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Sélectivité d’interactions avec les partenaires transcriptionnels et chaperons

b) Récepteur ancestral

3. Sélectivité d’interactions avec les partenaires transcriptionnels et chaperons

La liaison d’un ligand agoniste dans la cavité de liaison du LBD du MR entraîne un changement conformationnel qui permet la délimitation de la fonction d'activation AF-2 dans laquelle se lient les motifs LXXLL des coactivateurs. Ce changement est très spécifique de l’agoniste. En effet, l’aldostérone n’entraîne pas les mêmes interactions que le cortisol (Yang et al., 2011). Plusieurs équipes ont cherché à identifier des corégulateurs expliquant une sélectivité de l’aldostérone par rapport au cortisol, mais aussi du MR par rapport au GR.

(a) Corégulateurs transcriptionnels spécifiques du MR

La sélectivité d’un corégulateur transcriptionnel pour un complexe ligand-récepteur spécifique représente un attrait intéressant dans le contexte de dualité hormonale de la signalisation minéralocorticoïde. Kitagawa et al. avaient décrit une interaction ligand-spécifique entre l’ARN hélicase A (RHA) et le domaine AF-1a du MR transfecté in vitro dans des cellules HEK293. L’interaction se ferait en présence d’aldostérone, mais pas en présence de cortisol (Kitagawa et al., 2002). Cette information, très intéressante, reste à être confirmée, puisque l’article a été rétracté pour « manipulations inacceptables de figures » (2014). Rogerson et al. ont réalisé deux criblages moléculaires par la technique de double hydride, dans la Levure et dans des cellules de Mammifères, en utilisant le LBD du MR humain comme proie, et une librairie d’ADN complémentaires de rein humain (Rogerson et al., 2014). Ils ont ainsi identifié un clone pour lequel le produit du gène interagit avec le LBD du MR 7 fois plus en présence d’aldostérone qu’en présence de cortisol : la protéine Tesmine, ou MTL5 (pour Métallothionéine-5). La protéine Tesmine contient deux motifs LXXLL permettant une interaction directe avec le domaine AF-2 du

73 MR. Elle entraîne la transactivation de gènes cibles du MR lié à l’aldostérone, et son action est inhibée par la spironolactone. L’identification de ce premier coactivateur ligand-spécifique du MR est intéressante et pourrait être utilisée pour l’étude des cibles génomiques sélectives du complexe aldostérone-MR.

(b) Corégulateurs transcriptionnels sélectifs du MR ou du GR

Dans la première partie de l’introduction, nous décrivions PIAS1, de la famille des SUMO ligases PIAS, qui interagit avec le MR comme corépresseur ligand-dépendant. Notre équipe, après l’identification de PIAS1, a étudié l’influence du ligand sur son l’activité transrépressive du MR. Il a été montré que PIAS1 réduit l'activité de transactivation du gène rapporteur luciférase quelque soit la nature de l'agoniste lié au MR (aldostérone ou le cortisol). De façon intéressante, PIAS1 n’a aucun effet quand le MR est lié à la spironolactone même si cette dernière est caractérisée par une très faible activité agoniste partielle. Si les deux agonistes agissent de la même façon, les résultats obtenus avec la spironolactone montre tout de même que la nature du ligand a une influence sur la structure quaternaire du récepteur, et donc sur le recrutement de partenaires transcriptionnels. Par ailleurs, si PIAS1 réprime l’activité transcriptionnelle du MR, il n’a aucun effet sur celle du complexe dexaméthasone-GR. Ainsi, in vitro, PIAS1 est un corépresseur sélectif du MR (Pascual-Le Tallec et al., 2003).

Tirard et al. ont réalisé le même type d’approche de double-hybride sur des cellules neuronales pour identifier des partenaires du MR, et ont identifié d’autres membres de la famille PIAS comme partenaires du MR dans ce modèle. Les investigations ont montré que la protéine PIAS3 est co-immunoprécipitée avec le NTD du MR, mais pas celui du GR (Tirard et al., 2004). La liaison entre PIAS3 et le MR est accrue en présence d’aldostérone, et entraîne une répression de l’activité transactivatrice du MR, comme c'est le cas avec PIAS1. Par contre, PIAS3 ne modifie pas l’activité du GR, ce qui montre qu’il est un partenaire exclusif du MR dans les neurones. Deux autres membres de la famille, PIASy et PIASxβ, ont le même effet répressif que PIAS3 sur le MR. Contrairement à ce que nous avions montré, PIAS1 dans le modèle neuronal réprime aussi l’activité du GR, ce qui semble montrer qu’il est un modulateur tissu-spécifique du GR. Quant à PIASxβ, il a un effet opposé pour le MR et le GR, puisqu’il agit comme coactivateur du GR. Enfin, la protéine PIASy agit seulement comme un coactivateur du GR, ce qui montre que dans ce tissu, il est sélectif pour un des récepteurs. En résumé, les membres de la famille PIAS agissent donc

74 dans les neurones comme des modulateurs différentiels du MR et du GR (Tirard et al., 2004), et l’action de PIAS1 est tissu-spécifique.

Dans la présentation des coactivateurs du MR (Chapitre I de l'introduction), nous avions vu l’importance de la famille p160, codant notamment pour les isoformes SRC-1a et 1e. Ces deux isoformes présentent une expression tissu-spécifique (Hong et al., 1996; Xu et al., 2000), et nous avions décrit l’aspect promoteur-spécifique de leur interaction avec le MR. Ce dernier point est identique entre le MR et le GR. En fonction du promoteur, l’isoforme SRC-1e favorise la transactivation du MR, mais pas celle du GR. Ce niveau de sélectivité pour le récepteur est atteint quand SRC-1e se lie sur le NTD du MR plutôt que sur le domaine AF-2. L’influence du ligand a aussi été investiguée en traitant les cellules par de la corticostérone ou par du RU486, l’antagoniste à activité agoniste partielle du GR. De cette façon, il a été montré que le complexe corticostérone-GR est coactivé seulement par SRC-1e, tandis que le complexe RU486-GR est coactivé seulement par SRC-1a (Meijer et al., 2005). Cette étude a mis en évidence un partenariat entre les isoformes de SRC-1 et les récepteurs MR et GR qui est sélectif du locus, du ligand, du récepteur et probablement du tissu.

Un nouveau criblage double-hybride utilisant le MR entier a permis d’identifier la sous-unité γ du facteur de transcription NF-Y (NF-YC) comme nouveau partenaire du MR (Murai-Takeda et al., 2010). Après validation extensive de l’interaction entre NF-YC et le NTD du MR, il a été démontré que l’aldostérone induit la translocation nucléaire du MR et de NF-YC in vitro et in vivo. Une fois dans le noyau, l’activité transactivatrice du MR induit par l’aldostérone ou le cortisol est inhibée par NF-YC, et cet effet est aboli par un siRNA spécifique de NY-FC, ce qui permet de le définir comme corépresseur. Enfin, NF-YC n’a aucun effet sur l’activité de transactivation des autres récepteurs oxo-stéroïdiens. NF-YC est donc un corégulateur sélectif et agoniste-induit du MR.

Oakley et al. ont identifié la protéine MDFIC comme étant un partenaire du GR qui guide l’action tissu-spécifique des glucocorticoïdes (Oakley et al., 2017). MDFIC (pour MyoD Family

Inhibitor domain Containing) interagit avec la région charnière du GR et régule l’activité du GR en modifiant son état de phosphorylation. De part cette interaction, le GR possède une activité transcriptionnelle gène-spécifique. De façon intéressante, le GR réprime le gène codant l’expression de MDFIC, autorisant ainsi une boucle de rétrocontrôle négatif sur l’activité de MDFIC.

75 L’ensemble de ces partenaires transcriptionnels, sélectifs du récepteur, du ligand, du gène et/ou du tissu, montre que les mécanismes de sélectivité entre le MR et le GR sont complexes et dépendants du contexte. S’il est fort probable que les deux récepteurs régulent certains gènes en commun, il existe aussi un certain nombre de mécanismes et de partenaires permettant à chacun d’avoir un rôle spécifique.

(c) Interactions sélectives dans le cytoplasme

Quelques études se sont intéressées aux différences entre le MR et le GR en amont de leur activité de transactivation, en particulier au niveau de leur disponibilité au sein du complexe de protéines chaperonnes. Kovacs et al. se sont intéressés aux interactions entre les histones désacétylases (HDAC), la chaperonne Hsp90 et le GR. L’hyperacétylation de la Hsp90 inhibe sa fonction de chaperonne. Ils ont démontré que la HDAC6 régule la Hsp90 par désacétylation, donc permet le maintien de sa capacité à chaperonner le GR. En cela, HDAC6 est indispensable à la signalisation relayé par le GR (Kovacs et al., 2005). Récemment, il a été démontré que la désacétylation de la Hsp90 par la HDAC6 influençait de façon importante le MR, non pas au niveau de son activité de transactivation, mais au niveau de sa localisation subcellulaire. En fait, le MR serait ainsi plus disponible. La HDAC6 agit comme un garant de la disponibilité du MR via la Hsp90, générant ainsi un point de balance dans la disponibilité respective du MR et du GR (Jiménez-Canino et al., 2016b).