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TROISIÈME PARTIE Les arcs de Caracalla,

3. La rhétorique de l’image

3.2. Le monde des hommes, rendu prospère par la Victoire, felicitas Victoire, felicitas

3.2.1. Saisons, fleuves, fontaines

3.2.1.3. Les saisons sur L’arc de Volubilis

Si l’on a, avec les arcs de Bénévent et du Forum Romain, une illustration des Saisons sous la forme de jeunes adolescents en pieds, l’arc de Volubilis rompt complètement avec cette tradition, en recourant à des personnages féminins, représentés en buste dans des tondi. Leur étude stylistique débouchera sur un rapprochement original avec les figurations propres à la mosaïque consacrée au thème, (dont nous avons trois versions à Volubilis même), mais aussi avec certaines mosaïques d’Ostie.

Il s’agit de médaillons circulaires, sculptés sur un bloc de calcaire provenant du Zerhoun voisin, donc aux couleurs qui varient du doré au gris, et qui mesurent 1,10m sur 1,10 m28. La composition et la technique sont identiques: les tondi présentent un fond neutre sur lequel est sculpté en bas relief un buste entouré d’une couronne végétale, alors que les écoinçons sont ornés de motifs en relief plat difficilement identifiables pour certains d’entre eux. L’état de conservation est en effet assez médiocre, et un des quatre panneaux a disparu, car les deux fragments présentés sur deux médaillons séparés sur la façade ouest appartiennent en fait au même médaillon, ainsi que l’a démontré C. Domergue29.

L’Hiver :

C’est précisément la Saison que l’on peut reconnaître à partir des deux fragments figurant actuellement sur les piédroits, au-dessus des niches de la face ouest. Le premier fragment montre l’épaule droite d’un buste enveloppé dans les plis d’un vêtement. La couronne enveloppant la figure subsiste au-dessus de l’épaule, présentant une tige qui porte de fines feuilles recourbées. Dans ce qui correspond à l’écoinçon supérieur gauche, on voit une fleur de lis aux pétales profondément incisés d’un sillon central. Sur le second fragment, on voit une tête enveloppée d’un vêtement, vraisemblablement un capuchon, mais le buste a disparu. La tête est surmontée d’un morceau de la couronne, qui présente au sommet un macaron orné d’une feuille de lierre, et de part et d’autre, deux fuseaux. Le décor de fond comporte, comme à l’écoinçon, une fleur de lis largement incisée. On reconnaît une tête féminine, mais le nez est brisé, et le visage sans expression. Si l’on réunit les deux fragments, arbitrairement séparés lors de la restauration de 1931-1932, la couronne, dès lors presque entière, devient très lisible, et permet de reconnaître une couronne de roseaux, attribut traditionnel de l’Hiver. Le lierre ornant le macaron central est un indice concordant, puisqu’il évoque la permanence de la vie végétale pendant l’hiver. Quant au personnage emmitouflé dans son capuchon, nous le retrouvons comme représentant de l’Hiver sur toutes les mosaïques des Saisons. Les trois mosaïques de Volubilis réunissent en particulier le personnage au capuchon et quelques branches de roseau aux feuilles cassées. Ce sont celles de la Maison des Travaux d’Hercule, de la Maison du Cortège de Vénus, et de la Maison de Dionysos et les Quatre Saisons. Il est bon de souligner que sur cette dernière mosaïque, les Saisons (personnages féminins) sont accompagnées de Génies assez

28 Nous renvoyons à la partie I, les Saisons figurent fig.23 et 24, p.305.

29 Voir l’article des Mélanges A. Piganiol, « La représentation des Saisons sur l’arc de Caracalla à

proches par leur morphologie des jeunes adolescents figurant les Saisons sur les deux arcs de Bénévent et du Forum Romain.

Une mosaïque du Musée de Sousse présente une variation intéressante du thème : l’Hiver est accompagné d’un homme qui cueille les olives, et l’on sait que la cueillette se fait après le 15 novembre.

Le Printemps a disparu

L’Eté

Le médaillon a beaucoup souffert, on ne distingue rien du visage, mais le buste est en place, habillé d’une tunique agrafée sur l’épaule gauche, comme l’indique le mouvement des plis. La couronne permet de distinguer des tiges se rejoignant au-dessus de la tête et qui portent des stries régulières et parallèles évoquant des épis. La traditionnelle couronne d’épis est donc remplacée par un bouquet d’épis.

L’Automne

La tête du personnage figuré nous manque, mais la couronne qui l’entoure est une couronne de pampres chargée de grappes et de feuilles, ce qui ne laisse subsister aucun doute sur l’attribution à l’automne. Le décor plat du fond du tableau et des écoinçons présente des enroulements d’où partent des rameaux qui forment de petites branches ou de fines volutes, constituant un décor assez dynamique, complet de surcroît, plus léger que celui de l’hiver.

Etude stylistique

Le thème iconographique des Saisons est particulièrement fréquent en Afrique, où il a de surcroît une très longue durée de vie, puisqu’ on le retrouve encore par exemple sur un sarcophage chrétien de Sbeitla datant du VI e siècle30.

On évoquera avec intérêt la mosaïque du Musée de Sousse représentant le Calendrier Julien, avec les quatre Saisons et les Mois qui leur correspondent : les Saisons sont des personnages masculins, chose très rare dans la mosaïque africaine, dont le modèle de référence demeure en tout état de cause celui de la Mosaïque de « Dionysos et les quatre Saisons « de Volubilis.

Figure 5: Mosaïque de Dionysos et les quatre Saisons, in situ, Volubilis. Des Génies accompagnent les figures des Saisons.

30 Consulter le Dictionnaire d’Antiquités chrétiennes et de Liturgie, T. 15, 1, p.970.

Figure 6: A gauche, les Saisons, représentées par un personnage masculin ; à droite, les Mois.

Mosaïque du « Calendrier de César », Musée de Sousse. La mosaïque du Génie de l’Année, à Sufetula, illustrait le même thème.

Figure 7 : Mosaïque des Saisons, villa de Zliten (Libye).