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1.5 Les bio-hybrides : structure et fonctions

1.5.1 Bio-hybrides à nanotubes de carbone pour des applications de bio-senseurs

optique, la spectroscopie de masse et le gel d’électrophorèse [96, 97, 98]. Toutes ces techniques sont très sensibles mais sont coûteuses et nécessitent des expérimentateurs spécialisés. Depuis ces dernières années, les recherches sur les biopuces, des compo- sants capables d’analyser rapidement des milieux biologiques, sont en plein essor. Une des approches envisagées pour la réalisation de ce type de composants consiste à utili- ser les interactions biologiques spécifiques et de les transcrire en une réponse électrique. Rapidement, les CNTFETs ont montré leur intérêt. En effet, les nanotubes de carbone du fait de leur biocompatibilité et de leur taille sont le matériau idéal pour relier le monde de la biologie, avec ses interactions spécifiques, avec le monde macroscopique de la dé- tection électrique. Par ailleurs, les CNTFETs ont déjà montré leur sensibilité de détection à l’échelle nanométrique dans des capteurs de gaz [99]. En effet, le NT est très sen- sible à la modification de son environnement électrostatique qui peut être provoqué par un changement de conformation d’une protéine ou par l’absorption de molécules à l’interface métal/NT ou encore bien d’autres phénomènes. Ce changement d’environnement du NT se traduit par une modification des caractéristiques électriques du CNTFET.

Les biocapteurs à base de CNTFETs ont de nombreuses applications pour la détection de protéines, carbohydrates et d’ADN. Nous allons présenter plusieurs exemples de bio- senseurs utilisant l’interaction anticorps-antigène et les réactions enzymatiques.

Dans le cas de la détection anticorps-antigène, les nanotubes sont fonctionnalisés de manière non covalente avec l’un des deux protagonistes. Star et al. [100] ont fabriqué un CNTFET sensible à la streptavidine (Fig 1.14) en utilisant des nanotubes de carbone couverts de polymères biotinilés. Le couplage biotine-streptavidine provoque une modifi- cation des caractéristiques électriques du transistor (Fig 1.14). Plus récemment, Li et al. [101] ont étudié l’interaction spécifique anticorps-antigène prostatique spécifique en utili- sant des CNTFETs. Ils ont montré la très grande sensibilité de ce type de composant avec une limite de détection de l’ordre de la dizaine de pM. Pour cela, ils ont fonctionnalisé les nanotubes avec l’anticorps spécifique de la prostate de manière non-covalente en utilisant l’interactionΠ-Πentre le pyrène et le NT.

Par ailleurs les CNTFETs ont également été utilisés pour la détection d’activités en- zymatiques. Le diagnostic et le traitement des diabétiques nécessitent une détermination précise du taux de glucose dans le sang. De nombreuses recherches ont alors été faites sur la détection électrique du glucose en utilisant des CNTFETs [103]. Cette détection est

Figure 1.14

Illustration de l’effet de l’intéraction bio-

tine/streptavidine sur la caractéristique ID(VGS)

du CNTFET. Cette figure issue de [100] montre les

caractéristiques ID(VGS) d’un CNTFET couvert d’un polymère biotinilé en présence ou en l’absence de streptavidine.

Figure 1.15

Illustration de l’effet du glucose sur la conduc- tance d’un CNTFET couvert de glucose-oxydase (GOx). Cette figure issue de [102] compare l’effet

d’ajout d’eau et de glucose sur la conductance d’un CNTFET couvert de GOx pour deux gammes de conductance (Figure et zoom a) et sur un CNTFET nu (zoom b).

basée sur l’oxydation du glucose par l’enzyme glucose-oxydase (GOx). Cette enzyme ca- talyse l’oxydation duβ-D-glucose en D-glucono-1,5-lactone. Lors de cette transformation,

il y a temporairement des changements de conformations et d’états de charge qui peuvent être détectés par le CNTFET. Besteman et al. [102] ont montré l’efficacité de cette dé- tection du glucose. La figure 1.15 résume les résultats qu’ils ont obtenus et montre la spécificité de l’interaction. En effet, seul l’ajout de glucose augmente la conductance du CNTFET couvert de GOx. De plus, ces auteurs parlent de la possibilité grâce à la forte sensibilité du CNTFET de pouvoir détecter un seul événement dans ce cas-ci l’oxydation d’une seule molécule de glucose.

1.5.2 Bio-hybrides à base de protéines photosynthétiques

Le photosystème I est une protéine photosynthétique qui intervient dans le mécanisme de la photosynthèse oxygénique. Lorsque cette protéine reçoit un photon, il y a un transfert

électronique interne qui passe par différents intermédiaires explicités dans le chapitre 4. L’électron se retrouve sur la périphérie de la protéine et peut alors être transféré au milieu externe.

Das et al. [104] ont été les premiers, en 2004, à intégrer un photosystème I de la Rhodobacter (Rb.) sphaeroides dans un composant électronique. Ils ont utilisé de l’oxyde d’indium-étain (ITO) couvert d’une fine couche d’or comme électrode. Ensuite la protéine est immobilisée sur la surface de l’électrode par une succession de fonctionnalisations (Fig 1.16). Une molécule bifonctionnelle thiol/N-hydroxysuccinimydyl appelée DTSSP est, dans un premier temps, greffée à l’or via la terminaison thiol. Puis, par l’extrémité N- hydroxysuccinimydyl, un complexe de Nickel (II) avec un ligand nitrolotriacétique (NTA) et deux ligands Histidines est greffé via une réaction d’amidification. Ce complexe fixe en- suite une sous-unité de la protéine appelée PsaD modifiée génétiquement qui comporte des fonctions histidines qui se complexent au Ni (II). Enfin la sous-unité PsaD de la pro- téine native est retirée pour être remplacé par celle qui est reliée à l’électrode.

Figure 1.16

Illustration des différentes étapes permettant l’im- mobilisation d’un photosystème I sur une élec- trode ITO/Au Cette figure issue de [104] est détaillée

dans le corps du texte.

Une fois la protéine immobilisée, les auteurs ont mesuré l’efficacité et la viabilité d’un tel dispositif dans une configuration photovoltaïque où l’électron généré par la protéine est récupéré par l’électrode ITO/Au. Néanmoins, ils ont également montré la forte corrélation entre la stabilisation de la structure de la protéine immobilisée et les performances du dispositif.

En 2006, Terasaki et al. [105] ont montré la nécessité de nanostructurer l’électrode sur laquelle le photosystème I (PSI) est immobilisé pour améliorer le transfert électronique de la protéine vers l’électrode. Pour cela, ils ont immobilisé le PSI par affinité chimique avec une couche de thiols auto-assemblés (SAM) sur des nanoparticules d’or. Sur le même principe, Ciobanu et al. [106] se sont penchés sur l’optimisation de la longueur de la chaîne thiolée pour l’immobilisation du PSI. Ils ont montré que l’interaction entre une électrode plate et le PSI est la plus forte avec une molécule flexible c’est-à-dire plutôt avec une longue chaîne. Néanmoins, il faut prendre en compte que, plus cette chaîne sera longue,

plus la probabilité d’effet tunnel à travers cette couche sera faible.

Figure 1.17

Illustration du photo-détecteur et des étapes d’immobilisation du photosys- tème I issue de [107]. La première étape

d’immobilisation consiste à extraire un accepteur d’électron intervenant dans le transfert de charge dans le PSI pour le rem- placer par un autre accepteur greffé sur une nanoparticule d’or. Cette nanoparticule est ensuite déposée sur la grille d’un MOS- FET.

En 2007, une équipe a réalisé le premier photo-détecteur fait à partir de photosys- tème I et d’un transistor à effet de champ en silicium [107]. Dans le composant, le PSI de Thermosynechococcus elongatus est greffé sur une nanoparticule d’or qui est elle-même déposée sur la grille d’un transistor à effet de champ en silicium (MOSFET) (Fig 1.17). Sous éclairement, il y a un décalage vers les VGS négatifs de la caractéristique ID(VGS)

du MOSFET. De plus ils ont montré que ce décalage dépendait de la puissance incidente lumineuse. Il est à noter que toutes leurs expériences sont faites en milieu aqueux (Fig 1.17).

Récemment, le premier dispositif nanotubes de carbone/photosystème I a été réalisé par Frolov et al. [108]. Un photosystème I avec des fonctions cystéines ajoutées par mu- tation est greffé sur les défauts carboxyliques des nanotubes de carbone. Pour cela, les COOH activés par NHS des NT sont fonctionnalisés avec une molécule bifonctionnelle amine/maléimide. Les cystéines de la protéine viennent ensuite se fixer sur le groupement maléimide. Les bio-hybrides obtenus sont déposés aléatoirement entre deux électrodes. Les auteurs ont mesuré le photocourant entre les deux électrodes qui est de l’ordre de quelques dizaines de nA et ont montré que ce photocourant dépendait de la puissance lumineuse incidente. Cette expérience est la première à être réaliser en milieu sec. Ré- cemment, le même groupe a montré qu’en immobilisant un PSI mutant sur un nanotube de carbone, il est possible de détecter une augmentation du photocourant qui suit le spectre d’absorption de la protéine [109].