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Les circonstances à l’origine de la construction d’un arc Les villes qui honorent une promotion : Les villes qui honorent une promotion :

2.2. Les dédicants, citoyens et cités

2.2.2. Les dédicants : les cités et leur statut, la promotion

2.2.2.1. Les circonstances à l’origine de la construction d’un arc Les villes qui honorent une promotion : Les villes qui honorent une promotion :

8 Voir Le Bohec, « Timgad, la Numidie et l’Armée Romaine », Bull. Arch. 15-16, 1984, p. 111.

9 Les cités construisent ou participent à la construction de douze arcs du Corpus ; la question reste entière pour Mactar et Rusicade.

Vaga :

La ville a été dotée d’un certain nombre de citoyens par une deductio, phénomène exceptionnel à l’époque des Sévères, qui s’explique peut-être par une perte brutale de population, liée à une épidémie ? Les déductions de colonies, en ce début du IIIe siècle, n’avaient plus cours. Romanelli10 insiste sur le fait que depuis l’époque de Trajan, il n’y avait plus eu de deductio. Du reste, on peut se demander d’où venaient ces nouveaux colons. Romanelli pensait qu’il s’agissait de vétérans, ce qui est l’explication la plus vraisemblable, pour laquelle nous penchons, car il y avait suffisamment de vétérans à pourvoir, lorsqu’ils étaient libérés sur place à Lambèse11, d’autant qu’à cette génération, ils étaient certainement déjà originaires d’Afrique. Le choix de la ville elle-même qui faisait l’objet de la promotion n’est pas anodin. Nous avons vu en partie I que c’était une ville à la fois ancienne, et riche. Or, la politique menée par les Sévères avait pour double objectif de favoriser l’armée (et les colons), et de valoriser l’agriculture dans la fertile région du bassin moyen du Bagradas, la région qu’Auguste avait déjà pourvue en priorité de colonies ou de pagi. Quel meilleur tremplin pour cette politique que la promotion municipale, qui était très stimulante ? Car le cas de Vaga n’est pas isolé dans l’est de la Numidie et les confins de la Proconsulaire. Au contraire, de nombreux centres furent promus à la même époque dans la pertica de Carthage12, au moins au rang de municipes : Thugga, Thubursicu Bure, Sululos, Aulodes, Avedda, l’Hr Debbek.

Pendant la période où il a régné seul, Caracalla a encore fondé les communes romaines de Muzuc 13 et de Furnos Minus14.

Thugga:

Deux communautés ont longtemps cohabité à Thugga ; elles préservaient une certaine différence, tout en menant parfois des actions communes. En 205, les deux communautés du pagus et de la civitas ont été réunies en un municipe, et aussitôt, la nouvelle municipalité a élevé l’arc (9) qui sanctionnait cette promotion pour honorer les deux conditores municipii. Les institutions de Thugga sont très bien connues15, et permettent de faire le point sur le passage d’un (long) statut « double », où pagus et civitas vivent parallèlement, s’unissant sporadiquement pour dédier un monument, avant d’être réunis dans une entité nouvelle, un véritable municipe, en 205. La construction de l’arc des Sévères avait sanctionné l’aboutissement du processus d’unification l’année même de la promotion ; c’est que l’avantage pour tous n’était pas mince : le statut de municipium liberum étendait à l’ensemble des citoyens l’immunitas dont avait joui jusqu’alors le pagus ; du reste, la lenteur du processus, alors que la ville était profondément romanisée, et que les premières démarches en ce sens étaient déjà engagées depuis le temps de Marc Aurèle, était certainement le fait des pagani, qui redoutaient de perdre ce précieux avantage. Dans cette lente évolution vers la fusion des deux communautés, une famille comme celle des Gabinii a joué un rôle

10 Storia delle Provincie..., p. 419-420.

11 N’oublions pas que Lambèse n’accéda au rang de colonie qu’à la même époque que Vaga, à la fin du règne de Septime Sévère, cf De Ruggiero, Diz. Epig., Lambaesis.

12 Le système de démantèlement de la pertica de Carthage mis en place alors par les Sévères permettra à son tour de procéder au démantèlement de la confédération cirtéenne une cinquantaine d’années plus tard.

13 Voir CIL 12060.

14 Voir CIL 25808.

15 Voir en dernier sur la question Aounallah, « Notes sur la société et les institutions de Thugga des origines jusqu’à la formation du municipe », Itinéraire de Saintes à Dougga, Mélanges offerts à L.

important, par le biais du patronat conjugué des deux communautés, surtout à l’époque d’Hadrien ; une autre famille, les Marcii, joue un rôle identique à l’époque de Marc Aurèle, préparant la fusion en obtenant des privilèges identiques pour les deux groupes d’habitants. Ces deux familles sont d’origine pérégrine, mais ses membres sont également citoyens de Carthage ; aussi, la double appartenance de ces élites a-t-elle fait beaucoup pour le rapprochement des deux communautés, romaine et pérégrine. La longue action des Gabinii au IIe siècle trouve sa conclusion la plus parlante dans le temple et l’arc des Victoires de Caracalla un siècle plus tard : Gabinia Hermiona a donné le terrain sur lequel s’élève le temple, construit sur une partie de sa maison, et la ville a concédé l’espace public, la voie, pour y bâtir l’arc accolé au temple, symbole de la ferveur civique de tous les habitants du municipe. Le processus analysé pour Thugga vaut évidemment pour Thubursicu Bure(1), qui a été promue à la même époque, lorsque Septime Sévère a libéré ces cités de la tutelle de Carthage, modifiant une institution datant d’Auguste, et qui était devenue archaïque ; la cité a construit l’arc de 196-197 pour commémorer l’événement.

Les villes reconnaissantes :

Volubilis a élevé son arc (22) sur les fonds publics, en reconnaissance d’une insigne indulgentia de Caracalla, que nous avons développée dans le chapitre 1.

Les villes qui manifestent leur loyalisme sans raison particulière : Une victoire :

Sufetula a visiblement voulu commémorer une victoire, et le vocabulaire y insiste.

On peut avancer que l’arc de Sufetula (11) est certainement construit à l’occasion de la Victoire Parthique.

La visite des Empereurs :

Depuis la visite d’Hadrien, l’Afrique n’avait pas reçu l’Empereur ; aussi, l’arrivée de la famille impériale, arrivant d’Egypte, a constitué un temps fort pour la ville natale de Septime Sévère, Lepcis Magna. L’Empereur venait montrer le jeune couple appelé à lui succéder, vérifier l’avancement des travaux colossaux qu’il avait lancés dans sa ville ; et certainement également montrer la force des armes romaines aux tribus Gétules, en effervescence alors, ce qui perturbait le commerce, au moins dans l’approvisionnement. Une expédition de quelque deux ou trois mois calma les choses : la cité entreprit alors les travaux colossaux de l’arc quadrifrons (8).

A Lambèse, la présence de l’Empereur était indispensable, alors que la ville était devenue le siège du gouverneur de la province de Numidie récemment créée. La fièvre édilitaire que l’on y constate, directement lisible dans les nombreuses inscriptions, est à la mesure des enjeux, pour cette ville en plein essor. La fin des travaux de la via Septimiana et la construction d’un arc à trois baies traduit la loyauté de cette ville qui ne vit que par l’armée.

Thamugadi (7 et 16) est dans le même cas que Lambèse, bien que ce soit une ville plus riche, plus ancienne, avec une population d’origines diverses. C’est tout un programme d’urbanisme qui a trouvé sa consécration dans l’arc de 203, alors que le sanctuaire des eaux profitait également de la manne édilitaire.

Par loyalisme, souci de montrer une bonne santé financière, ou donner un signal d’autonomie municipale :

Nous pourrons ranger dans cette catégorie aussi bien une colonie prospère, ayant derrière elle déjà une vieille histoire, comme Cuicul (21), ou plus ancienne encore, Assuras (20) ; qu’une ville plus modeste comme Uzappa (14), une colonie de vétérans comme Diana Veteranorum (23); à Séressi(24), la municipalité intervient auprès de particuliers : pour donner plus d’éclat à l’arc élevé par les héritiers et exécuteurs du

testament d’un brillant citoyen, elle ajoute un quadrige à la construction. Il ne faudra pas négliger ce soin apporté à paraître à la fois loyal à l’empereur, et capable d’assumer des dépenses de prestige.

2.2.2.2. Respublica

Quel que soit leur statut, beaucoup de ces cités ont en commun le recours dans leur onomastique au terme de respublica. Parmi les cités qui ont offert des arcs, cinq ont choisi de s’appeler respublica sur la dédicace ; ce sont : Thamugadi, Cuicul, Diana Veteranorum, Volubilis, Thugga. On peut s’interroger sur le sens particulier qu’il faudrait accorder à ce terme, dont l’emploi est nettement plus fréquent en Afrique (plusieurs centaines), et dans une moindre mesure en Espagne, que dans le reste du monde romain16.

On constate d’emblée que le terme ne peut désigner à lui seul un type particulier de statut municipal, notamment en raison du fait que le mot accompagne souvent l’indication du statut.

Parfois, il est vrai, le mot est employé seul, comme substitut du nom de la cité ; c’est souvent le cas sur une dédicace individuelle, lors de l’exposé d’une carrière. Mais le plus souvent, le mot se complète du nom des habitants ou de l’indication du statut de la communauté. Le mot peut parfaitement désigner des communautés aussi diverses qu’une colonie ; une confédération de colonies ; un municipe ; une civitas ; un pagus ; un vicus ou une gens (respublica Cuiculitanorum ; respublica Cirtensium ; respublica [g]en(tis) Suburbur(um)17.

En effet, Cirta est une Confédération de cités, dirigée par un triumvirat choisi par les décurions des quatre colonies, avec des finances communes aux quatre (c’est pourquoi aucune des trois colonies « contribuées », comme elles n’ont ni trésor ni administration propre, ne peut s’intituler res publica) ; Diana est un municipe ; Vazi Sarra est une civitas ; Cuicul est une colonie, mais son titre de colonie n’apparaît pas nécessairement sur les inscriptions.

Il résulte de ces remarques que la communauté (quelle que soit sa taille) peut prétendre s’appeler une respublica dès qu’elle possède des biens propres, c’est-à-dire un trésor public, qui lui permet, sur l’ordre des décurions, de construire, de faire des dédicaces, de recevoir de l’argent. Dans un sens, on peut dire que c’est une manière élégante pour les communautés de prétendre à un statut romain ou romanisé, sans sortir des règles fixées, et sans qu’elles soient contraintes d’évoquer leur statut réel.

2.2.2.3. Le statut municipal des cités