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Séparation des composantes utiles et illumination

Méthodologie de conception d’un système de monitoring de la moelle

4.1 Déviations pratiques du modèle théorique

4.2.5 Séparation des composantes utiles et illumination

On détaille ici le lien critique entre les parties émission et réception du dispositif qui fonctionnent de pair pour la mesure précise des variations hémodynamiques. La section 3.3.3 présentait les différents modes d’illumination, avec le détail de synchroni-sation typique dans la figure 3.11b. Les différents schémas d’illumination imposent une détection adaptée, ce qui modifie, entre autres, la puissance globale consommée, tout comme les contraintes de filtrage pour l’optimisation du SNR. On peut alors dégager trois stratégies qui comportent chacune des avantages et des inconvénients que l’on aborde.

i Modulation

En tant que signal présent dans les basses fréquences, les battements cardiaques détectés via le PPG sont sujets au bruit en 1/f. Il est alors possible d’appliquer les méthodes classiques de traitement du signal, en modulant l’illumination pour obtenir, en réception, la fréquence cardiaque multipliée par la porteuse. La figure 4.16 illustre ce décalage en fréquence qui permet alors de déplacer la bande utile (fm) vers les plus hautes fréquences (autour de fref) où, à priori, seul les bruits blancs subsistent. Les travaux de [93] présentent cette détection synchrone en profitant également de la modulation pour différencier les sources lumineuses. Ainsi, en affectant une porteuse différente pour chaque source lumineuse, la contrainte d’alternance entre ces sources disparaît. Cela permet de pouvoir les activer sans considération des unes par rapport aux autres. La détection doit alors pouvoir se centrer autour de chaque porteuse pour reconstituer les PPG.

Figure 4.16 – La modulation de l’illumination améliore le SNR [93]

Cette approche est très intéressante, car elle repose sur un concept déjà bien connu qui a fait ses preuves. Elle permet également de mêler les flux lumineux avec la pro-messe de pouvoir les séparer par la suite. Pour une mesure instantanée, cet aspect est avantageux, car il permettrait de faire le calcul du SpO2 en une fenêtre tempo-relle par cette illumination multiple. Cependant, s’agissant d’une observation continue dans le temps, cette liberté ne conduit qu’à la nécessité d’illuminer sans interrup-tion. Sachant que les processus hémodynamiques n’ont pas, par nature, des variations fréquentielles très importantes (cf. section 4.2.2), une illumination en continu n’appor-terait pas plus d’information sur la saturation en oxygène mesurée. En contrepartie, la

dépense énergétique est accrue, car les sources lumineuses sont constamment sollicitées et les différentes porteuses doivent être générées. En réception, la démodulation néces-site également une consommation supplémentaire qui demande, pour la précision de l’opération, une stabilité optimale de l’oscillateur formant la porteuse et des blocs mul-tiplicateurs de modulation/démodulation. Toutes ces contraintes en font une approche peu pertinente dans le cadre de ces travaux exploratoires.

ii Photodétecteur à multiples jonctions

Les schémas d’alternance d’illumination sont présents pour une principale raison : les photodétecteurs classiques amalgament les photons pour en fournir un unique pho-tocourant (cf. section 4.1). On pourrait répondre à cette problématique en utilisant autant de photodétecteurs que de sources lumineuses, chacun disposant d’un filtre op-tique réglé pour ne percevoir que la partie du spectre qu’on souhaite lui allouer. Ainsi, la séparation des flux en serait grandement facilitée. Évidemment, cette approche est bien trop coûteuse à la fois en encombrement, tout comme en consommation. En ef-fet, le système doit être embarqué avec une empreinte minimale au possible et ne peut supporter un grand nombre de photodétecteurs. Bien que la technologie permette aujourd’hui de disposer de composants très compacts, les propriétés fortement diffu-santes de la ME dans la colonne vertébrale, présentées en section 3.2, favorisent l’emploi d’une surface photosensible adaptée au milieu et à large sensibilité spectrale. Pour ces raisons, plusieurs études mettent en œuvre les capteurs multi-jonctions, réalisés en technologies standards CMOS, capables de distinguer les flux lumineux détectés si-multanément. En effet, les capteurs à multiples jonctions enterrées, ou Buried Multiple Junction (BMJ), disposent d’un empilement des matériaux du semiconducteur pour créer plusieurs jonctions. En tirant avantage de la dépendance de la pénétration des photons dans le silicium selon leur longueur d’onde, il est alors possible de différencier les flux incidents, de par la réponse de chaque jonction, bien qu’ils soient présents au même moment. En outre, cette acquisition simultanée permet de s’affranchir des in-terférences de mode commun, car l’échantillonnage est corrélé pour toutes les sources lumineuses, augmentant ainsi le SNR.

(a) Vue en coupe du photodétecteur (b) Schéma équivalent simplifié Figure 4.17 – Le photo-capteur BQJ [12]

La figure 4.17 représente un exemple d’un tel capteur avec quatre jonctions enter-rées6 dont l’empilement est représenté en figure 4.17a. Nommé Buried Quad Junction (BQJ), ce photodétecteur peut être vu, comme représenté à la figure 4.17b, comme au-tant de photodiodes que de jonctions. Les sensibilités de ces photodiodes équivalentes couvrent le spectre lumineux pour fournir, chacune, une réponse caractéristique selon la longueur d’onde incidente (cf. figure 4.18a) [12, 172, 173]. Les flux lumineux ainsi séparés peuvent être utilisés de façon conventionnelle pour un calcul de l’oxygénation. Ainsi, on peut se contenter d’un capteur à deux jonctions enterrées pour la mesure habituelle, voire plus pour des mesures additionnelles d’autres chromophores ou créer de la redondance [152, 174–176]. Cette perspective intéressante est envisagée pour de futurs prototypes7.

(a) Simulation des sensibilités spectrales normalisées de chaque jonction [12]

(b) Mesures des quatre PPG résultants pour une longueur d’onde émise

Figure 4.18 – Exploitation des jonctions du BQJ en simultané

On note également qu’il est possible de tirer parti de la réponse caractéristique d’un flux lumineux quasi-monochromatique venant d’une seule source lumineuse élémentaire sur les multiples jonctions présentes comme d’un marqueur de saturation pour le cal-cul du SpO2 alternatif. Cette approche est d’autant plus précise que du nombre de réponses distinctes disponibles (soit du nombre de jonctions). Utilisée avec ce type de photodétecteur [177], cette méthode permettrait de réduire le nombre de sources lumi-neuses à son minimum pour s’affranchir totalement de la problématique de séparation des composantes incidentes, mais aussi de réduire la consommation en supprimant des sources lumineuses. Ainsi, une unique source lumineuse produirait une signature sur les jonctions, pour fournir une contribution typique, selon l’oxygénation des tissus (voir figure 4.18b).

Enfin, si plus de jonctions sont disponibles que de sources, deux approches addi-tionnelles sont envisageables. Il peut être astucieux de tenter d’employer les jonctions supplémentaires pour récupérer une portion de l’énergie dépensée. En effet, la

pola-6. En technologie standard, c’est le nombre de jonctions maximum possible à ce jour.

7. Un travail de modélisation ayant conduit à une publication en co-auteur dans une revue scien-tifique a été réalisé [12] en marge de ces travaux. Une étude plus approfondie dans le sens de son intégration dans le dispositif présenté dans cette thèse est en cours au moment de la rédaction de ce manuscrit.

risation de ces photodiodes équivalentes permet de les positionner en fonctionnement photovoltaïque. Dans ce mode, tout flux lumineux est alors récupérable pour alimenter un circuit ou pour être stocké. C’est ainsi que l’étude de Park et al. [178] a pu fournir un dispositif associant la détection optique et la récupération d’énergie photovoltaïque. Autrement, la seconde approche serait d’utiliser ces jonctions supplémentaires pour appliquer de la redondance à la mesure et ainsi, améliorer la précision du calcul de la saturation.

iii Bande de base

La mesure en bande de base repose simplement sur l’illumination sans modulation et la photodétection, soit une bande utile autour de la fréquence cardiaque. À titre d’illustration, la figure 4.19 montre une décomposition en Densité Spectrale de Puis-sance (DSP) sous les 5 Hz du spectre d’un PPG observé dans nos travaux sur la ME. On y discerne la fondamentale cardiaque à 1.5 Hz, ainsi que ses harmoniques pouvant être utiles, tout comme pour la fréquence respiratoire, autour de 0.3 Hz et ses mul-tiples. Dans ce cadre, une illumination continue permet de récupérer des échantillons du PPG, pour sa reconstruction potentielle, à une cadence judicieuse (on verra par la suite que cette fréquence d’échantillonnage n’est pas à choisir à la légère). Cependant, afin de pouvoir obtenir les variations d’absorption selon plusieurs longueurs d’onde, les schémas d’alternance privilégient l’illumination pulsée. Il s’agit alors de voir le signal d’illumination comme une modulation par un signal en créneaux ou de ne le visuali-ser que comme des plateaux d’illumination dont l’intensité est modifiée par les tissus biologiques. De multiples dispositifs concrétisent cette dernière approche au travers de l’utilisation du montage échantillonneur-bloqueur (sample and hold) dans le circuit de front-end. Dès lors que la fréquence d’illumination est assez grande, comparativement au rythme cardiaque, ce montage, qui permet de tenir la dernière valeur avant la fin d’un créneau jusqu’au début du suivant, permet de relier artificiellement les plateaux du signal pulsé pour en faire un signal continu.

Grâce à cette dernière approche, le SNR n’est plus spécifiquement dépendant de la consommation (au travers du rapport cyclique D), comme évoqué dans la section 4.2.4. Mais, il devient principalement dépendant du nombre de composantes (k) du PPG dans la bande utile par rapport aux parasites présents.

Figure 4.20 – Simulation Scipy des contributions des composantes fréquentielles du signal en continu reconstruit et pulsé, selon la bande considérée avec ton= 50µ s, D = 1 %, f0= 1.5 Hz, fs= 1 kHz

Le choix entre la récupération des créneaux dans leur intégralité ou uniquement des plateaux est orienté par la différence de la DSP de ces deux acquisitions. Dans l’espace des fréquences, la puissance du signal pulsé est étalée sur toutes ses harmoniques (kfon) qui vont chacune exprimer une portion de la puissance totale, selon une décroissance en 1/k2. Autrement dit, afin de pouvoir reformer le pulse par la suite, la bande utile doit être élargie par des multiples de la porteuse du signal pulsé, qui est typiquement très supérieure à la fréquence cardiaque. Il faut idéalement prendre plusieurs ordres de grandeurs, pour augmenter cette puissance utile. Lorsque l’alternative de reconstitution du signal "continu" est choisie (par plateaux), on bénéficie alors d’une puissance dans la bande répartie avec une décroissance en 1/k) et une puissance utile qui augmente par ajout de multiples de la fréquence cardiaque, très basse. Afin de se représenter les choses, on produit la figure 4.20, qui montre la puissance cumulée en fonction de la fréquence pour évaluer la portion contenue dans la bande considérée (cf. équation 4.29). On y modélise un signal pulsé décrit par l’équation 4.28, dont la puissance cumulée croît en fonction de la bande considérée. Étant donné que la porteuse de cette modulation se situe ici à 1 kHz, la puissance cumulée est nulle jusqu’à cette fréquence. On atteint un cumul de 80 % de la puissance totale du signal pour une bande d’environ 55 kHz. En comparaison, la courbe image de la reconstruction par plateaux atteint 80 % de la puissance contenue dans la bande d’environ 2 Hz. Ces deux courbes convergent vers le 100 % à des vitesses différentes : la reconstruction par plateaux les atteint pour une bande de 200 Hz, alors que le signal pulsé nécessite une bande de 3 MHz. Cette figure

démontre que la petite bande du front-end de photodétection doit alors être assez large pour récupérer une importante portion de la puissance du signal incident dès lors que l’on travaille avec le signal pulsé dans sa totalité. Cependant, c’est par cette augmentation de la bande utile qu’augmente la participation du bruit et des parasites. Ainsi, on choisit pour la suite de ces travaux de s’établir sur les plateaux de l’illu-mination pulsée, afin de réduire au maximum les parasites de la mesure.

Bien qu’il soit facile d’opter pour une fréquence d’échantillonnage du PPG, réduit à sa simple composante cardiaque, en respectant strictement les conditions de Nyquist-Shannon (avec la fréquence d’échantillonnage fs = f0∗ 2), ou au-delà (fs= f0∗ 10), la durée minimale d’un plateau est intimement liée au circuit de réception et à la sélection voulue des échantillons.