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La finérénone (Bayer HealthCare) est le dérivé amélioré du BR-4628, dans lequel le noyau dihydropyridine a été converti en noyau dihydronaphthyridine (Figure 13). In vitro, en test de liaison couplé à l’activité luciférase, la finérénone a un IC50 de 18 nM pour le MR, soit 10000 fois plus basse que pour AR, PR et GR, ce qui montre qu’elle est plus puissante et sélective que le BR-4628. Un premier essai préclinique a été fait sur le rat soumis à un régime hyposodé pendant 3 jours puis gavé avec différentes doses de finérénone ou d’éplérénone. La finérénone augmente de façon dose-dépendante, le rapport Na+/K+ urinaire, et se montre 3 à 10 fois plus puissant et plus efficace que l’éplérénone (Bärfacker et al., 2012). Dans deux modèles de rats, soit soumis à un régime DOCA-salt et développant une hypertension artérielle et des fibroses cardiorénales, soit soumis à une ligature de l’artère coronarienne et développant une insuffisance cardiaque, la finérénone s’est montré plus efficace que l’éplérénone et à une dose 100 fois plus faible (10 mg/kg) pour la prévention et la prise en charge de ces pathologies (Kolkhof et al., 2014; Gueret et al., 2016). Enfin, chez des rats ayant développé une insuffisance rénale chronique, suite à un protocole d’ischémie/reperfusion, et traités à la finérénone (10 mg/kg) pendant 4 mois, aucune

65 détérioration durable de la structure et de la fonction rénales n'a été observée en comparaison aux rats contrôles (Lattenist et al., 2017).

Un essai clinique, phase II, a permis de comparer les effets de la finérénone vs l’éplérénone dans le traitement de patients atteints d’insuffisance cardiaque aggravée avec une fraction d’éjection diminuée, et une insuffisance rénale chronique et/ou un diabète sucré : l’étude multicentrique ARTS-HF (minerAlocorticoid Receptor antagonist Tolerability Study - Heart

Failure). Les patients, séparés en six groupes équivalents, ont reçu pendant 90 jours 25 mg/jour

d’éplérénone ou 2,5, 5, 7,5 10 ou 15 mg/jour de finérénone. La concentration plasmatique du NT-proBNP (pro-peptide natriurétique de type B N-terminal) a été mesurée (Pitt et al., 2015). Une augmentation de la synthèse et de la sécrétion du NT-proBNP par les cardiomyocytes reflète une distension du tissu cardiaque en rapport avec l’insuffisance cardiaque (Campbell et al., 2000). Après 90 jours de traitement, une diminution du NT-proBNP (supérieure à 30% par rapport au 1er jour) est observée dans au moins 30% des patients de tous les groupes (éplérénone et finérénone). La mortalité et le nombre d’hospitalisation ou d’urgence pour raison cardiovasculaire avant le 90ème jour étaient diminués dans les groupes ayant reçu la finérénone par rapport à l’éplérénone, de façon significative (P<0,05) pour le groupe ayant reçu 20 mg/jour, et hormis le groupe ayant reçu 2,5 mg/jour. La survenue d’hyperkaliémie était faible (4% en moyenne) dans tous les groupes. Ce premier essai clinique de la finérénone a permis de déterminer la dose de 20 mg/jour comme étant la plus favorable, de déterminer une efficacité comparable à l’éplérénone dans la diminution de NT-proBNP circulant et de montrer sa fiabilité (Filippatos et al., 2016). Une extension de cet essai a été réalisée sur une petite cohorte de 96 patients atteints de diabète de type 2 associé à une néphropathie diabétique. L’étude a montré que, par rapport au groupe placebo, le groupe traité par la finérénone avait une albuminurie diminuée et une absence d’hyperkaliémie. Le but de l’étude était de démontrer la faisabilité d’un essai clinique de phase III dans des conditions adéquates pour des patients atteints de diabète de type 2 et d’insuffisance rénale chronique (Katayama et al., 2017). Ce nouvel antagoniste non-stéroïdien du MR est donc actuellement en essai clinique de phase III.

c) CS-3150 ou l’esaxérénone

Le CS-3150, ou esaxérénone (Daiichi Sankyo Co), est un dérivé de pyrrole, non-stéroïdien, candidat comme antiminéralocorticoïde sélectif (Figure 13) (Martín-Martínez et al., 2017). In vitro, lors d’expériences de transactivation sur le MR, le CS-3150 a montré une activité antagoniste

66 forte (IC50 = 9,4 nM) pour le MR, donc plus forte que la spironolactone (IC50 = 36 nM) et l’éplérénone (IC50 = 713 nM), et potentiellement au moins aussi forte que la finérénone (Tableau 5). En parallèle, avec une IC50 > 10000 nM pour le GR, le PR et l’AR, le CS-3150 est tout à fait sélectif pour le MR. In vivo, sur des rats surrénalectomisés traités par l’aldostérone et le CS-3150 (0,3, 1 ou 3 mg/kg), le rapport Na+/K+ urinaireaugmenté par l’aldostérone est significativement réduit par l’esaxérénone, plus efficacement et durablement que par la spironolactone et plus durablement que par l’éplérénone. De plus, sur des rats soumis à un régime DOCA-salt donc devenus hypertendus et présentant un début de fibrose cardiorénale, l’esaxérénone empêche l’augmentation induite de la pression systolique, bien plus efficacement que les deux autres antagonistes et à une dose 10 fois plus faible (Arai et al., 2015a). Ce nouvel antagoniste entraîne même une amélioration significative de cas d’insuffisance rénale induite par ce régime, donc un rôle thérapeutique potentiel en plus du rôle préventif (Arai et al., 2015b). Une seconde étude préclinique sur les rats a permis de montrer un effet protecteur du CS-3150 contre le développement de l’hypertension au cours d’un régime hypersalé, en prévenant l’apparition d’une protéinurie et d’une hypertrophie rénale et cardiaque, et sans effet hyperkaliémiant. Cet antagoniste était plus efficace que la spironolactone et l’éplérénone (Arai et al., 2015b). Enfin, le traitement de rats et de macaques a montré que l’esaxérénone est bien absorbée après administration par voie orale, que sa distribution dans l’organisme est homogène, sauf dans le cerveau, et que son élimination se fait par les fèces (Yamada et al., 2016). L’ensemble de ces propriétés a permis d’envisager des essais cliniques chez l’Homme qui sont en cours. L’esaxérénone et la finérénone sont donc deux bons candidats pour le traitement des insuffisances rénales chroniques.

Deux autres molécules sont en cours de développement : LY2623091 par Eli Lilly Company et MT-3995 par Mitsubishi Tanabe Chemistry. LY2623091 est un dérivé hétérotricyclique fusionné dont la structure n’a pas été dévoilée. Des essais cliniques, phases I et II, ont déjà été réalisés mais sont peu détaillés (Wang et al., 2017). Quant au MT-3995, sa structure n’a pas été publiée, et il serait en phase clinique II pour le traitement des néphropathies diabétiques (Kolkhof et al., 2015 ; Martín-Martínez et al., 2017).

Si la signalisation minéralocorticoïde est impliquée dans de graves pathologies humaines, le développement d’une troisième génération d’antagonistes sélectifs et non-stéroïdiens est tout à fait prometteur pour leur traitement. Notre équipe s’est intéressée aux mécanismes moléculaires de la finérénone dans la signalisation minéralocorticoïde. Les résultats issus de cette étude ont

67 été publiés dans le Journal of Biological Chemistry (Le Billan*, Amazit* et al., JBC, 2015) et seront présentés dans la partie 2 des résultats.

III. Sélectivité de la voie minéralocorticoïde et dynamique des

complexes transcriptionnels

Comme nous l’avons déjà vu dans le chapitre I, le MR peut être activé par deux ligands physiologiques : l’aldostérone et le cortisol (la corticostérone chez les Rongeurs). De par l’affinité comparable que ces hormones ont pour le récepteur, il existe une vraie dualité. De plus, nous l’avons vu, le MR et le GR ont une forte homologie de séquence et de structure, se traduisant notamment par la reconnaissance de GRE/MRE quasi-identiques : cela représente un vrai problème de complémentarité entre les récepteurs. Dans la prochaine partie, nous détaillerons d’abord les dualités d’hormone et de récepteur entre les voies minéralocorticoïde et glucocorticoïde, avant d’examiner la dynamique des mécanismes de transrégulation qui pourraient différencier les deux voies.

A. Dualité entre les voies minéralocorticoïdes et glucocorticoïdes

Afin de comprendre les similitudes ou les différences de comportements du MR vis-à-vis de l’aldostérone ou du cortisol, quelques rappels de la première partie sont nécessaires. L'aldostérone et le cortisol ont une structure proche, ce qui se traduit par une affinité du MR tout à fait comparable pour les deux hormones, de l’ordre du nanomolaire, comme l’ont montrées des mesures de constante de dissociation à l'équilibre (Arriza et al., 1987 ; Hellal-Levy et al., 1999). Or, chez l’Homme, la concentration sérique moyenne du cortisol total (100-200ng/mL, soit environ 400 nM), est 100 à 1000 fois plus élevée que celle de l’aldostérone totale (0,5 ng/mL, soit environ 0,35 nM) (Rafestin-Oblin et al., 2003; Travers et al., 2017). Ce résultat suggère que le MR serait continuellement occupé par le cortisol et pose donc la question de savoir si et comment

68 l'aldostérone peut agir via son propre récepteur. Deux éléments ont été apportés pour répondre à cette question : le rôle de la 11βHSD2 d'une part, et la capacité intrinsèque du MR à discriminer les deux hormones, d’autre part.

Dans les tissus épithéliaux, sont exprimés de façon conjointe le MR et la 11βHSD2 (Edwards et al., 1988 ; Funder et al., 1988). Cette enzyme dépendante du NAD+ métabolise le cortisol en cortisone (chez les Rongeurs, la corticostérone en 11-déshydrocorticostérone) qui est inactive sur le MR. Ainsi, en abolissant l’excès de glucocorticoïdes, la 11βHSD2 permet à l'aldostérone d'accéder au MR (Odermatt and Atanasov, 2009) (Figure 14). Au contraire, dans les tissus non-épithéliaux (cœur, adipocytes, cerveau), cette enzyme n’est pas exprimée. Le MR est donc beaucoup plus exposé au cortisol. D’autres mécanismes de sélectivité du MR vis-à-vis de l’aldostérone existent néanmoins.

Figure 14 : L’enzyme 11βHSD2 métabolise le cortisol de façon NAD+-dépendante.

11βHSD2 : 11beta-hydroxystéroïde déshydrogénase de type 2, NAD+ : Nicotinamide Adénine Dinucléotide,

NADH : Nicotinamide Adénine Dinucléotide réduit.

1. Sélectivité intrinsèque du MR pour l'aldostérone