• Aucun résultat trouvé

112

A. Justification du projet

1. Contexte de l’étude

Comme nous l’avons vu dans l’introduction générale, le MR relaye majoritairement les effets physiopathologiques de l’aldostérone. Les dysfonctionnements liés à l’hyperaldostéronisme sont efficacement améliorés par des antagonistes sélectifs du MR (Funder, 2015; Bramlage et al., 2016). Pourtant, le MR est aussi activé par les glucocorticoïdes (le cortisol chez l’Homme), ces hormones stéroïdiennes dites « du stress » qui agissent principalement en se liant au GR (Oakley and Cidlowski, 2013). Le MR a la même affinité pour l’aldostérone et pour le cortisol (Gomez-Sanchez and Gomez-(Gomez-Sanchez, 2014). Il a néanmoins été montré que le MR a une sensibilité intrinsèque 500 fois supérieure pour l’aldostérone (ED50 de 0,01 nM) en comparaison au cortisol (ED50 de 5 nM) (Lombes et al., 1994). Cette discrimination serait, au moins en partie, dictée par 4 acides aminés de la cavité de liaison du MR (au sein de la séquence 804-874) qui diffèrent dans le GR (Rogerson et al., 2007; Mani et al., 2016). Pourtant, le cortisol circulant dans le sang est à une concentration moyenne de 400 nM, soit un excès de 1000 fois par rapport à l’aldostérone (0,35 nM) (Rafestin-Oblin et al., 2003; Travers et al., 2017) posant la question de l'accessibilité du MR à l'aldostérone. Ainsi, alors même que le MR serait plus sensible à l'aldostérone qu'au cortisol, les différences de concentrations plasmatiques se traduiraient par une occupation quasi totale du MR par le cortisol. Il a été montré qu’une enzyme, la 11βHSD2, exprimée dans les tissus épithéliaux de façon concomitante avec le MR, selon un même schéma développemental (Martinerie et al., 2012), métabolise le cortisol en cortisone, qui est un composé inactif sur le MR, favorisant ainsi un accès privilégié de l’aldostérone au MR. Pourtant, Funder et ses collaborateurs ont proposé que la 11βHSD2 ne métabolisait que 90% le cortisol, ce qui n'exclurait pas totalement l'action des glucocorticoïdes sur le MR (Funder, 2017a). Pourtant, ce pourcentage de 90% n’a pas été expérimentalement validé et invite donc à rester prudent quuant à l’interprétation qu’il faut en faire. La situation est beaucoup plus extrême dans les tissus non-épithéliaux, comme le cœur, les adipocytes ou les neurones, puisqu'ils n'expriment pas la 11βHSD2, et où il existerait donc une dualité d'action entre l'aldostérone et le cortisol avec, en corollaire, une coexpression des deux récepteurs MR et GR.

En parallèle de cette dualité hormonale, le MR est aussi confronté à la présence ubiquitaire du GR (Kino, 2000), phylogénétiquement et fonctionnellement le récepteur stéroïdien le plus proche du MR. Même si le GR a des affinités comparables pour l'aldostérone et pour les glucocorticoïdes, comme l’ont montré les expériences de liaison de ligand tritié, le GR est très peu

113 sensible à l'action de l'aldostérone sur des tests de transactivation de gène rapporteur (Hellal-Levy et al., 1999). Par ailleurs, le MR et le GR partagent 94% d’identité de séquence dans le DBD, reconnaissant sur l'ADN des motifs GRE identiques ou quasi-identiques (Hudson et al., 2014). Se pose ainsi la question de la contribution respective de l'aldostérone, du cortisol et des deux récepteurs dans la signalisation minéralocorticoïde. Des modèles d'invalidation totale du MR ou du GR ont montré qu'aucun des deux récepteurs ne peut compenser l'absence de l'autre, confirmant l'implication de chacun dans la régulation de fonctions biologiques distinctes (Berger et al., 1998; Cole et al., 1995).

De façon intéressante, les études de van Weert et coll. dans l'hippocampe montrent, qu'après traitement par la corticostérone, les deux récepteurs ont une centaine de cibles communes identifiées en ChIP-Seq, mais ont surtout plus de mille cibles spécifiques chacun (van Weert et al., 2017). Un des mécanismes permettant au MR de discriminer des sites de liaison spécifiques et préférentiels est la présence de motifs associés aux GRE, comme le motif Atoh1 au niveau de l’hippocampe (van Weert et al., 2017). Il a été montré que certains corégulateurs interagissaient sélectivement avec le MR (comme PIAS3 (Tirard et al., 2004)), ou avec le GR (comme MDFIC (Oakley et al., 2017)), de façon tissu-spécifique. En fonction des tissus, trois cas de figures sont rencontrés : 1) le MR et la 11βHSD2 sont exprimés, alors l’aldostérone a une fonction définie (tissus épithéliaux) ; 2) le MR est exprimé, mais pas la 11βHSD2 et l’aldostérone est présente, alors le MR est peut être activé par deux types d’hormones et entre en concurrence avec le GR sur certaines cibles génomiques (e.g. le cœur) ; 3) le MR est exprimé, mais pas la 11βHSD2 et l’aldostérone est absente, alors le cortisol, ou les glucocorticoïdes plus généralement, agit via deux types de récepteurs (e.g. l’hippocampe).

2. Hypothèses de travail

Nous nous sommes intéressés à cette dualité de voie de signalisation très importante en physiopathologie. Dans l’hippocampe, nous venons de le voir, le MR et le GR activés par la corticostérone possèdent une centaine de cibles génomiques communes (van Weert et al., 2017). Nous-mêmes, en comparant le cistrome dans une lignée rénale humaine dans l’Article 1 (Le Billan et al., 2015) et les cistromes du GR disponibles en ligne (Gerstein et al., 2012), nous avons remarqué que les 15 MBS que nous avions caractérisés étaient communs aux deux récepteurs. Il est donc tout à fait envisageable que le MR et le GR régulent simultanément des cibles génomiques communes en fonction des contextes cellulaires et moléculaires (Ou et al., 2001). Notre première hypothèse est que, pour un gène commun donné, les transrégulations par le MR

114 et le GR puissent coexister. L’importance des phénomènes dynamiques dans la transrégulation a été mise en évidence à partir du ERα. En présence d'œstradiol, le ERα se lie à la chromatine de façon dynamique et cyclique (Métivier et al., 2003). Dans l’Article 2, nous avons vu que la nature du ligand (agoniste, antagoniste partiel/pur) influait sur le recrutement du MR sur des cibles génomiques (Amazit et al., 2015). Ainsi, notre seconde hypothèse est que le MR et le GR seraient recrutés de façon dynamique et séquentielle, mais selon des rythmes différents en fonction du récepteur et de la nature du ligand. Enfin, plusieurs études ont montré que le MR et le GR pouvaient agir en formant des hétérodimères (Liu et al., 1995; Nishi et al., 2004; Nishi and Kawata, 2007; Mifsud and Reul, 2016). Ainsi, notre hypothèse est que la formation de tels hétérodimères entre le MR et le GR apporterait un élément supplémentaire permettant de moduler l'activité de transrégulation de ces deux récepteurs. Ces trois possibilités ne sont pas mutuellement exclusives.

3. Objectifs du travail

Dans cette troisième partie des résultats, nous avons cherché à expliciter la contribution relative du MR et du GR dans la signalisation de l’aldostérone et du cortisol dans des cellules rénales humaines. Pour cela, nous avons mis à profit les cellules HK-GFP-hMR qui, nous le verrons, expriment de façon endogène le MR et le GR, mais aussi surexpriment la protéine de fusion GFP-hMR. De plus, ces cellules n’expriment pas la 11βHSD2, ce qui nous permettra de nous affranchir du métabolisme des glucocorticoïdes. En exposant ces cellules avec un agoniste (aldostérone, cortisol), ou un antagoniste sélectif du MR ou du GR (finérénone ou RU486, respectivement), nous avons étudié :

- l’effet agoniste-spécifique sur le transfert nucléaire du MR,

- la participation du MR et du GR à la transactivation d’un gène cible commun, - le recrutement du MR et du GR sur un site de liaison génomique commun,

- la dynamique des complexes transcriptionnels dans le recrutement différentiel des deux récepteurs, et de leurs partenaires moléculaires associés et, enfin,

- l’occurrence d’homodimères et d’hétérodimères MR-GR sur l’ADN.

Article 3