout d’un certain nombre d’années manque. Donc quand on a eu notre parcours hospitalier, donc à la fois ce travail d’équipe, ce… l’accueil de… ça m’intéressait de m’occuper des gens en situation de grande précarité, et puis de mettre un pied dans l’hôpital. ! Qu’est ce qui vous intéressait dans le fait de vous occuper de gens en grande précarité?

Sur un plan déjà éthique, sur le plan personnel, que j’avais déjà remarqué lorsque la CMU a été instaurée que, en tant que généraliste de campagne j’ai eu accès à des familles qui ne venaient pas me voir. Donc ça m’a fait prendre conscience qu’on avait beau être présent et avoir un cabinet médical et même si je pense que sur le plan de mon rapport à l’argent, ma clientèle, je pense, était au courant, je pense que si ils avaient un problème financier, ils pouvaient quand même venir. Mais on se rend compte qu’il y a la pudeur, il y a beaucoup de choses qui font que les gens qui n’ont pas les moyens d’avancer la consultation… (et c’était le cas avant la CMU), ne viennent pas voir le médecin et même si… ou alors il faut qu’il y ait une urgence sur le plan surtout des enfants, mais les adultes eux ne se soignent pas, enfin je me suis mis à soigner des gens que je ne voyais jamais avant donc ça… et puis sur le plan personnel, je rencontre, et j’ai rencontré depuis 2003, des jeunes en grandes difficultés sociales, des problèmes de toxicomanies, chose que je ne trouve pas du tout en milieu purement rural.

! Est-ce que cette expérience, cette pratique dans la permanence d’accès aux soins… est-ce que ça a modifié quelque chose dans la pratique de ville ?

Oui… bien sûr… ça ne peut qu’améliorer le regard qu’on porte (même si sur un plan personnel j’essaie déjà d’avoir cette attention aux gens les plus démunis) sur le plan pas forcément matériel mais psychologique... psychologique ou cognitif… c’est ça… c’est la seule chose. Sinon, ce que ça permet de mieux comprendre, c’est un petit peu tous les rôles de l’assistante sociale, tous les circuits qui existent finalement dans notre pays et dont on n’a pas forcément bien conscience en tant que généraliste isolé dans son cabinet.

! Ça a changé votre réseau en quelque sorte ?

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ignorait finalement antérieurement… et puis aussi d’avoir un autre regard sur l’activité de l’assistante social, de tout ce que notre pays peut offrir d’aides sur le plan social.

! Est-ce que au niveau de l’accueil dans votre cabinet ça a changé quelque chose ? Est- ce que vous avez réfléchi à comment accueillir…comment construire votre accueil pour qu’un maximum de gens puisse venir ?

Non… non, ça n’a rien changé parce que je n’ai pas… déjà je n’ai pas de secrétaire qui accueille, donc j’accueille toujours en direct les gens…. je suis quand même très souple. Je ne suis pas quelqu’un de rigide sur le plan des rendez-vous etc.…. donc les gens savent que si vraiment il y a un gros problème, ils peuvent venir me voir, me le dire… comme je suis dans un petit bourg, j’ai… mon cabinet a deux portes en fait: une porte qui donne sur la salle d’attente, une autre porte par laquelle je fais sortir les gens, et qui donne sur la place… et donc ça leur arrive de temps en temps de m’attendre devant cette porte là pour me dire voilà… pour me donner un résultat ou parler d’une de leurs inquiétudes… voilà… je suis assez disponible à ce niveau-là, donc ça n’a rien changé pour moi.

! D’accord… Et au niveau clinique, est- ce que ça a changé quelque chose ? Est- ce que ça vous a donné des besoins de formation, le fait d’avoir travaillé dans cette PASS ?

Ça m’a pas apporté... les besoins de formation, on les ressent constamment…Le fait d’être à l’hôpital, ça a probablement aiguisé mon désir de la formation… là, je dirais que c’est plus l’aspect médecine polyvalente que l’aspect de… le fait de travailler dans la permanence d’accès aux soins de santé, ça m’a plutôt enrichi sur le plan du travail d’équipe, sur le plan de la connaissance de cette précarité mais qu’on ne peut... enfin… (sur les 5 ans d’expériences… qu’on ne peut pas toucher en tant que médecin généraliste… on a fait beaucoup de mailing sur les généralistes au niveau de l’accès aux soins de santé… c’est pas eux qui voient les gens en grande précarité, c’est ça le problème….

! Et pourquoi justement ?

Parce-que finalement, on se rend compte que les gens en grande précarité se replient sur eux même, donc ont même beaucoup de difficulté à alerter, même si d’abord, dès fois, ils le savent pas qu’ils peuvent alerter une assistante social etc.… finalement, on ne draine ces gens la que par le biais de voisins, d’associations caritatives… et c’est pour ça qu’on est le pôle social d’une ville, ou de CCAS, les comités d’actions sociales des petits bourgs… et c’est là où en fait, on essaie de fournir tout notre effort de communication: parce qu’on se rend compte qu’il y a un vrai besoin… et je pense qu’il y a des personnes qu’on ne touche pas encore, et là, on est, nous, très attentifs sur le plan de cette communication… on va régulièrement voir les associations (Secours Catholique, les resto du cœur, le Secours Populaire, etc.…, les associations style réinsertion par le travail pareil etc.….). Sur le plan des jeunes, à PONT-AUDEMER, il y a la PAIO, qui est un organisme qui est fait pour accueillir les jeunes qui sont en grandes difficultés, exclus et sur le plan surtout du travail, et on a un partenariat avec eux parce qu’ils étaient assez démunis sur le plan des problèmes de santé qu’ils pouvaient rencontrer chez les jeunes… et là, on a vu la différence. Depuis qu’on a fait une réunion avec eux, ils ont vu nos locaux, et ils se sont rendu compte qu’on pouvait vraiment apporter beaucoup à ces jeunes, qui des fois, sont en grande détresse psychologique. On a la chance d’avoir une psychologue, une nutritionniste, on a

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d’avoir une équipe vraiment très très…et puis un médecin qui est le même tous les jours qui… pour avoir vu beaucoup de P.A.S.S, soit c’est des généralistes qui s’investissent, soit c’est des urgences où là, on a une équipe qui… on a un staff tous les lundis, on fait le point de tous les malades qu’on a vu (des gens qui ont besoin de tels choses tels choses) on a même une… on a aussi au moins une secrétaire… on a la chance d’avoir une équipe vraiment complète puis… ce qui fait que ça permet de bien travailler…mais sur le plan du cabinet...ça m’a pas permis d’aller chercher plus de gens en grande précarité dans mon exercice de médecin généraliste parce que en fait, si ils ne viennent pas on ne peut pas aller les chercher c’est vraiment… c’est le problème ça…

! D’accord…

Il faut aller les chercher, les gens en grande précarité…on le voit dans tout ce qui les concerne, quelque soit les secteurs… et là… donc les assistantes sociales aussi ont fait le forcing, mais dès fois, c’est des voisins qui repèrent quelqu’un qui n’avait pas l’apparence d’avoir de grande difficulté, puis en fait, vit dans une caravane, dans un champs… et les gens sont très pudiques, et surtout les gens qui sont dans cette situation là…donc…

! Alors est-ce que vous avez une représentation du cabinet de ville (là, en l’occurrence, de campagne) idéal pour justement permettre à tout le monde de pousser la porte facilement…

Il n’y a qu’un aspect… on se rend compte… ça, je m’en suis rendu compte par le biais de la permanence d’accès aux soins de santé (c’est bien pour ça que sur notre publicité, c’est ce qu’on met)… il n’y a qu’un aspect qui peut amener les gens à...c’est l’aspect de la gratuité...il n’y a que ça qui peut permettre à une famille de venir, si… bien sûr, les acteurs ne montrent pas de différence ou d’hésitation vis-à-vis de cette clientèle là comme on a pu lire, et je pense que c’est quand même très marginal, sur le plan des gens qui accès au soin par la CMU, et vraiment, on le voit vraiment par le biais des permanences aux accès de soins de santé… c’est que… on a la chance, nous, d’avoir des locaux impeccables, qui il y a des bureaux qui valent largement des bureaux de médecins, qui sont très propres, et les gens se sentent vraiment accueillis et respectés dans leur dignité… la confidentialité est assuré… et très rapidement, il s’établit une relation de confiance avec ces gens en grande précarité…je crois que c’est surtout l’aspect de gratuité parce que ce sont des gens qui sont dans de telles difficultés que… qu’il y ait une très belle maison médicale ou qu’il y ait qu’ un petit cabinet de 20 m carré, s’ils savent qu’ils seront accueillis avec le sourire, et que leur problème d’argent n’est pas un problème, ils pousseront la porte. Ce n’est pas tant une question qu’il y ait ou pas plusieurs acteurs de santé que la possibilité d’être accueillis avec dignité, quelque soit leur situation financière etc... c’est vraiment ça...enfin pour moi c’est ça.

! D’accord.

Et puis parfois, compte tenu de leur problèmes psychologiques, troubles dus à l’alcoolisme, ou débilité légère… là il faut dire que personne va les amener là…c’est jamais le problème que ça soit gratuit ou pas… il pousseront la porte parce qu’ils ne s’occupent pas d’eux…c’est pas dans leur culture…là les permanences d’accès aux soins de santé…ça peut… à la campagne, on voit le cas de voisin qui emmène quelqu’un chez le médecin, donc ça… il y a

99 ! Peut-être…

Donc, voilà… je ne pense pas que c’est…en dehors de cet aspect de gratuité et après c’est fonction des personnes….je suis très interpellé par ce problème des personnes qui refusent l’hébergement alors qu’il fait moins 5 parce que c’est le souk dans le foyer…on en revient toujours, je pense, à la dignité de l’être humain, et l’être humain préférera se laisser mourir que d’être dans un lieu où il n’est pas respecté, où ses affaires vont lui être volé.

! Bien. Il y-a-t-il des choses qu’on n’a pas abordé, ou quelque chose que vous voulez ajouter?... un aspect dont vous voulez parler particulièrement.

Par rapport aux généralistes et à la grande précarité? ! Voilà...

Je pense que une des… sûrement comme je vous disais au début… une des grandes réponses qui a sûrement permis d’éviter que se multiplie cette situation là chez nos contemporains, c’est la CMU…ça je pense que c’est vraiment…

! Le tiers payant…

Voilà… la CMU, avec le tiers payant, qui permet aux gens, là, vraiment d’être accueillis… je ne pense pas qu’il y ait beaucoup de médecin qui manifestent une hésitation à soigner les gens, qui en plus les rémunère d’une autre façon, mais les rémunère de la même façon…je m’en suis rendu compte dans la pratique courante, comme je vous le disais tout a l’heure, avec des gens qu’on ne voyait pas, des familles qu’on ne voyait pas, qu’on s’est mis à voir lorsque la CMU a été crée… et en dehors de ça les gens en grande précarité (on a beau être un pays très riche)… ça me parait difficile qu’il n’y en ait plus du tout… par contre, j’ai pu constater sur 5 ans d’expérience de l’utilité et la nécessité de cette PASS, parce que d’abord, on se rend compte qu’on n’est pas amener à suivre très longtemps les gens (grâce à l’assistante social si elle est dynamique, et cette équipe, et cette confiance qui s’instaure très rapidement)… enfin, on a pu nous dépister des pathologie cancéreuses, des pathologies cardiaques… enfin, je veux dire, des choses quand même lourdes, et remettre les gens sur les rails du circuit de soins classique dont ils ne pensaient pas avoir droit..je sais pas si, par contre, on a modifié au niveau des généralistes… je ne pense pas que ça change grand-chose. Je crois que c’est des gens qui sont tellement loin de tout, que bon, c’est vraiment un biais pour aller les chercher et les remettre dans le circuit, parce que le généraliste a beau être le plus accueillant possible, si la personne…on en voit même des gens qui sont pas en grande précarité sur le plan financier, mais qui refuse des soins, et qu’on voit arriver (même si heureusement c’est rarissime), qu’on voit arriver avec un cancer au stade de trois mois, mais bon c’est leur choix… ça revient un peu à ça, la grande précarité des gens qui s’occupent pas d’eux donc …donc voilà… faut aller les chercher, alors que l’information est capitale pour les voisins, les gens qui peuvent être amené à les côtoyer, un commerçant, mais par contre, voilà eux même….

! D’accord… bon…

Je pense que ça répond bien, je crois, à un souci de société évolué, de se dire qu’il y a des personnes qui sont démunis au point de ne pas se soigner, même si le système de soin est performant et peut les accueillir… et donc d’aller les chercher… donc de commencer avec tous

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pathologie psychiatriques, qu’on est un peu obligé de soigner contre leur gré…enfin contre leur gré….pas contre leur gré.. c’est parce qu’ils ne voient pas l’utilité de se soigner.

! Oui voilà ce n’est pas le problème qu’ils ressentent…

Ce n’est pas… je crois qu’il y a beaucoup de choses sur le plan social en France… on se rend compte: il y a tout ce qu’il faut par le biais de la PASS… je me suis aussi rendu compte de ça… il y a vraiment un manque de connaissance… on n’arrête pas de dire qu’on existe, et beaucoup de gens qui travaillent dans le social, des fois, ouvrent de grands yeux.

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