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2.3 Effets structuraux et électroniques des nanotubes de carbone sur la réaction

2.3.3 Sélectivité selon le diamètre du nanotube

Le diagramme d’énergie de la figure 2.36 implique que la cinétique de la réaction de couplage devrait être sensible au diamètre du nanotube. En effet, l’énergie de la bande interdite des sc-NT est inversement proportionnelle au diamètre. Pour le vérifier, nous avons étudié l’influence du diamètre sur la vitesse de réaction pour mesurer une éventuelle sélectivité en diamètre.

La sélectivité du couplage d’un diazonium sur un nanotube selon son diamètre a été mise en évidence dans des travaux précédents [6, 125]. Certains auteurs ont montré que cette sélectivité dépend des substituents sur le diazonium et qu’il était possible d’inverser la sélectivité [142] selon le diazonium utilisé ou tout simplement ne pas avoir de sélec- tion selon le diamètre [125]. Dans certains cas [142, 143], les nanotubes de plus petits diamètres réagissent plus vite alors que dans d’autres travaux [125] ce sont les gros dia-

mètres les plus réactifs.

Dans notre cas, nous avons étudié le sens de la sélectivité en déterminant les temps de demi-réaction pour les différents diamètres des m-NT et sc-NT. En effet, il est possible de relier la longueur d’onde du spectre d’absorption au diamètre moyen des nanotubes à l’aide du diagramme de Kataura [144].

Figure 2.37

Illustration de la sélectivité en diamètre de la réaction de couplage : les temps de demi-réaction sont

tracés en fonction du diamètre moyen des nanotubes exprimé en Angströms et déterminé à partir du spectre d’absorption à l’aide du diagramme de Kataura. La réaction a été réalisée avec des concentrations en NT de 17 mg/L et en MeOBDT de 5 mM.

La figure 2.37 représente l’évolution du temps de demi-réaction en fonction du dia- mètre pour les m-NT et les sc-NT. Dans toutes nos expériences, et avec plusieurs diazo- nium différents (NO2-, Br- et MeO-BDT), nous avons observé que les m-NT et sc-NT de

gros diamètre sont les plus réactifs. Ces résultats sont en accord avec les travaux récents de Doyle et al. [125] mais sont contraires aux travaux réalisés antérieurement [143, 142]. Cette contradiction pourrait s’expliquer par la différence de surfactant utilisé dans les deux cas. En effet, les auteurs qui observent une sélectivité pour les petits diamètres utilisent des surfactants anioniques alors que la sélectivité pour les gros diamètres est observée avec des surfactants neutres tel que notre Pluronic F127. De plus, Doyle et al. ont montré que la sélectivité pour les gros diamètres diminue si l’on utilise un surfactant anionique tel que le dodécylbenzenesulfonate de sodium (SDBS). Cette différence est difficile à in- terpréter, peut-être est-ce dû à une modification des potentiels électrochimiques par le surfactant comme décrit par Dyke et al. [125].

Dans le cas des sc-NT, les cinétiques de réaction montrent une très forte dépendance en fonction du diamètre. En effet, la réaction est deux fois plus rapide avec des sc-NT de gros diamètre (1.4 nm) qu’avec les petits diamètres (1.2 nm). Cette tendance est cohérente avec les résultats de la corrélation de Hammett qui montre le comportement nucléophile des nanotubes et le diagramme orbitalaire expliquant l’origine de la sélectivité de la réac- tion. En effet, Paolucci et al. [135] ont mesuré le niveau d’énergie de la bande de valence

des sc-NT, équivalente à la HOMO. Le niveau de la HOMO des sc-NT augmente avec le diamètre. Or plus le niveau de la HOMO est élevé, plus le nanotube est réactif. En conclu- sion, les sc-NT de gros diamètre sont les meilleurs nucléophiles. Bien sûr, les m-NT dont la HOMO est équivalente au niveau de Fermi sont meilleurs nucléophiles que les sc-NT ce qui explique la sélectivité métallique vs semi-conducteur.

Dans le cas des m-NT, il est difficile d’estimer l’effet du diamètre sur le niveau de la HOMO. Les mesures et les calculs théoriques du niveau de Fermi des m-NT [139] concluent à une faible dépendance de ce niveau selon le diamètre et la chiralité pour des nanotubes d’environ 1 nm de diamètre. En cohérence avec ces résultats, nous n’obser- vons pas de différences majeures de réactivité entre les différents diamètres sauf pour les m-NT de plus gros diamètre (1.4 à 1.44 nm) qui sont plus réactifs. Ce phénomène pourrait être dû au fait que les m-NT de gros diamètres ont des potentiels d’oxydation légèrement plus faible que les petits diamètres. On peut supposer que les m-NT et les aryl-m-NT radical de petits diamètres seront préférentiellement utilisés dans la seconde étape de propagation pour régénérer l’aryldiazonium. Alors que les m-NT ou aryl-m-NT radical de gros diamètres se coupleront plutôt avec l’arylradical du fait de leur meilleure nucléophilie. par En conclusion, nous avons vu que la réaction de couplage est sélective selon le diamètre. Ce résultat est en cohérence avec notre modèle mécanistique.

2.4

Conclusions

Ce chapitre démontre clairement le mécanisme du couplage entre un diazonium et un nanotube de carbone [145] à l’aide d’une étude cinétique. Cette réaction passe par un mécanisme radicalaire en chaîne avec deux intermédiaires dont nous avons pu prouver l’existence en milieu aqueux :

– un arylradical observé de manière indirecte par l’inhibition de la réaction à l’aide d’un piégeur de radicaux

– un aryl-NT radical détecté par résonnance de spin électronique (RSE).

Ce chapitre montre également que les nanotubes métalliques et semiconducteurs in- teragissent inextricablement dans ce mécanisme. En effet, les nanotubes métalliques ca- talysent l’addition de l’arylradical sur les semiconducteurs. Avec la généralisation des so- lutions purement composées de semiconducteurs, il est important de prendre en compte que la chimie sur ces solutions pourrait remettre en cause les certitudes existantes.

Et surtout, ce chapitre détermine enfin l’origine précise de la sélectivité selon le type électronique et le diamètre de cette réaction et identifie les leviers d’amélioration dont nous discuterons dans le chapitre suivant. En effet, l’expertise acquise sur cette réaction va nous permettre par la suite de proposer un protocole augmentant de manière significative la sélectivité. De plus, cette étude apporte également des données sur la sélectivité selon le diamètre, un phénomène encore très discuté dans la littérature.

SEMICONDUCTEURS POUR LA RÉALISATION

DE

CNTFET

S

LES NANOTUBES DE CARBONE,DU FAIT DE LEURS PROPRIÉTÉS ÉLECTRONIQUES EXCEPTIONNELLES SONT UTILISÉS DANS LA RÉALISATION DE TRANSISTORS À EFFET DE

CHAMP,BRIQUE ÉLÉMENTAIRE DE L’ÉLECTRONIQUE MODERNE. EN EFFET,LES NANOTUBES

SEMICONDUCTEURS POSSÈDENT TOUS LES ATOUTS POUR JOUER UN RÔLE IMPORTANT

DANS LE DÉVELOPPEMENT DE COMPOSANTS ÉLECTRONIQUES INNOVANTS. MAIS,À CAUSE

DE LA DUALITÉ MÉTALLIQUE/SEMICONDUCTEUR DES NANOTUBES, LE RENDEMENT DE FA-

BRICATION DE TRANSISTORS PERFORMANTS EST GRANDEMENT DIMINUÉ. DANS CE CHA-

PITRE, JE VAIS ABORDER DEUX TECHNIQUES QUE J’AI UTILISÉES POUR ENRICHIR EN

SEMICONDUCTEURS DES TRANSISTORS FABRIQUÉS À PARTIR DE MÉLANGE DE NANO- TUBES MÉTALLIQUES ET SEMICONDUCTEURS. LA PREMIÈRE MÉTHODE CONSISTE EN UN DÉPÔT SÉLECTIF DE NANOTUBES MÉTALLIQUES PAR DIÉLECTROPHORÈSE. LA SECONDE

MÉTHODE UTILISE LA FONCTIONNALISATION CHIMIQUE SÉLECTIVE. EN EFFET, GRÂCE À

L’EXPERTISE QUE LE LABORATOIRE A ACQUISE DANS LA COMPRÉHENSION DE LA RÉAC-

TION DIAZONIUM-NANOTUBE ABORDÉE DANS LE CHAPITRE 2, J’AI PU DÉVELOPPER UNE

TECHNIQUE PERMETTANT DE FONCTIONNALISER PRESQUE EXCLUSIVEMENT LES NANO- TUBES MÉTALLIQUES POUR DÉTRUIRE LEURS CONDUCTIVITÉS ET AINSI AMÉLIORER LES PERFORMANCES DU TRANSISTOR.

3.1

Dépôt sélectif par diélectrophorèse

La diélectrophorèse a été assez tôt utilisée pour le positionnement des nanotubes de carbone dans le cadre de la fabrication de CNTFETs. Par la suite, cette technique a montré sa capacité pour le dépôt sélectif des nanotubes métalliques dans des conditions bien particulières. Nous allons montrer dans cette partie qu’il est possible de réaliser des transistors performants par diélectrophorèse. Nous détaillerons tout d’abord les étapes de nanofabrication de la puce. Ensuite, nous parlerons de la technique de diélectrophorèse utilisée pour l’enrichissement de CNTFETs en nanotubes semiconducteurs. Enfin, nous montrerons l’amélioration des CNTFETs obtenus avec leurs caractéristiques électriques à l’appui.

3.1.1 Les étapes de nanofabrications des CNTFETs