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Le séjour dans les appartemens nouvelle- nouvelle-ment blanchis peut occasioner,

non-seule-ment

de légères indispositions , mais très-souvent des accidens graves. Autrefois

on

attribuait le

danger

aux exhalaisons de la

chaux

vive ; mais depuis

que

l'on sait

que

la

chaux humide

sépare l'oxigène de l'air

,

ce

phénomène

s'explique facilement,en

rai-son

du

gaz azote qui reste. Iln'y a

que peu

de jours

que

nous fûmes appelés

pour

don-ner nos soins à

une dame gravement

ma-D AMERIQUE. ij lade par les effets

du

blanchiment de sa maison.

La

peinture fraîche n'est pas

moins

dangereuse; il n'y a personnequi nese res-sente de ses mauvais effets.

La

ville est très-humide en raison de sa situation basse, d'un sol

peu

incline, et de

la grande quantité' d'eaux stagnantes qu'on voit dans les faubourgs et lieux adjacens.

Effectivement, elle est entourée de mares

,

de fossés, de mille canaux obstrués , de

lacs, etc.

, qui retiennentles eauxsur le ter-rain , parce

que

le sol est presque partout

composé

d'argile etde débris plus

ou moins

altérés de végétaux. Les eaux, provenant presque toutes des pluies , n'ont pas

d'é-coulement;s'il

y

a des canaux,ils sont obs-trués ou

mal

dirigés. Elles sont retenues sur

un

sol argileux qui s'oppose à l'infiltra-tion, etn'ont d'autre issue

que

l'évaporation par l'action de l'air et

du

calorique.De-là

les

brumes

etles brouillards épais, au lever et au coucher

du

soleil,répandant

une odeur

particulière et désagréable: effet des

éma-nations marécageuses.

Tous

ces terrains

,

tous ces marais qui nous entourent ,la

fange est souvent

détrempée

par les pluies,

4

8

ESSAI SUR LA FIEVRE JAUNE

nourrissent

une

multitudede plantes,

don-nent naissance

aux

insectes; lorsque la sé-cheresse

commence,

cesplanteset

une

mul-tituded'animauxmeurent; la décomposition se manifeste,et il s'échappe de ces lieux des vapeurs fétides qui répandent au loin les

maladies et la mort.

Il serait difficile de croire au degré d'a-pathiedenos concitoyens,sinousn'enétions pas les témoins. Parcourons le

bord du

fleuve. Depuis le faubourg Sainte-Marie jus-qu'à celui de

Marigny

inclusivement, nous

voyous chaque

jour,

non -seulement

des matières végétales et animales en putréfac-tion, mais aussi des chalands contenantles restes avariés de. leurs cargaisons,

aban-donnés

par leurs propriétaires. Je conviens

que

la police mérite d'être censurée

pour une

telle négligence, mais les propriétaires de ces cargaisons ne sont pas,

pour

celle raison,

moins

condamnables,puisqu'ils pour-raient à-très-peu de frais, faire nettoyer ces embarcations. Cette absence d'humanité à l'égard d'une ville

Ton est

venu pour

ses affaires et où onles fait souvent fort

bonnes

,

a quelque chose d'odieux. L'odeurest

quel-d'amérique. 19 quefois siinfecte, qu'on ne peutapprocher

de

ces lieuxsans courirde grands dangers(a).

Plus loin ce sont des pelleteries, des cuirs mouilles en putréfaction.

Pourquoila ville est-elle le seul point de

la contrée

siège presqu'annuellement la

maladie qui la dépeuple? Cest parce

que

seule, elle contient

une

quantité considé-rabledematières

corrompues

; c'estainsi

que

ces matières animales et végétales,ces cuirs, ces pelleteries, ces provisions, toutes en

pu-tréfaction,

donnent

lieuaux fièvres les plus graves, et

même

à la Fièvre

Jaune

(1).

(a)Maintenant nous nevoyons plus ces chalands infects dont parle le docteur Picornell, échoués ou amarrésdevant la ville; la police oblige à les placer àunecertaine distance;mais oncontinue à jeterdans le fleuve,vis-à-visle centrede la ville,les animaux morts,lesmatièresfécalesprovenant deslatrines,etc.;

etl'eau du fleuve estgénéralement la seuleque

boi-ventleshabitans! P.-F. Th.

(1)Dansun rapportfaitau mois de janvier1806, au gouverneur Lewis, par ledocteurEd Miller, mé-decin résidant du port de

New-

York,ce médecin donne des preuves du développement de la Fièvre Jaunedans les vaisseauxrégnent la malpropreté,

2"

•20 ESSAI SUR LA FIEVRE JAUNE

Après ledégel , dans lehaut pays, le

Mis-sissipi

monte

, envahit des terres et

forme

des marais. Il charrie des bois qui s'arrêtent de tous côtés. Ces bois en contactavec l'eau

pendant

plusieurs mois, s'altèrent; et laissés à sec lorsque lefleuve baisse, ils

communi-quent à l'air des émanations pernicieuses.

La

chaleur ayant

provoqué

Févaporation de

la plusgrande partie des eaux des marais ,

le fond vaseux

du

terrain est laissé à

décou-vert. Alorsles plantes,lesinsectes et les pois-sons, laissés àsec,meurent,sedécomposent,

et, avectous ces débris, il s'établit

un

foyer plus ou

moins

étendu de putréfaction, qui infecte l'air.

Il importe

beaucoup

aux habitans de ce

l'encombrement, le défaut de ventilation;ily a des cuirs bruts,des provisionscorrompues, etc.,sans i[u'on puisseles accuserde l'avoirapportée des pays étrangers. C'estpourquoi il estfortementrecommandé parce médecin, par le docteur Mitchell et par les

médecins résidans des hôpitaux de quarantaines, de se bâter d'assainir les navires qui sont dans cet état, à leur arrivée dans les ports, par les moyens conve-nables. Les hommes et leurs vêtemens doivent être soumis auxmêmes procédés.

D AMERIQUE. 21 pays de savoir

que

le gaz qui s'exhale de ces maraisestde l'hydrogènecarbone, char-gé,

comme

je l'ai dit, de vapeurs aqueuses

etd'émanationsde matières végétales et ani-males.

Pendant

l'été et

une

partie de

l'au-tomne

, lorsque tantde végétaux se

décom-posent dans ces eaux croupissantes ,

que

les insectes et les poissons

meurent

dans la vase,la putréfactionrapide de tous ces êtres organisés

dégage une

grande quantité de ces exhalaisons d'hydrogènecarboné. Quel-quefoisles matièrescarboniquesdont ce gaz.

est chargé sont en telle quantité ,

que

l'on voit les feuilles de plusieurs plantes

aqua-tiques couvertes d'une sorte de fuliginosité noirâtre, fétide,

parle

dépôt qu'y laissent les brouillards

hydrogénés

et les vapeurs exhalées deces marécages.

La

surface de ces eaux stagnantes présente aussi des nuances

irisées, et

une

pellicule qui n'est

interrom-pue que

par des bulles de gaz s'élevant de temps à autre

du

fond vaseuxsur lequelces eaux reposent.

Une

odeur fétide se

répand

à la ronde, et

pour peu

qu'on agitela

boue

de ces marais, il s'en exhale

une

infinité de bulles de gaz

hydrogène

, susceptible de

22 ESSAI SUR LA FIEVRE JAUNE

prendrefeuavec

une flamme

bleuâtre.

Com-biendefois,en été, n'ai-je pas re'pe'te'ces ob-servations!

Jusqu'ici je

me

suis principalement

oc-cupe' desfoyers

marécageux

; passons

main-tenant à l'examen d'autres

miasmes

pu-trides.

On

voit déjà dans la ville des tanneries

,

des fabriques de chandelle; ces

établisse-mens

s'y multiplieront sans doute,si la

po-lice n'est autorisée à les reléguer au-dehors.

Parlerai-je des magasins qui contien-nent desviandes et poissons salés, dont

une

partie est quelquefois en état de putréfac-tion?

Des

volatiles , des chiens, des chats , desrats morts et

même corrompus que

l'on voit dansles rues,au

bord du

fleuve etdans

lesfaubourgs?

Du

gros bétail

même

en cet état dans les

mares

et autres lieux d'alen-tour?Il suffit de signaler ces objets aussi dé-goûtans

que

nuisibles.

Plusieurs boucheries sont situées sur la rive opposée

du

fleuve , mais le vent d'est

nous apporteleurs exhalaisons. Si l'on tra-verse le fleuve, l'odeurinfecte qui s'exhale des débris des

animaux

tués,jetés au rebut.

d'aMERIQUE. 2.3 el des autres

immondices que

contiennent ces

emplacemens

,

nous

avertissent

du

dan-ger. Autant les particules odorantes des chairs fraîches sont salutaires ,

comme

le

prouve la

bonne

santé' de ceux qui résident dans les boucheries , autant sont nuisibles les effluves putrides des tueries, lorsque la

propreté

y

est négligée.

Ce

danger

ne

sera

éloigné

que

lorsque les tueries seront pa-vées en pierre, qu'elles auront des conduits dirigés versle fleuve, et qu'elles seront la-vées et bien débarrassées

du

sang répandu.

Un

autre objet qui mérite laplus sérieuse attention , est

un

cimetière situé presque dans la ville, et en outre trop petit

pour

la

population

, plus petit encore si l'on con-sidère les ravages affreux qu'il cause

lui-même.

Dans

tous les temps etchez toutes les na-tions,lelieu destiné àrecevoirles restes

hu-mains, a été choisi, soigné et embelli.

Ce

qu'on voit de pénibleet de dégoûtant dans celui de cette ville étouffe les sentimens de piété et de respect qui

nous

y conduisent.

Quoi

de plus pénible et de plus désagréa-ble en effet

que

d'entrer dans ce cimetière

,

24 ESSAI SLR LA FIEVRE JAUNE

après avoir

marché

dans la

boue

, et de por-ter la vue sur tant d'objets désordonnés et confus ?

Le

cortège funèbre est force' de se diviseret de faire de grands détours

pour

arriver à l'endroit où l'inhumation doit être faite !

Là on

voit

une

fosse pleine d'une eau bourbeuse, au milieu de laquelle

on

brise le cercueil à coups de pelle

pour

le faire coulerà fond : quel spectacle

pour

des païens tendres et religieux!

La

multitude des

tombeaux, parmi

lesquels ceux qui sont en pleine terre sont placés sans ordre et construits à lahâte, n'ont

que douze

pouces d'épaisseur aux côtés, et quatre seulement

à la tète etauxpiedss'iln'y a qu'uncercueil

;

lorsqu'il

y

en a

deux ou

plus, ces tristes réduits ne sont séparés

que

par

une

cloison dequatre pouces; desorte

que

Pierre ayant été

inhumé un

teljour,

un

,

deux ou

trois

moisaprès

on

placePaul à côté.Les malheu-reux habitons de ce pays ne savent pas

que

les miasmes

du

cadavre voisin ont pénétré dans le réduit qu'ils ont l'imprudence d'ou-vrir, et

que

ces

miasmes

se répandant

aussi-tôt dans l'air , sont

éminemment

nuisibles aux assistans : et de plus cette

maçonnerie

d'amerique. 25

est si

mal

faite, qu'avant la décomposition complète des cadavres,les

murs

commen-cent à se dégrader et à s'ouvrir , soit parce qu'ils sont établis sur

un

terrain

mou

, soit

par l'effet des gelées, des chaleurs , des pluies, etc. , autre issue

pour

ces

miasmes

si dangereux.

Ce

qu'on a peine à croire

même

en le voyant, c'est qu'on ait permis de construire tout auprès des maisons des-tinées à être habitées(a) !

Rendons

ànos parens et ànos concitoyens lesdernierstémoignages

du

respect

que

nous imposent la nature etla religion;mais pré-servons ceux qui leur survivent des déplo-rables effets de la putréfaction des corps

in-humés

de celte manière; il est

universelle-ment

reconnu,incontestablementdémontré,

que

les

miasmes

dégagés des sépultures

,

(a)

Un

autre cimetière vient d'être établi à une certaine distancedela ville;lesmorts neseront bientôt plus inhumés danscelui dont parle iciledocteur Pi-cornell;nousespérons en outre qu'on obvieraàtousles inconvéniens qu'il reproche avec raison à celui dans lequel on enterre encore actuellement.

P.-F. Th.

26

ESSAI SLR LA FIEVRE JAUNE

peuventcauser etontsouvent causé des ca-tastrophes épouvantables;

non-seulement

ils

donnent

plus d'intensité

aux

maladies ré-gnantes, mais encore ils enfantent des

ma-ladies contagieuses dont les ravages sont affreux. C'est

donc

avecraison qu'observant toutes les défectuosités

du

cimetière decette ville

, je présenterai aux magistrats et aux administrateurs deséglises de tousles cultes

,

les principes surlesquels doiventêtrebasées

les améliorations

que

l'humanité réclame si

impérieusement.

Un

autre objet

non moins

digne de nos réflexions, c'est l'hôpital ,

mal

situé,

mal

organisé,

mal

desservi. Les administrateurs de cet établissement, reconnaissant les fu-nestes effets detantde vices, paraissent avoir résolu d'abord sa translation dans

une

meilleure situation, et ensuite de procéder à des réformes indispensables, en prenant

pour

guide les lumières

que

des écrivains distingués ont répandues sur

l'établisse-ment

etl'administration deshôpitaux, selon les pays, la population, la situation des lieux, etc., etc. Je ne doute pas, connais-sant le zèle dont ils sont animés ,

que

le

D AMERIQUE. 'i.']

plan qu'ils agréeront ne laissera rien à dé-sirer (a).

Qu'il

me

soit permis d'exprimerles

vœux que

je

forme pour

qu'on

y

joigne

une

e'cole d'instructionmédicale,

un

institut clinique,

que

je crois absolument nécessaire, si nous voulonsacquérir

une

connaissanceplus

éten-due

des maladies

du

pays,etdela

méthode

de traitement qu'elles exigent; école enfin qui seule peut nous

donner,

avec letemps,des praticiensinstruits

pour

laville, les

campagnes

et

même

les Etats adjacens.

Les bornes de cet écrit ne

me

permettent pas d'entrer dans delongs détailsnécessaires

pour

faire sentir la nécessité de cet établis-sement;

néanmoins

je crois de

mon

devoir de présenterlesconsidérations suivantes:

On

sait aujourd'hui

mieux que

jamais de quelle importance il est de connaître les lésions organiques propres à

chaque

ma-(a) Jusqu'à présent les administrateursde l'hôpital n'ont opéré aucun changement favorable; il est tou-jours tel quele ditM. Picornell, qui loin d'exagérer

les vicesdecetétablissement,n'endonnequ'unefaible

idée. P.-F. Th.

28 ESSAI SUR LA FIEVRE JAUNE ladie

, puisqu'il est

démontré que

sans celle connaissance

on

ne peut lui opposerle

trai-tement le plus approprié.

Malgré

l'assenti-ment

général

donné

à cette importante

vé-rité, la plupart des ouvrages de

médecine

ne nous désignent point avec exactitude les organes lésés , et nous

ne

cherchons point à les découvrir par le

moyen

de

l'a-natomie pathologique:

combien

de malheurs ne sont-ils pas résultés de cettefaute?

Quand on

cultive avec

un

goût sévère

l'a-natomie pathologique , el qu'on sait inter-roger les cadavres,alors seulement

on

sait reclitier les erreurs qu'on a

pu commettre

relativement au diagnostic , parce qu'alors seulement les lésions organiques trouvées après la mort, nous dévoilent la vérité, en nous découvrant la véritable nature de la

maladie,et nous mettentàportée d'apprécier les

symptômes que

nous avons observés pen-dant la vie. Les avantages qui peuvent ré-sulter de cette étude sont incalculables.

Mais ce n'est

que

dans

un

hôpilal,

que

cette branche intéressante de la

médecine

peut être cultivée avec fruit : c'est là

seule-ment

qu'on pourra s'assurerde la nature de

d'amkriqiie. 29

chacune

des maladies propres à ce pays ; et c'est

du

résultat de ces observations et de ceux del'expérience

que

sortirontles armes victorieuses à l'aide desquelles on pourra combattre tant d'opinions erronées et tant de préjugés qui

malheureusement

se perpé-tuent

parmi

nous , surla nature etle

traite-ment

d'une infinité de maladies, et particu-lièrement des fièvres.

Combien

de citoyens n'aurait-on pas con-servés à l'Etat!

Combien

de chefs defamille

seraientencore

parmi

nous,si