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Contexte et problématique

2.3.2 Chocs traumatiques

Les chocs traumatiques de la moelle sont le cas les plus faciles à identifier. Les lésions sont causées par un trauma d’origine mécanique et soudaine. Évaluer leur impact n’est pas toujours aisé, car il ne s’agit que rarement d’une section totale de la ME, mais typiquement d’une combinaison de dommages sur les tissus mous de la ME, osseux et ligamenteux. De ce fait, les dégâts peuvent être indirectement amplifiés par l’état structurel du rachis. Ainsi, les pathologies généralement liées à l’âge telles que la polyarthrite rhumatoïde1 ou l’ostéoporose qui fragilisent la soli-dité de la colonne vertébrale sont des facteurs qui aggravent les chocs traumatiques.

Figure 2.9 – Hernie discale [34]

Ces chocs peuvent également altérer l’inté-grité des disques intervertébraux qui lient les vertèbres entre elles. Ces anneaux de cartilage gélatineux constituent l’articulation du rachis et permettent une mobilité de la ME. Ils ont également un rôle mécanique d’amortissement des chocs lors des mouvements. Avec l’âge, les disques intervertébraux répartissent moins ef-ficacement la pression, laissant les vertèbres absorber directement les impacts. Également, les mauvaises postures, dues au mode de vie sédentaire et aux professions physiquement éprouvantes, sont autant de chocs répétitifs qui accélèrent l’usure de ces disques et les dé-forment. Cette usure prématurée (appelée dégénérescence discale), relevant fréquem-ment d’une hernie discale, illustrée en figure 2.9, est une source de fragilité du rachis, mais aussi de douleurs chroniques, lorsque les voies ascendantes de la ME sont com-pressées.

1. Maladie auto-immune dégénérative inflammatoire chronique de la famille des rhumatismes qui entraîne une déformation et une destruction progressive des articulations.

La névralgie sciatique est un pincement de la racine nerveuse antérieure au niveau L5 ou S1, générant une douleur intermittente. Typiquement créée par le déplacement du disque intervertébral en dehors de son emplacement, cette maladie peut aussi bien être causée par une fracture vertébrale. Une telle désorganisation structurelle peut entraîner une compression totale des racines des membres inférieurs (syndrome de la queue de cheval) [35]. Au-delà de la douleur, les symptômes vont de l’atrophie des muscles à la paraplégie et la perte du contrôle de sphincters.

Dans une grande proportions des cas traumatiques, les lésions primaires sont cau-sées par un stress mécanique. Par la suite, la cascade physiopathologique entraîne des lésions secondaires de nature plus complexe. L’hémorragie épidurale en est un exemple particulièrement illustrant et fréquent. Lorsque la contrainte appliquée sur la ME est très grande, le réseau sanguin qui en est solidaire subit les mêmes forces. Il arrive alors que les veines et artères de la zone traumatisée soient lésées, avec pour conséquence un épanchement du sang dans les espaces méningés. On parle donc alors d’hémorragie méningée épidurale (plus de 75 % des cas), sous-arachnoïdienne ou sous-durale avec des conséquences variables. On a précisé précédemment que les méninges forment des barrières hermétiques pour la ME. Les tissus du SNC prélèvent dans le sang les nutri-ments nécessaires, mais cet interfaçage ne doit se faire qu’en des endroits prédéfinis, dans la zone des capillaires. En effet, le sang est toxique pour la matière blanche et la matière grise et produit à son contact des réactions néfastes. Ces réactions modi-fient l’équilibre chimique du système neuronal et l’exposent à des molécules du plasma pouvant détruire les tissus environnants. Ainsi, la rupture des membranes a un risque direct pour l’intégrité des tissus de la ME. Si l’hématome est circonscrit en dehors de la pie-mère, comme dans une grande partie des cas, cette poche de sang a malgré tout une forte incidence sur le fonctionnement de la ME. La pression croissante de l’hématome en formation implique mécaniquement une pression croissante sur les tissus mous sous-jacents. Cette pression est alors origine de douleurs et du dérèglement de la sensibilité. Il est également possible que des interférences apparaissent sur les circuits moteurs de la zone lésée et des niveaux en dessous. Les répercussions peuvent s’étendre au-delà pour devenir également infectieuses. Le cas extrême étant une rupture de l’arachnoïde ayant pour résultat le mélange du LCS et du sang. Dans de tels cas, une ponction d’urgence est nécessaire, afin de limiter les dégâts encourus.

La vascularisation de la ME présente une organisation qui repose fortement sur les trois sources d’alimentation dont elle dispose (cf. 2.5b). Cette répartition explique également la fragilité de la structure vasculaire. Dans toute la longueur de la ME, on repère une plus grande probabilité de cas traumatiques qui surviennent au niveau cervical, car cette zone est particulièrement flexible. Dans le cas d’un trauma cervical, jusqu’à 44 % des victimes présentent également une lésion de l’artère vertébrale ce qui rend la situation particulièrement préoccupante quant à l’équilibre de l’afflux sanguin de la ME. On sait à présent que le système circulatoire de la ME est très complexe. Mais, il présente pour avantage d’être versatile. En effet, il est capable, selon les différentes

positions prises par le rachis lors des activités de la vie courante, d’équilibrer l’afflux sanguin local en privilégiant certaines artères par rapport à d’autres (lorsque la fluidique le permet). Cependant, cette adaptabilité a des limites qu’elle rencontre principalement lors de ruptures des artères ou de compressions médullaires importantes qui empêchent mécaniquement une irrigation correcte. Un apport local insuffisant en sang est appelé une ischémie et a généralement pour conséquence directe une hypoxie, dès lors que les tissus subissent un apport en oxygène insuffisant. Les différentes causes de cette faible perfusion induisent des dysfonctionnements des tissus nerveux réversibles, mais peuvent atteindre leur arrêt total et destruction par nécrose dans un court intervalle (de l’ordre de quelques minutes). En effet, une compression ou thrombose de l’Adamkiewicz suffit pour entraîner une paraplégie [36]. Les multiples causes menant à un handicap se combinent aux particularités artérielles présentes. Qu’il s’agisse d’une variation du réseau sanguin avec un placement inhabituel des artères spinales, de leur nombre ou de leurs dimensions, les disparités anatomiques sont autant de situations défavorables dans les situations à risque [37].

Les lésions de la ME que l’on vient d’évoquer se caractérisent par une origine externe et/ou environnementale. Pour autant, les symptômes peuvent découler d’une cause endogène que sont les malformations génétiques ou congénitales.

2.3.3 Malformations

Dès le développement embryonnaire, on distingue d’une part les malformations du SNC et de l’autre les malformations osseuses du rachis. Ces dernières ont des consé-quences relativement identiques aux cas de compressions médullaires avec des anomalies structurelles, tant sur les dimensions et la forme des vertèbres que sur leur alignement et leurs emboîtements aux jointures. La moelle spinale, quant à elle, est considérée comme instable durant toute la petite enfance. Vers l’âge d’environ 11 ans, on considère que l’ossification de la colonne et la musculature sont assez avancées pour ne plus impacter le développement correct de celle-ci. Dès lors, les cas de scolioses, par exemple, se font plus rares. Les déviations du rachis sont courantes chez l’humain, mais on considère qu’à partir d’un angle d’une dizaine de degré il s’agit d’un cas pathologique de scoliose. C’est une déformation de la colonne vertébrale, illustrée en figure 2.10a, peut s’expri-mer suivant les trois axes, typiquement suite à une malformation vertébrale congénitale ou génétique, que la croissance ou les mauvaises postures ne font qu’aggraver. Avec les nombreuses possibilités d’évolution de cette pathologie du squelette, les douleurs du rachis peuvent se cumuler à des difficultés respiratoires.

À l’opposé, les cas de spina bifida sont décelables avant la naissance. Cette malfor-mation est due à la structuration incomplète de la ME primitive et des vertèbres lors du développement de l’embryon. La pathologie parfois bénigne ("spina bifida occulta") peut avoir des répercussions d’une grande variété. La figure 2.10b présente plusieurs types de la même pathologie, selon que les méninges seules avancent en dehors du canal

(a) Scoliose [38] (b) Différents cas de Spina Bifida [39] Figure 2.10 – Les malformations du rachis

médullaire ("méningocèle" avec peu ou pas de symptômes) ou que les tissus nerveux les accompagnent ("myéloméningocèle" avec des symptômes neurologiques concomitants) avec la forme la plus grave n’étant pas viable. Concernant typiquement les niveaux lombaires et sacrés, les fonctions associées aux membres et organes inférieurs sont im-pactées.

2.3.4 Dégénérescences

Résultat d’une évolution relativement lente, les tumeurs osseuses progressent vers l’intérieur du canal rachidien. Elles peuvent être malignes dès lors qu’elles réduisent de façon conséquente la taille du canal et réduisent la mobilité de la ME. Cela entraîne évidemment une compression médullaire, avec les conséquences classiques que sont la perte de mobilité et de sensibilité dans les membres sous les métamères concernés. On note également que les excroissances en dehors du rachis peuvent en arriver à pincer les nerfs spinaux. Il y a alors une compression nerveuse extra-rachidienne. D’origine métastasique, les tumeurs intrarachidiennes sont des amas de cellules malignes s’ag-glutinant dans le canal rachidien à partir des différents éléments anatomiques qui le constituent (principalement les méninges). Elles ont également pour conséquence une contrainte mécanique sur la ME.

Au-delà des pathologies squelettiques évoquées plus tôt, il existe de nombreuses pathologies neurodégénératives qui touchent le SNC. On regroupe sous cette appella-tion toutes les pathologies chroniques spécifiques aux tissus nerveux, typiquement les neurones, et qui, suite à une évolution lente, conduisent à terme à leur destruction (neurodégénérescence). Le SNC peut alors être touché dans sa globalité ou locale-ment avec des degrés d’atteinte diverses. Les pathologies neurodégénératives ont pour particularité de prévaloir chez les personnes de plus de 65 ans. C’est pourquoi histori-quement, nombreuses étaient confondues avec les stigmates de la vieillesse. Cependant, certains cas apparaissent chez le jeune adulte, voire chez l’enfant. Les symptômes ob-servés sont majoritairement psychiques, avec une démence progressive dans la maladie d’Alzheimer. Mais ils peuvent également toucher les fonctions motrices dans la maladie

de Parkinson, où un déficit des neurotransmetteurs dans le cerveau des victimes fait apparaître des tremblements incontrôlables et des raideurs des membres. La Sclérose Latérale Amyotrophique (SLA) résulte d’une destruction progressive des motoneurones de l’encéphale et de la ME, alors que la Sclérose en Plaques (SEP) est le fruit d’une dégradation de la gaine des cellules nerveuses nécessaire à la communication entre les centres du SNC. D’autres cas sont une combinaison des deux, comme avec la chorée de Huntington ou la maladie de Creutzfeldt-Jakob. Typiquement héréditaires ou résultats de facteurs génétiques, ces pathologies attaquent directement les tissus nerveux pour limiter leur fonctionnement jusqu’à la mort neuronale. Les mécanismes dégénératifs ne sont pas encore totalement compris, mais s’observent de plus en plus fréquemment avec l’augmentation de la longévité.

Les différents cas de lésions de la ME que l’on vient d’évoquer sont des facteurs handicapant de la vie des victimes, si tant est qu’elles soient viables. Partant de cela, la dimension socio-économique doit être prise en compte avec, entre autres, le niveau du système de soins du pays. Comme toute pathologie, les lésions de la moelle spinale peuvent évoluer vers l’amélioration ou la dégradation et les soins qu’on y apporte y prennent une grande part. Une personne affectée soudainement verra son quotidien grandement modifié avec des coûts associés, dont le montant varie selon la gravité de la pathologie au moment du diagnostic et pour le reste de sa vie. Il apparaît alors évident que l’espérance de vie dépend beaucoup du moment à partir duquel les soins sont engagés et de la justesse avec laquelle la pathologie est diagnostiquée.

2.4 Techniques actuelles de monitorage de la moelle

épinière

La section précédente faisait état des atteintes du SNC, avec des symptômes de gravité variables pouvant résulter dans certains cas au décès. Afin de diminuer la mor-talité et d’améliorer les conditions de vie des patients souffrant de lésions médullaires, l’OMS prévoit un renforcement des systèmes de santé pour un diagnostique plus effi-cace et un accès aux soins médicaux adéquats plus rapide. On met ici un accent sur les technologies impliquées dans le parcours de soins, plus précisément au diagnostique avec les techniques d’imagerie. Afin de pouvoir observer toute la palette des symptômes que l’on a évoquée, il existe des techniques d’imagerie qui se centrent sur les dommages physiques, tandis que d’autres se focalisent sur les troubles des fonctions. Ainsi, on distingue par la suite l’imagerie structurelle de l’imagerie fonctionnelle. Elles ont pour objectif d’estimer la gravité des atteintes du SNC, de les localiser et de diagnostiquer les pathologies. La majorité des techniques employées dans le parcours médical sont non invasives, c’est-à-dire qu’elles ne nécessitent pas d’incisions ou autre lésions supplé-mentaires pour le monitorage. Cependant, lorsque l’information recherchée le demande, le personnel hospitalier est alors amené à utiliser des méthodes plus ou moins invasives.